Cancer du sein : quels sont les symptômes à ne pas négliger ?

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Par Anaïs Daniel

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À défaut d’empêcher leur apparition, il est possible de détecter les cancers du sein à un stade précoce. Observation, examen, dépistage : quelles sont les pratiques qui sauvent ?

Chaque année, Octobre rose accentue les actions de prévention autour du cancer du sein. Au-delà de cette campagne salutaire, la vigilance doit être maintenue tout au long de l’année. Avec près de 59 000 nouveaux cas par an, ce cancer est le plus fréquent et le plus mortel chez la femme.

Dans le cadre du dépistage organisé, les femmes de 50 à 74 ans sont invitées à se rendre chez un radiologue tous les deux ans. Cet examen est entièrement pris en charge par l’assurance maladie. Il consiste en une mammographie et un examen clinique des seins, suivis d’une double lecture des résultats. Cela permet de détecter 90 % des cancers du sein avant l’apparition des symptômes.

« Le dépistage n’est pas de la prévention : il n’empêche pas de développer un cancer mais permet de le détecter à un stade précoce, c'est-à-dire lorsque la tumeur mesure moins de deux centimètres », fait remarquer le Dr Catherine Guldenfels, médecin coordinateur de la région Grand-Est pour le dépistage du cancer du sein. On estime à 99 % le taux de survie à 5 ans lorsque le cancer est détecté tôt.

Le cancer du sein touche les femmes à tout âge

Si le risque augmente avec l’âge, un cancer peut aussi être détecté chez les jeunes femmes. Un rendez-vous annuel chez un généraliste, un gynécologue ou une sage-femme est donc préconisé dès 25 ans.

Les médecins encouragent l’autopalpation mensuelle, idéalement après les règles. Sans remplacer les examens cliniques, ces gestes peuvent aider à déceler une anomalie. Les symptômes sont multiples : grosseur, déformation, changement de couleur, sensation de chaleur, aspect de peau d’orange, ganglion, rétractation ou encore écoulement mammaire. Il faut rester attentif à toute modification inhabituelle du sein ou du mamelon et prendre rendez-vous si on décèle quelque chose.

Pour apprendre à réaliser les bons touchers au niveau des seins, comme des aisselles, la fondation Keep A Breast a lancé une application pour guider les femmes lors de leur auto-palpation. Les gestes à effectuer sont détaillés et illustrés étape par étape.

Accompagner cette routine est essentiel, comme le souligne le Dr Amélie Gesson-Paute, vice-présidente de Keep A Breast Europe et spécialisée en oncologie mammaire : « Quand je m’adresse à une assemblée de jeunes femmes et que je leur demande combien d’entre elles pratiquent l’autopalpation, il y a dix doigts sur cent qui se lèvent. Et quand je demande qui sait la faire, il n’y a plus qu’un ou deux doigt(s) levé(s) ».

Bien que le dépistage organisé s’arrête à 74 ans inclus, les risques de développer un cancer subsistent. Selon l’Institut national du cancer, les cancers du sein à un stade avancé sont plus fréquents chez les personnes âgées de 75 ans et plus. « Quel que soit l’âge, quand on a un doute, il faut consulter. Il est important de connaître son corps et de s’auto-examiner, sans pour autant s’inspecter sans cesse », prévient le Dr Guldenfels.

Les hommes ne sont pas épargnés

Si la quasi-totalité des cancers du sein se développent chez la femme, les hommes ne sont pas forcément à l’abri. Les cas sont rares et représentent environ 1 % de ce type de cancers. Les hommes ont eux aussi un tissu mammaire et tout comme pour les femmes, le risque s'accroît avec l’âge.

La présence de la maladie est parfois délicate à appréhender chez la population masculine. « C’est très compliqué pour eux car ce cancer est identifié comme féminin », reconnaît Natacha Espié, présidente d’Europa Donna France. « On réfléchit à la manière d’intégrer les hommes dans nos actions. On l’a fait dans une vidéo où un patient témoigne de son parcours. Beaucoup de gens ignoraient que les hommes pouvaient l’avoir et l’ont découvert lors de la diffusion », précise Annick Gérard, responsable de la délégation lyonnaise.

