Cancer : attention aux remèdes miracles !

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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Souvent éprouvés par leurs traitements contre le cancer, les malades peuvent être tentés d’aller chercher des alternatives sur internet. Mais gare aux charlatans, alertent les spécialistes.

Pour les personnes malades du cancer, il est parfois difficile de démêler le vrai du faux parmi les conseils de leur entourage, ceux trouvés sur des sites internet, des forums ou encore des blogs. Sans parler des publicités sur les réseaux sociaux pour telle « méthode naturelle » ou tel produit « miracle ». Des pseudo-traitements, soi-disant plus doux que la chimiothérapie ou la radiothérapie, qui les aideraient à supporter la maladie. Et même à vaincre leur cancer en un temps record.

Mais derrière ces promesses alléchantes et ces recettes de guérison se cachent bien souvent des personnes qui cherchent à tirer profit de la vulnérabilité des malades. En leur vendant des traitements dont l’efficacité n’a pas été prouvée par la science. Et qui peuvent même s’avérer dangereux.

Le citron congelé plus efficace que la chimiothérapie ?

Grâce à l’essor d’internet, et encore plus des réseaux sociaux, il est désormais facile de diffuser n’importe quelle théorie hasardeuse, voire totalement mensongère. Des théories qui prennent l’allure d’informations sérieuses, en adoptant les codes de la presse ou de grandes institutions du monde de la santé. Pour leur donner plus de crédibilité, elles citent des « experts » ou des études présentées comme « scientifiques », souvent étrangers d’ailleurs pour qu’il soit plus difficile de vérifier.

Les Décodeurs du journal Le Monde, un service spécialisé dans le décryptage des fake news, a consacré une vidéo en 2019 à l’un de ces soi-disant « traitements miracles » : le citron congelé. Cette infox, selon laquelle il serait « 10 000 fois plus efficace qu’une chimiothérapie » pour vaincre le cancer, circule depuis plusieurs années sur internet. Alors pourquoi des institutions reconnues ne la relaient-elles pas sur leur site ? Tout simplement parce qu’elle est complètement fausse. Dans leur vidéo, les journalistes du Monde montrent qu’elle s’appuie sur des extrapolations et des traductions hasardeuses d’une étude.

Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des traitements « naturels » aux vertus « extraordinaires » et autres thérapies « révolutionnaires », vantés sur le Web.

Aucun traitement miracle contre le cancer

Ainsi, lorsqu’on tape « guérir le cancer par » sur Google, les premières réponses que suggère le moteur de recherche sont les plantes, le jeûne, l’alimentation et la pensée positive. Et non pas la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie ou encore l’hormonothérapie. « Cela montre à la fois que de nombreuses personnes ont fait ce type de requêtes mais aussi qu’il y a des pratiques commerciales derrière ces thérapies alternatives. Car en payant, on peut les faire remonter sur Google, explique le Dr Jean-Baptiste Méric, oncologue et directeur du pôle Santé publique et soins de l’Institut national du cancer (INCa). Toutefois, soyons clairs, il n’existe aucun traitement miracle contre le cancer. »

Même mise au point du côté de la Ligue contre le cancer. « À ce jour, seuls les traitements conventionnels ont fait la preuve de leur efficacité, insiste son président, le Pr Axel Kahn. Grâce à eux, on parvient aujourd’hui à guérir près de 60 % des cancers (contre 1 sur 3 il y a 30 ans). Et même presque 100 % pour certains d’entre eux s’ils sont pris en charge à temps. » C’est le cas par exemple de la maladie de Hodgkin ou du cancer du testicule chez l’homme ou du cancer de la thyroïde ou du mélanome de la peau chez la femme.

Quels sont les dangers de ces pseudo-remèdes ?

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), dans son guide Santé et dérives sectaires, indique que 4 Français sur 10 ont recours aux médecines dites alternatives, dont 60 % parmi les malades du cancer. Parfois avec l’idée que cela va en améliorer l’efficacité ou bien les aider à en supporter les effets. « Le problème, c’est qu’elles peuvent en réalité interagir avec leur traitement habituel, et même en diminuer les bénéfices », insiste le Dr Jean-Baptiste Méric. C’est le cas du millepertuis, une plante aux effets antidépresseurs reconnus, mais qui peut avoir des interactions avec certaines chimiothérapies.

