La cigarette électronique est-elle dangereuse ? Le point avec le Pr Dautzenberg

Publié le , actualisé le

Par Geneviève Allaire

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e-cigarette © gawriloff / iStockphotos et DR (portrait du Pr Dautzenberg)

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Le professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue bien connu pour son implication dans la prévention du tabagisme, dresse un bilan de la cigarette électronique en tant qu’outil du sevrage tabagique.

Fume-t-on de moins en moins en France ?

Bertrand Dautzenberg : Il y a une décroissance globale du tabagisme puisqu’aujourd’hui, il se vend trois à quatre fois moins de cigarettes qu’il y a 25 ans. Mais la proportion de fumeurs reste importante. Selon Santé Publique France, un quart de nos concitoyens fumaient quotidiennement en 2020. Du côté des jeunes, la cigarette est étiquetée comme ringarde mais ils ont une perception positive de la e-cigarette, de la shisha ou du haschich.

Est-elle moins nocive que le tabac traditionnel ?

B. D : Oui. Si la e-cigarette est moins bonne pour les poumons que l’air pur des montagnes, elle est cependant moins nocive que la cigarette. Elle permet d’absorber une dose de nicotine équivalente sans que cette substance soit fumée. Ce qui réduit les effets néfastes du tabac et en fait un produit moins irritant pour les bronches. Avec une e-cigarette, comme d’ailleurs avec des patchs ou des gommes à mâcher, la nicotine est délivrée plus progressivement, sans les pics de nicotine qui entretiennent la dépendance, quand on fume la cigarette. Attention, toutefois, à ne pas utiliser la cigarette électronique s’il n’y a plus de liquide. C’est comme si l’on utilisait une cocotte-minute sans eau et c’est très nocif car, une fois les dernières gouttes évaporées, la température monte en flèche. Les fumeurs sont victimes d’une maladie chronique incurable et cette pathologie leur a été inoculée par l’industrie du tabac lorsqu’ils étaient enfants ou adolescents. Car, en fumant, ils ont multiplié le nombre de récepteurs nicotiniques, qui attendent par la suite chaque jour leur dose. L’addiction est telle que les fumeurs doivent être traités afin d’en venir à bout.

Pour le patient, quel est l’intérêt de la e-cigarette par rapport aux autres produits substitutifs ?

B. D : Dans le contexte de l’arrêt du tabac, la e-cigarette et les substituts nicotiniques sont très voisins, l’important pour le fumeur étant de recevoir une dose de nicotine qui compense le besoin.  Si un vapoteur continue de fumer des cigarettes dans le même temps, c’est la preuve qu’il faut revoir le dosage de la e-cigarette. Entre la e-cigarette et les substituts nicotiniques, le plus satisfaisant pour le patient, c’est souvent la prise de nicotine par le vapotage. De cette manière, l’arrêt du tabac est perçu comme un plaisir et non pas comme un effort ou une privation.

L’e-cigarette, comme moyen pour arrêter de fumer, divise la communauté scientifique. Pourquoi ?

B. D : Une étude publiée en 2019 par The New England Journal of Medicine* a démontré une efficacité de la e-cigarette supérieure par rapport aux substituts nicotiniques à un an pour l’arrêt du tabac alors que les deux produits contiennent la même nicotine. Le plaisir lié au vapotage est associé à une meilleure compliance à la prise de nicotine qu’avec les médicaments. A trois mois, la moitié de ceux qui utilisaient la e-cigarette avait arrêté le tabac. Tandis que l’autre moitié du groupe qui était traité avec les patchs ou les gommes à mâcher avait repris la cigarette après 20 jours. Malgré cet enseignement, le Haut Conseil de la Santé publique déconseille aux médecins de laisser prendre la e-cigarette à leurs patients qui souhaitent arrêter de fumer. Mais cette même instance reconnaît que la vape aide à l’arrêt du tabac des patients en dehors du circuit médical. Une position tout-à-fait contradictoire.

En vente dans les bureaux de tabac, les puffs sont des cigarettes électroniques jetables à base d’arômes sucrés contenant ou non de la nicotine. Sont-elles fiables pour arrêter de fumer ?

B. D : Avec leurs couleurs vives et leurs goûts acidulés, les puffs ont été marketées pour séduire collégiens et lycéens et elles font l’objet d’une promotion agressive. Concernant les puffs contenant de la nicotine, la concentration est exprimée en milligrammes alors qu’elle doit être indiquée en mg/millilitres. Elles sont aussi vendues en fonction du nombre de bouffées consommables, ce qui n’a aucun sens. Pour une personne désirant cesser de fumer, il est difficile d’utiliser ces produits par manque de repères par rapport à la quantité de nicotine absorbée. En outre, ces produits sont extrêmement polluants car non recyclables.

Le vapotage est-il risqué pour les femmes enceintes ?

B. D : Selon une étude récente, le poids de naissance des bébés des vapoteuses est identique à celui des nourrissons des non fumeuses. En revanche, il est plus faible chez les bébés des femmes qui ont fumé pendant la grossesse. Cela confirme que vapoter est moins nocif que fumer lorsqu’on est enceinte.

*Etude menée par Peter Hayek, intitulée « A Randomized Trial of E-Cigarettes versus Nicotine-Replacement Therapy » et publiée le 14 février 2019.

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