Dépistages organisés des cancers : à qui s’adressent-ils ?

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Par Damienne Gallion

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En France, des programmes de dépistage sont organisés pour les cancers du sein, du colon et du col de l’utérus. Quelles populations visent-ils et quels sont leurs avantages et modalités ? Explications.

« Plus un cancer est détecté tôt, mieux il se soigne et se guérit ». Telle est la raison n°1, mise en avant par l’Institut national du cancer (INCa) sur son site internet, pour présenter les avantages des dépistages organisés. Ces programmes s’inscrivent dans le cadre de dispositifs nationaux mis en place par les autorités de santé. Régulièrement évalués, ces dépistages « garantissent sur tout le territoire un niveau de qualité élevé tant par leur organisation que par le suivi des personnes », indique l’INCa. 


En quoi consistent ces programmes ? En fonction de leur âge et leur sexe, les personnes sont invitées à réaliser tel ou tel examen, et ce de façon gratuite. Les dépistages organisés se différencient des dépistages individuels. Ces derniers sont en général prescrits par le médecin dans le cadre d’un suivi particulier, lorsque le patient présente des symptômes, des antécédents familiaux ou des facteurs de risques. Ces deux types de dépistage se rejoignent néanmoins dans leurs objectifs : diagnostiquer le cancer à un stade précoce, avant l’apparition de symptômes, afin de mieux le soigner et d’en limiter les séquelles, ainsi que celles des traitements. 


Des bénéfices supérieurs aux risques de surdiagnostics


En France, les dépistages organisés portent sur les cancers du sein, du colon et du col de l’utérus. Pourquoi ceux-ci et non pas d’autres ? Parce que, pour ces trois types de cancers, leur intérêt en matière de santé publique a été démontré. D’une part, les dépistages permettent de diminuer le nombre de décès liés au cancer en question. D’autre part, ce gain en matière de mortalité est supérieur aux inévitables limites d’un dépistage, c’est-à-dire aux risques de surdiagnostics (1), de faux positifs (2) ou de faux négatifs (3). 


Prenons l’exemple du cancer du sein. « Le dépistage organisé permet de diminuer de 20 à 30 % la mortalité liée à ce cancer, tandis que le risque de surdiagnostics est d’environ 10-15 % dans la même population », indique Suzette Delaloge, oncologue spécialiste du cancer du sein, et directrice du programme de prévention personnalisée des cancers de Gustave Roussy, le programme Interception


Le dépistage du cancer du sein


Le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme. Plus de 60 000 nouveaux cas ont été détectés en 2023. Son dépistage organisé s’adresse aux femmes âgées de 50 à 74 ans, la grande majorité (80 %) des cancers du sein se développant après 50 ans. Tous les deux ans, celles-ci sont invitées par un courrier de l’Assurance maladie à effectuer une mammographie (examen radiographique des seins). Le courrier contient un bon de prise en charge et la liste départementale des radiologues agréés dans le cadre du programme de prévention. 


Si la mammographie de dépistage présente des anomalies, des examens complémentaires sont demandés (échographie, biopsie…). Même si le cliché est normal, il est systématiquement vu par un deuxième radiologue, dans le Centre régional de coordination des dépistages des cancers. Cette deuxième lecture est une spécificité du dépistage organisé du cancer du sein, elle n’intervient pas dans le cas d’un dépistage individuel. Or, elle est un véritable plus. « La deuxième lecture permet de détecter 7 % des cancers », indique Suzette Delaloge. 


Le dépistage du cancer du col de l’utérus


Selon l’INCa, un dépistage régulier de toute la population-cible permettrait de réduire de 90 % l’incidence (5) du cancer du col de l’utérus, responsable de 1 100 décès par an. 
Les modalités de ce dépistage organisé diffèrent selon les tranches d’âge. 
Pour les femmes de 25 à 30 ans, il est recommandé tous les 3 ans. Toutefois, dans un premier temps, elles doivent réaliser deux examens à un an d’intervalle. Si les résultats sont normaux, le prochain dépistage a lieu trois ans plus tard. Le test de dépistage est un examen cytologique, c’est-à-dire un examen de cellules, effectué à partir d’un frottis. 


Pour les femmes de 30 à 65 ans, le dépistage intervient tous les 5 ans. Il consiste en un test HPV-HR (4), plus efficace qu’un examen cytologique pour cette tranche d’âge.


Ce dépistage peut être réalisé par un médecin généraliste, un gynécologue, une sage-femme, etc. Les invitations sont adressées par l’Assurance maladie aux femmes n’ayant pas réalisé le dépistage dans les délais recommandés. Pour les patientes disposant d’un compte Ameli, l’invitation est dématérialisée. 


À noter qu’il existe un deuxième moyen de lutter contre le cancer du col de l’utérus : la vaccination contre les virus HPV, recommandée par la Haute Autorité de Santé depuis 2007 pour les filles et depuis 2019 pour les garçons âgés de 11 à 14 ans révolus. « Ce vaccin, sans danger sur le long terme, réduit le risque de cancer lié à HPV de plus de 95 % », souligne Suzette Delaloge. Pour les jeunes femmes vaccinées, le dépistage reste pour l’heure préconisé, par principe de précaution. 


