Covid-19, Ukraine, climat : comment garder le moral face aux évènements anxiogènes ?

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Par Patricia Guipponi

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La pandémie, la guerre en Ukraine, l’inflation, le dérèglement climatique… Depuis des mois, les évènements lourds et sombres se succèdent et ont un impact sur le moral des Français qui peinent à envisager un avenir serein. Quelques conseils pour mieux vivre cette angoissante actualité.

La pandémie du Covid-19 secoue le monde depuis plus de deux ans et n’est pas encore maîtrisée. La guerre s’est déclarée aux portes de l’Europe avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. En mars, l’Insee a observé que l’inflation a augmenté de 4,5 % en un an sur le sol français. La hausse des prix des produits pétroliers, alimentaires et manufacturés en est l’une des illustrations.

A cela s’ajoute la question du réchauffement climatique, toujours plus préoccupante. « On peut mesurer combien ces événements, peu réjouissants, ont un impact sur l’état de santé psychique des Français par l’augmentation des ventes de psychotropes et autres anxiolytiques », commente Michel Wieviorka, sociologue et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales*.

Les chiffres en progression des demandes de consultation chez les psychologues et les psychiatres corroborent ce constat de détérioration « soulevé par ailleurs par des enquêtes d’opinions et des études sérieuses », poursuit le sociologue. Il précise que les Français ne sont pas devenus plus fragiles psychologiquement « brusquement et pour des raisons naturelles. Ils le sont parce que des évolutions, notamment sociales et politiques, observées dans le temps, ont bouleversé leurs repères. »

Le moral ébranlé dans une société en pleine mutation

Les évènements lourds et sombres s’enchaînent et nous échappent alors que la société, elle, poursuit une mutation considérable et inexorable. « Nous avons plongé depuis des décennies dans le déclin de l’industrialisation, époque qui nous confortait par des lendemains qui chantent », observe Michel Wieviorka.

« Nous sommes entrés dans la société du risque et nous n’y sommes pas préparés. Dans ce monde, des événements potentiellement rares peuvent se produire. Et quand ils surviennent, leur poids, leurs conséquences s’avèrent considérables pour nous. » Pour étayer ses propos, le sociologue cite l’exemple de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en avril 1986. « C’est un évènement que l’on voit peu en principe, localisé, mais dont l’impact s’est révélé mondial. »

Les acquis, les certitudes, les mécanismes d’antan se sont progressivement défaits. « Désormais, la place est grande pour le complotisme, les fake-news, les extrémismes… Les repères des uns et des autres ne convergent plus, ne se parlent plus et cela favorise l’absence de projection vers l’avenir, le désarroi, l’inquiétude et la haine. »

La santé mentale des moins de 25 ans plus fragilisée

Ariane Calvo exerce comme psychologue et psychothérapeute, spécialisée dans la résilience et les transitions de vie. Elle est au fait des inquiétudes de ses contemporains qu’elle reçoit en consultation. « Avec mes consœurs et confrères, nous avons mesuré plusieurs phases d’anxiété, du tout début du confinement à la rentrée de 2021 où l’on a réalisé que le Covid durait. Et à présent, il faut vivre avec la guerre à nos portes qui conforte l’idée d’un avenir incertain. »

Et de poursuivre : « Le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a annoncé, six jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, qu’il ne reste que trois ans pour inverser la tendance qui va vers une destruction de la planète en raison d’une trop grande altération du climat. Cela pèse sur l’anxiété dont certains ne parviennent pas à s’extraire. »

Les moins de 25 ans sont plus fragilisés face à cet enchaînement de catastrophes. « Ils vivent déjà par leur âge une sorte de dépression d’entrée dans le monde adulte. La situation complexifie la donne. Ils ont encore moins envie de passer cette étape. »

Le fait qu’ils se sentent impuissants face à ce qui se joue devant leurs yeux accentue le profond malaise. « Ils ont l’impression d’être sacrifiés par les générations précédentes qui n’ont pas pris soin de leur laisser un monde sain. Nous sommes responsables de ne pas avoir saisi plus tôt certaines urgences et les plus jeunes pensent que l’on se fiche de ce qui va advenir d’eux. »

La déprime survient quand on est dans le déni et se renferme

La thérapeute remarque qu’un fossé s’est creusé dans la société française entre « ceux qui se sont saisis de leur vie, qui avancent » et ceux qui restent « tétanisés, les yeux rivés sur le monde d’avant ». Autrement dit, il y a ceux qui ont profité des bouleversements pour repenser leur vie en redéfinissant ce qui était prioritaire et primordial. « Ils ont réalisé que ce qui faisait sens pour eux passait bien souvent à la trappe, pris dans un rythme endiablé de responsabilités et de réponse aux attentes extérieures ».

Et puis, il y a ceux qui n’ont rien fait, qui ont souvent subi ce qui arrivait par déni et/ou incapacité de se projeter. « On parle là d’adaptation au changement, de résilience », ajoute la psychothérapeute. Certains rebondissent, se reconvertissent, déménagent, trouvent du sens dans l’entraide, la solidarité… « D’autres se renferment, pensant que tout est bouché, ce qui entraîne la déprime, voire la dépression. »

La psychothérapeute est la co-auteure du Petit guide de survie psychologique en temps de crise sanitaire **. Elle y préconise de « petites choses qui permettent d’aller mieux et de regarder l’existence autrement ». Se préserver est la règle numéro un. « Il s’agit de faire attention à ce qui se présente à nos oreilles et à ce qui sort de notre bouche, c’est-à-dire d’éviter d’être trop parasités par des informations négatives, voire dramatiques, de les ressasser et de se plaindre de tout, sans cesse, sans rien faire de nos insatisfactions. »

« L’être humain avance grâce aux crises »

Ariane Calvo recommande de se focaliser sur ce qui permet de récupérer des forces, de se sentir bien. « Il faut se positionner dans l’action et le lien, c’est-à-dire, ne pas s’isoler et faire attention aux plus fragiles que soi ». De chaque expérience négative, le meilleur doit être retiré autant que possible. « Certes, la situation est grave mais cela ouvre les consciences, précipite certaines actions, favorise certains passages. L’être humain avance grâce aux crises. »

Michel Wieviorka est aussi de cet avis. « Avec la crise sanitaire, on s’est réapproprié notre économie locale, on comprend qu’il ne faut plus être totalement dépendant des productions étrangères… ». Il prône également d’agir plutôt que de subir, de s’ouvrir face aux bouleversements. « Il faut se projeter, ne pas mettre les problèmes sous le tapis mais affronter les véritables enjeux, avec de vrais débats publics contradictoires, conflictuels, sans appeler à la violence. Et ce, sur des questions telles que l’environnement, le genre ou encore l’éthique, la vie et la mort ».

* Michel Wieviorka est l’auteur de Métamorphose ou mutation. Où va la France, aux éditions Rue de Seine, 2021.

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