Dengue : faut-il s’inquiéter de la hausse des cas en France ?

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Par Peggy Cardin-Changizi

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La dengue est une infection virale transmise par la piqûre d'un moustique tigre infecté. Présente principalement dans les zones tropicales et subtropicales proches des Tropiques, la maladie touche également la France hexagonale depuis quelques années. Quels sont les risques ? Comment se prémunir ?

Maladie infectieuse provoquée par un virus et transmise par la piqûre d’un moustique du genre Aedes (moustique tigre), la dengue sévit habituellement dans les régions tropicales et proches des Tropiques, avec une prédilection pour les zones urbaines et semi-urbaines. Pourtant, depuis quelques années, on la trouve également en Europe, en Italie, en Espagne mais aussi en France où les chiffres sont en hausse.

En effet, en 2022, l’agence officielle Santé publique France a recensé, pendant sa période de surveillance renforcée saisonnière, entre le 1er mai et le 30 novembre, 241 cas importés de dengue. Il s’agit de patients rentrés en France après avoir contracté le virus à l’étranger. L’Agence a également dénombré 65 cas dits autochtones. Cela correspond à des patients infectés par le virus alors qu’ils n’ont pas voyagé hors de France. Un record pour les cas autochtones puisque le précédent avait été de 14 cas en 2020.

« Nous assistons tous les ans à la répétition de ces épisodes devenus habituels, rappelle le Dr Bernard Castan, infectiologue dans le Service des maladies infectieuses et tropicales du Centre hospitalier de Périgueux et président de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF). Mais en 2022, au-delà du nombre de cas, on a constaté une extension du risque sur le territoire. Avec la présence de foyers infectieux dans des régions comme le Languedoc-Roussillon ou le Sud-ouest jusque-là épargnées ».

Une transmission par un moustique infecté

Comment un arbovirus (c’est-à-dire un virus transmis par un arthropode dont les insectes) qui existe dans la quasi-totalité des pays d'Asie, une grande partie de l'Amérique latine, les Caraïbes et en Afrique (notamment au Kenya et en Tanzanie), se retrouve-t-il dans l’Hexagone ? « Plusieurs facteurs sont en cause, répond le Professeur Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité de recherche et d’expertise « Arbovirus et Insectes vecteurs » à l’Institut Pasteur.

Tout d’abord, on relève, en France, de fortes densités de moustiques vecteurs de la maladie. Cela s’explique aussi par la reprise des séjours à l’étranger et le retour des voyageurs de zones dites endémiques, où le virus sévit. Enfin, les conditions climatiques favorables à la multiplication des moustiques, avec chaleur et pluies, jouent un rôle. Cela sous-entend également que les moustiques tigre sont dotés d’une grande facilité d’adaptation dans les zones tempérées ».

La dengue n'est pas une maladie transmise par contacts directs entre les personnes. Elle ne se transmet que par la piqûre d'un moustique infecté. « La transmission se fait à partir du moment où une femelle moustique Aedes va piquer – et donc prélever le sang – d’une personne qui a la dengue et qui se trouve dans une période où le virus circule dans son sang (phase virémique).

Le virus se multiplie ensuite dans le moustique pendant une dizaine de jours environ. A l’issue de cette période, la femelle infectée pourra alors, à l’occasion d’une autre piqûre, transmettre le virus et infecter une nouvelle personne ». A noter que l’on compte 4 sérotypes distincts de dengue (1 à 4). « L’infection par un sérotype ne confère pas une immunité vis-à-vis d’un autre sérotype. Un individu peut donc être infecté par chacun des quatre sérotypes au cours de sa vie ».

Des symptômes grippaux

La plupart des personnes atteintes de la dengue présentent, dans les 4 à 7 jours en moyenne qui suivent la piqure par le moustique, des symptômes de type grippal : une forte fièvre, des douleurs musculaires et articulaires, des maux de tête, des éruptions cutanées et parfois des nausées et des vomissements. « Ces symptômes peuvent durer de quelques jours à trois semaines. La plupart des personnes se rétablissent complètement », poursuit le Professeur Failloux.

Cependant, dans 1 à 5 % des cas, la maladie peut évoluer vers des complications graves comme une fièvre hémorragique (fièvre persistante avec des saignements multiples, notamment gastro-intestinaux, cutanés et cérébraux). « L’état général du malade se dégrade avec un risque de développer un syndrome de choc cardiovasculaire dont l’issue peut être mortelle ». Au-delà des symptômes, le diagnostic de la dengue peut être confirmé par des tests de laboratoire (diagnostic virologique ou PCR).

Soulager la fièvre et les douleurs

Il n'y a pas de traitement spécifique pour soigner la dengue, mais des soins de soutien, comme du paracétamol, peuvent aider à soulager les symptômes. « En revanche, l'aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (c’est-à-dire sans cortisone), comme l’ibuprofène, doivent être évités, car ils peuvent augmenter le risque hémorragique », rappelle le Dr Castan. Il convient de se reposer et de boire pour éviter la déshydratation.

La dengue touche indifféremment les nourrissons, les jeunes enfants et les adultes. « En revanche, les personnes qui ont déjà été infectées par l’un des quatre sérotypes de la dengue courent un risque plus élevé, toute leur vie, de développer une forme sévère de la maladie s'ils sont infectés à nouveau, mais par un autre sérotype », conclut l’infectiologue.

Quelle prévention mettre en place ?

En France métropolitaine, la surveillance de la dengue repose sur la déclaration obligatoire avec signalement de tout cas importé lors d’un séjour à l’étranger ou non (cas autochtones). « Le patient consulte un médecin qui signale le cas auprès de l’ARS (Agence Régionale de Santé), détaille le Professeur Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité de recherche et d’expertise « Arbovirus et Insectes vecteurs » à l’Institut Pasteur.

Après confirmation du cas par un laboratoire d’analyses médicales, l’ARS met alors en place une opération de démoustication autour du domicile du/des patients(s) infecté(s), dans les zones de circulation du virus ». Cela permet d’éliminer les moustiques adultes potentiellement infectés et de supprimer les gîtes larvaires (eaux stagnantes…) pour limiter la prolifération des moustiques sur le secteur concerné. L’ARS informe systématiquement les maires des communes concernées par ces interventions de terrain.

« La meilleure façon de prévenir la maladie est d'éviter les piqûres de moustiques en utilisant des répulsifs et en portant des vêtements couvrants, en particulier en voyage dans les zones où la dengue sévit fortement et au retour de voyage pour éviter d’infecter des moustiques », conclut la spécialiste. Une protection particulièrement nécessaire la journée, les moustiques Aedes piquant surtout en début de matinée et en fin de journée.

Par Peggy Cardin-Changizi

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