Le dépistage du cancer du côlon


Le cancer du côlon (ou du rectum) est l’un des plus fréquents en France. On compte 47 000 nouveaux cas chaque année en France et cause environ 17 000 décès. « S'il est détecté à un stade précoce, le taux de survie à 5 ans est de 90 %, indique Jean-Baptiste Méric, oncologue et directeur médical du Centre hospitalier de Bligny (Essonne). Ce dépistage permet également de détecter des polypes pré-cancéreux et de les retirer. Il est donc très utile, aussi bien au niveau individuel qu’en termes de santé publique. »


Le dépistage du cancer du côlon s’adresse aux femmes et aux hommes âgés de 50 à 74 ans. Ils sont invités à y participer tous les deux ans par l’Assurance maladie. 


Le dépistage consiste en un test à faire soi-même, à l’aide d’un kit gratuit qu’on peut demander aussi bien à son médecin qu’à son gynécologue, mais aussi à son pharmacien. On peut également le commander en ligne sur monkit.depistage-colorectal.fr. Il permet de détecter la présence de sang dans les selles. 


S’il peut sembler compliqué de prime abord, le test est simple à réaliser et ne nécessite qu’un seul prélèvement de selles. Une fois le test réalisé, il faut l'envoyer à l’aide de l’enveloppe T pré-identifiée au laboratoire chargé de l’analyser et l’on reçoit les résultats dans les jours qui suivent. Si le test est positif, cela ne signifie pas automatiquement que l’on a un cancer : des examens complémentaires sont alors prescrits. 


Vers un dépistage organisé du cancer du poumon ? 


De même que l’ensemble des traitements contre le cancer, les techniques de dépistage évoluent, ce qui pourrait conduire à mettre en place d’autres programmes dans les années qui viennent. Un programme pilote est actuellement conduit par l’INCa concernant le cancer du poumon. Il porte sur un dépistage par scanner à faible dose chez les personnes fortement exposées au tabac. Plusieurs études ont démontré l’impact de ce dépistage sur le risque de décès par cancer du poumon.


Parmi les autres évolutions en cours : le développement de tests sanguins qui permettraient de détecter plusieurs types de cancers différents avant même l’apparition d’une tumeur. Enfin, un changement de taille, en matière d’organisation, se profile. « Le dépistage organisé, qui s’adresse à une masse de population, pourrait évoluer, pour plus d’efficacité, vers un dépistage stratifié. Celui-ci s’appliquerait en fonction du risque de chacun de développer un cancer dans les années qui suivent », indique Suzette Delaloge. L’oncologue coordonne une étude internationale (baptisée MyPeBS) visant justement à évaluer, pour le cancer du sein, l’efficacité de cette nouvelle stratégie de dépistage.

De faibles taux de participation aux dépistages

Les dépistages organisés ont beau présenter de réels avantages, force est de constater que les taux de participation sont plus bas qu’attendus. Ainsi, en 2021-2022, moins d’une femme sur deux a participé au dépistage du cancer du sein. Concernant le dépistage du col de l’utérus, les chiffres sont meilleurs : 59 % des femmes de 25-65 ans ont été dépistées pour la période 2018-2020. Pour le cancer du côlon, le taux de participation s’élève à 34 % sur 2020-2021, soit bien en dessous des standards européens qui préconisent un taux de participation supérieur ou égal à 45 %. 


Les explications à cette faible participation sont multiples et sujettes à débat. Sont évoquées une culture de la prévention peu développée en France, un système de protection sociale qui pousserait les personnes à se sentir « trop » protégées, une information sur ces dépistages qui n’atteindrait pas efficacement les populations visées, la crainte du résultat etc. « Or, le dépistage est avant tout une occasion de se rassurer, souligne l’oncologue Jean-Baptiste Méric. Sur 1 000 femmes se faisant dépister pour un cancer du sein, 7 cancers sont détectés ». 
 

Pour améliorer la participation aux dépistages, l’Assurance Maladie a prévu de renforcer en 2024 l’ensemble de son dispositif. Environ 13,6 millions d’invitations à réaliser un dépistage du cancer colorectal seront envoyées, 10,4 millions pour le dépistage du cancer du col de l’utérus et 5 millions pour le dépistage du cancer du sein.  

1. Surdiagnostic : dans certains cas, le dépistage conduit au diagnostic d’un cancer qui n’aurait jamais été diagnostiqué sans dépistage et n’aurait pas eu d’impact sur la santé de la personne. 

2. Faux positif : le test est positif alors que la personne n’a pas de cancer.

3. Faux négatif : la personne est porteuse de la maladie, mais le test n’est pas parvenu à la détecter. 

4. Le test HPV-HR détecte la présence du virus HPV dans les cellules du col de l'utérus, tandis que l’examen cytologique observe l’état des cellules. 

5. Nombre de nouveaux cas d’une pathologie dans une population survenant pendant une période donnée, en général une année.

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