Des solutions contre les inégalités territoriales

Les démarches médicales sont parfois ralenties par la distance géographique. Pour contrer ce problème, Élodie Guillaume, docteur en santé publique et prix ruban rose avenir 2020, étudie les inégalités en santé. « Les femmes éloignées des centres de radiologie participent moins au dépistage organisé. Il faut amener ce dépistage aux personnes », annonce-t-elle. Un mammobile sera donc déployé à l’automne prochain en Normandie. Ce camion médical parcourra plusieurs zones rurales pour inviter les femmes à se faire examiner à bord, dans le cadre du dépistage organisé. Au bout de deux ans, les données recueillies seront analysées pour évaluer les endroits où il apparaît pertinent de généraliser le mammobile.

Au-delà du dépistage mobile, le protocole scientifique cherche à s’assurer que les femmes sont bien informées. « Il est important de réadapter ses outils car on comprend mieux ce qui empêche la participation. Ces plaquettes d’information présentent les bénéfices du dépistage et se basent sur ce que l’on connaît des freins des personnes », renseigne Élodie Guillaume.

Déjouer les idées reçues qui freinent les examens

Souvent, les personnes se sentent en bonne santé et ne comprennent pas l’intérêt du dépistage. « “Ça ne m’arrivera pas à moi”, “je ne me sens pas concernée sont des phrases qui reviennent beaucoup », énonce Annick Gérard, responsable de la délégation lyonnaise d’Europe Donna. Ces propos font écho à un sondage récent : près d’une personne sur deux ne se sent pas concernée par le cancer, que ce soit pour elle-même ou pour un proche.

« Les personnes n'ont peut-être pas envie de se sentir concernées. Lors de l’examen, on se met à envisager un cancer, et ça, personne n’en a envie », analyse Natacha Espié, présidente d’Europa Donna France.

Outre la peur de se confronter aux résultats de l’examen, un autre aspect peut être source d’inquiétude : « On entend souvent “ça fait mal” : les femmes ont peur de la douleur due à l’examen. Notre vidéo aborde ce sujet sur le ton de l’humour pour rassurer », indique Annick Gérard. « Il faut simplement dire aux femmes que faire un dépistage permet de détecter un cancer plus tôt et d’éviter les traitements trop invasifs. Le dépistage réduit les risques de mourir », insiste Natacha Espié.

L’intelligence artificielle au service du dépistage

Accusé de surdiagnostiquer ou de surtraiter des cancers qui ne se seraient pas développés, le dépistage organisé a parfois mauvaise presse. L’intelligence artificielle (IA) permettra peut-être de faire évoluer les inquiétudes des patientes.

Selon le Dr Caroline Malhaire, radiologue à l’institut Curie, « suite aux mammographies et échographies réalisées dans le cadre du dépistage organisé, des biopsies sont parfois demandées avec excès. 50 % d’entre elles révèlent finalement des résultats bénins. Ces examens supplémentaires peuvent susciter de l’anxiété chez les personnes. L’intelligence artificielle pourrait aider à répondre à ces inquiétudes en permettant une meilleure discrimination du bénin et du malin en amont. » L’institut Curie travaille ainsi avec une société qui développe un outil d’aide au diagnostic. Même si les recherches n’en sont encore qu’aux prémices, l’intelligence artificielle laisse espérer une précision accrue des diagnostics.

Cet outil technologique apporte également de nouvelles perspectives sur la personnalisation de l’examen. Le projet Deep.piste mené en Occitanie vise à mesurer les performances de l’intelligence artificielle dans le cadre du dépistage organisé. « Un des objectifs est de réduire le nombre de cancers de l'intervalle, c’est-à-dire ceux qui surviennent entre deux mammographies. Nous voudrions déterminer si une personnalisation de la fréquence de dépistage est importante » explique le Dr Antoine Khreiche, directeur général du Centre de coordination du dépistage des cancers en Occitanie.

Les données sont mises à disposition sur une plateforme. « En faisant cette étude et en rendant accessibles ces données, d’autres y auront accès et cela pourra éventuellement donner lieu à des études comparées », ajoute le docteur.

Les deux médecins l’assurent : sans prendre le pas sur le travail des radiologues, l’intelligence artificielle représente l’avenir de la médecine.

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