Le président de la Ligue contre le cancer conseille lui aussi de se méfier des traitements à base de plantes (la phytothérapie). « Car tout ce qui est "naturel" n’est pas forcément sans danger. Il y a dans les plantes des toxines qui sont loin d’être inoffensives. Elles peuvent même être de vrais poisons, précise le Pr Axel Kahn. Attention également aux régimes alimentaires particuliers, qui peuvent affaiblir l’organisme. »

Et dans le cas où les malades remplaceraient littéralement leur chimiothérapie ou leur radiothérapie par l’un de ces remèdes miracles, leurs chances de survie s’en trouveraient réellement affectées. Il vaut donc mieux miser sur la médecine traditionnelle.

C’est d’ailleurs ce que montre une étude de l’université de Yale aux États-Unis, datant de 2017. Elle portait sur des malades du cancer à un stade curable, qui ne se faisaient pas soigner par des traitements classiques mais par des traitements alternatifs. Résultat : ils avaient un risque de mortalité beaucoup plus élevé que ceux qui avaient recours aux traitements conventionnels. Cinq fois plus élevé pour un cancer du sein et quatre fois plus pour un cancer colorectal notamment.

Privilégier le dialogue entre médecins et patients

Dans tous les cas, il est préférable de demander conseil à son médecin avant de prendre n’importe quel traitement ou remède. « On peut comprendre que des patients, désemparés face au cancer et rongés par l’inquiétude, se tournent vers internet pour s’informer, concède le Dr Jean-Baptiste Méric de l’INCa. Mais mieux vaut qu’ils interrogent les professionnels de santé qui les suivent sur ce qu’ils ont lu ou entendu. Il ne faut pas hésiter à leur en parler avant de prendre ou de faire quoi que ce soit. C’est vraiment important. » Car tel régime particulier ou telle thérapie alternative ne seront pas forcément dangereux pour un patient mais pourront l’être pour un autre.

Des soins de support pour mieux vivre la maladie

Loin des promesses des remèdes « miracles », des pratiques peuvent toutefois se révéler utiles en complément des traitements conventionnels. Ce sont ce qu’on appelle les « soins de support ». Il s’agit des soins et des soutiens qui peuvent être proposés aux personnes atteintes d’un cancer, pendant et après leurs traitements. Ils aident entre autres à lutter contre la douleur, la fatigue et les effets secondaires des traitements comme les troubles digestifs ou les problèmes de peau. Et ils améliorent la qualité de vie.

« La psychologie ou la sophrologie par exemple peuvent apaiser la personne malade. Et l’amener à consentir à son traitement, à devenir en quelque sorte un combattant pour sa guérison », estime le Pr Axel Khan. Certains de ces soins de support, comme la socio-esthétique, sont proposés gratuitement dans la plupart des antennes de la Ligue contre le cancer. « Elle permet de gommer les stigmates de la maladie sur le visage. Cela n’est pas directement efficace sur le cancer, mais c’est un élément essentiel pour l’image de soi. »

L’activité physique adaptée a elle aussi des effets sur le moral. Mais pas seulement. Son impact sur la maladie a été démontré. « Dans le cas du cancer du sein par exemple, les femmes vont diminuer de façon importante leur risque de rechute en pratiquant un sport, révèle le Dr Jean-Baptiste Méric. On ne peut donc que les encourager à le faire. »

À noter : la prise en charge de certains soins de support après un traitement contre le cancer a été annoncée dans le projet de loi de financement 2020 de la Sécurité sociale. Ils concerneraient en particulier le soutien psychologique, le suivi nutritionnel et l’activité physique.

Dérives sectaires : « des signes peuvent vous alerter »

Chantal Gatignol est conseillère santé à la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

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Crédit photo : DR

« Parfois, la frontière est mince entre ceux qui vendent des produits ou des thérapies miracles et les mouvements sectaires. Ces derniers profitent eux aussi de la souffrance et du désespoir des malades et de leur entourage. C’est fréquent avec des pathologies pour lesquelles la médecine n’a pas tout résolu comme le cancer, la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques… Et à partir du moment où il existe une emprise mentale sur les personnes, on peut alors parler de dérive sectaire.

Avant d’en arriver là, quelques signes peuvent alerter. Par exemple si votre interlocuteur critique votre traitement habituel, vous incite carrément à l’arrêter ou vous promet de faire beaucoup mieux… mais pour un prix souvent très élevé ! Même chose s’il vous demande de rompre avec votre famille, vos amis ou votre médecin parce que cela va "favoriser" votre guérison. En cas de doute, il est possible de demander un avis à la Miviludes.

Au-delà de la maladie, la santé est clairement devenue une porte d’entrée pour les mouvements à caractère sectaire. L’évolution est notable. En 2012, la santé (y compris le bien-être et le développement personnel) représentait un quart des signalements reçus à la Miviludes. Aujourd’hui, c’est plus de 40 %. »

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