Changement d'heure : pas si anodin

Publié le , actualisé le

Par Émilie Gilmer

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Destiné à faire coïncider les heures d’ensoleillement avec les activités humaines, le changement d’heure est de plus en plus contesté. Quelles sont ses conséquences sur notre santé ?

Le changement d’heure perturbe notre horloge biologique.

Vrai. « Chacun d’entre nous possède une horloge interne située dans le cerveau, qui programme, contrôle et coordonne les besoins quotidiens de l’organisme (se lever, se coucher, déjeuner, dîner…), explique Sylvie Royant-Parola*, psychiatre et présidente du Réseau Morphée**. Or, avec le changement d’heure, on perturbe cette organisation et on impose à notre horloge interne de se recaler. » Une « perturbation » dont la prise en compte est néanmoins récente…

« Pendant longtemps, on a pensé qu’une seule heure de décalage n’avait pas de réelles conséquences sur l’organisme, ajoute l’experte. Différentes études ont montré qu’au contraire, ce dérèglement de notre horloge, même minime, fragilise bel et bien notre organisme et que cette difficulté est partagée par la quasi-totalité de la population.

*Coauteure de « Quoi de neuf sur le sommeil ? » (éditions Quae) et « Les mécanismes du sommeil » (éditions Le Pommier).
**Réseau de santé consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil.

Le passage à l’heure d’été est le plus fatigant.

Vrai et faux. Le passage à l’heure d’été (le dernier dimanche du mois de mars) est en général plus difficile pour notre organisme car nous perdons une heure de sommeil. Exception faite des couche-tôt pour lesquels le passage à l’heure d’hiver reste plus difficile.

Une chose est sûre, la privation de sommeil a de nombreuses conséquences. « Elle touche la sphère cérébrale et l’ensemble de l’organisme, précise Claude Gronfier*, neurobiologiste, membre du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRL). Ce qui se traduit par la sensation d’avoir mal dormi et par des troubles de la vigilance a minima le jour qui suit le changement d’heure. D’autres troubles sont aussi observables les jours suivants : la sensation d’être moins performant, de se fatiguer plus vite, voire une irritabilité, une difficulté à gérer le stress. »

*Coauteur de « En finir avec le blues de l’hiver » (éditions Marabout) et « Les mécanismes du sommeil » (éditions Le Pommier).

Les enfants et les personnes âgées sont les plus touchés par le changement d’heure.

Vrai et faux. « En période scolaire, les enfants ont de nombreux impératifs horaires à respecter, ce qui les rend vulnérables au moment du changement d’heure, remarque Sylvie Royant-Parola. Par ailleurs, ils sont très sensibles à la lumière et éprouvent de grandes difficultés à trouver le sommeil lorsque la luminosité se prolonge. En général, ils ont besoin de 8 à 15 jours pour s’adapter au changement d’heure. » Même chose chez les personnes âgées « qui ont une grande rigidité horaire », explique l’experte.

Mais une autre population est largement touchée par le changement d’heure : les adolescents. « C’est une période de la vie où l’on a tendance à s’endormir plus tard et à se réveiller plus tard, et donc à prendre du retard sur son horloge naturelle, analyse Sylvie Royant-Parola. Devoir avancer son horloge et se lever une heure plus tôt le matin est très compliqué ».

Le nombre d’infarctus augmente dans les jours qui suivent le passage à l’heure d’été.

Vrai. Plusieurs études ont démontré une augmentation des cas d’infarctus du myocarde dans les quatre jours qui suivent le changement d’heure. « Même si les mécanismes ne sont pas encore connus avec précision, le phénomène commence à s’expliquer, indique Claude Gronfier. On sait notamment que le sommeil est très impliqué dans la régulation du système cardio-vasculaire, tout comme l’horloge biologique qui en contrôle différents aspects (la contraction du muscle cardiaque par exemple). Or, la combinaison d’un manque de sommeil et d’un dérèglement de l’horloge interne pourrait favoriser ce genre d’accidents.»

Les Français sont favorables au changement d’heure.

Faux. Selon les résultats d’une étude réalisée en 2016 par Ooreka-OpinionWay, 83 % des Français sont indifférents ou défavorables au changement d’heure. Autre chiffre intéressant : seuls 28 % des personnes interrogées pensent qu’il permet de faire des économies d’énergie (dans la mesure où il réduit les besoins d’éclairage en soirée). C’est pourtant bien ce qui a motivé son introduction en septembre 1975 (à la suite du choc pétrolier de 1973).

Quant à choisir entre l’heure d’été et l’heure d’hiver, 76 % des Français souhaiteraient rester à l’heure d’été, avec un soleil qui se couche plus tard. « Certes, plus notre durée d’exposition à la lumière est grande, plus la qualité de notre sommeil augmente et notre humeur s’améliore, remarque Claude Gronfier. Pour autant, aucune étude ne prouve que l’une ou l'autre des deux options soit meilleure pour la santé. Rester à l’heure d’hiver apparaît même plus raisonnable, notamment pour réduire le décalage avec l’heure solaire. »

Le passage à l’heure d’hiver favorise les accidents de la route.

Vrai. La Sécurité routière observe chaque année augmentation de plus de 40 % des accidents pour les piétons en fin de journée (sur la tranche 17h-19h) les jours suivant le changement d’heure. Une hausse qui serait due à des conditions de visibilité soudainement réduites puisque la nuit tombe plus tôt, au moment des trajets professionnels et des sorties d’école. De quoi appeler chacun à la plus grande vigilance…

Les conseils pour vivre au mieux le changement d’heure

Passage à l’heure d’hiver :

Faire du sport en soirée quand on est un couche-tôt. Le passage à l’heure d’hiver qui consiste à reculer notre horloge (à 3 heures, il sera 2 heures) pénalise surtout les couche-tôt qui vont avoir du mal à rester éveillés le soir et à dormir un peu plus le matin. « Pratiquer une activité physique en soirée est une des solutions pour repousser l’endormissement », indique Sylvie Royant-Parola.

Ne pas changer ses habitudes quand on est un couche-tard. « L’erreur serait de se coucher une heure plus tard que son horaire habituel (en pensant que l’on va dormir une heure de plus le matin), note Claude Gronfier. Car durant les premiers jours, notre horloge interne risque de nous réveiller une heure plus tôt que nécessaire. »

Passage à l’heure d’été :

Anticiper ! Dans la mesure où l’on devra avancer son horloge (à 2 heures, il sera 3 heures), il est souhaitable de commencer à se coucher plus tôt la semaine qui précède. « On évite alors d’accumuler une dette de sommeil et notre horloge aura moins d’efforts à fournir le jour J », remarque Claude Gronfier.

Éviter toute stimulation en soirée. Au contraire du passage à l’heure d’hiver, l’idée est de favoriser l’endormissement. Aussi, mieux vaut éviter toute activité physique le soir ou usage prolongé des tablettes et autres écrans.

Redoubler de vigilance. « Compte tenu des troubles de la vigilance engendrés par ce changement, il est essentiel que chacun fasse preuve de vigilance, souligne Claude Gronfier. Aussi bien au travail – chaque année, une hausse des accidents est observée dans les jours qui suivent le changement d’heure – que sur la route. »

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