Curieux phénomène : dans un pays où l’alcool et le tabac provoquent plus de 100 000 morts par an, la drogue, qui en fait entre 800 et 900, reste l’angoisse numéro un des parents : 80 % d’entre eux en ont peur. Et pourtant, elle ne touche qu’une infime minorité de jeunes. Les statistiques le prouvent : l’éventualité qu’un adolescent plonge dans la drogue est minime.
Cette frayeur se nourrit de méconnaissance et d’incompréhension. Les adolescents s’amusent souvent de cette hantise parentale. De nombreux jeunes ont déjà fumé du cannabis (41 % des jeunes de 17 ans) et ils savent bien que la réalité est loin des angoisses de leurs parents.
Que l’on peut expérimenter une drogue sans pour autant entrer dans la dépendance qui, seule, caractérise la toxicomanie. Si bien que les adolescents fumeurs occasionnels de cannabis, ont du mal à comprendre que leurs parents leur fassent la morale, surtout s’ils les voient fumer deux paquets de cigarettes par jour ou boire un peu trop parfois.
Mal être, troubles psychiques, problèmes familiaux ou professionnels, les raisons qui peuvent conduire à l‘usage de drogues sont multiples.
On peut prendre de la drogue pour goûter, pour faire comme les copains, pour s’opposer à ses parents… Le risque de récidive est alors très faible. Mais si le produit est pris pour apaiser une douleur psychique, le risque de dépendance devient plus important.
Avant la prise de drogues, il y a souvent des « comportements-symptômes » : échec scolaire soudain, problèmes alimentaires, tabagisme, prise régulière d’alcool, isolement ou tentative de suicide… Ces conduites à risques sont l’expression d’un mal-être.
Avant de devenir une obsession, la drogue apparait comme une solution pour ceux qui en prennent : elle efface les angoisses et agit comme un calmant. La prise de drogue est le symptôme d’une souffrance : la personne toxicomane se drogue pour oublier. Mais très vite, elle ne vit plus que « par », « pour » et « dans » la drogue.
En croyant souffrir moins, on découvre qu’on souffre plus, et davantage chaque jour : il faut sans cesse augmenter les doses, trouver plus d’argent, par tous les moyens. On plonge alors dans ce que les spécialistes appellent « la délinquance d’obligation » : faire n’importe quoi pour acheter la dose qui mettra fin à l’affreuse sensation de manque. Pour sortir de cet engrenage infernal, qui dure souvent des années, il faut du temps et du courage.
Or, lorsque des parents ont un doute, ils osent rarement aborder le sujet avec leur enfant alors qu’il faut, au contraire, en parler franchement avec lui. Et ne pas hésiter, si nécessaire à se faire aider, ou conseiller, par une structure spécialisée.
Du sevrage « pur et dur » aux médicaments de substitution, l’évolution des traitements est immense.
La substitution repose sur un principe simple : il s’agit d’apporter une assistance médicamenteuse à des personnes dépendantes et incapables de se sevrer par elles-mêmes. Cette méthode est, par exemple, utilisée pour les gros fumeurs, par le biais de produits à base de nicotine.
Pour les consommateurs de drogues, les seuls traitements de substitution autorisés actuellement sont la méthadone, ou la buprénorphine à haut dosage*. Mais ils ne sont efficaces que pour les personnes dépendantes aux opiacés (héroïne, morphine, ou dérivés de la codéine).
La méthadone (sirop délivré uniquement en centre spécialisé de soins) et la buprénorphine (comprimés qui peuvent être prescrits par un médecin en dehors d’un centre spécialisé) pallient l’effet de manque mais il est faux de croire qu’elles remplacent l’héroïne en procurant du plaisir au toxicomane.
* La buprénorphine, est une substance proche de la morphine qui se prend sous forme de comprimés à laisser fondre sous la langue.
Pour être vraiment efficace, le traitement doit être global : services médico-sociaux, psychothérapie individuelle, réinsertion sociale et professionnelle, sont proposés simultanément. Les objectifs des programmes sont clairs : arrêt de l’utilisation de la drogue, diminution de la consommation éventuelle d’autres produits de dépendance (alcool ou médicaments), réduction des risques de maladies infectieuses transmises par voie intraveineuse, résorption de la criminalité et amélioration de l’intégration sociale.
La substitution permet de stabiliser la personne toxicomane en annihilant les effets de la drogue, ce qui entraîne généralement son arrêt. Parallèlement le patient trouve un lieu d’accueil et d’écoute qui lui permet de mener une réflexion sur les raisons de sa toxicomanie.
Il existe plus de cent études sur la méthadone et il en ressort très nettement qu’elle est efficace et pratiquement sans danger, qu’elle réduit la consommation d’héroïne, la délinquance, la contamination par les maladies infectieuses, et la mortalité.
Et même si la méthadone n’est pas la panacée, elle permet aux personnes toxicomanes de bénéficier d’un accompagnement efficace, d’avancer à leur propre rythme et d’aborder les problèmes de manière progressive : c’est uniquement quand ils se sentent prêts et suffisamment solides qu’ils envisagent le sevrage total, évitant ainsi la spirale infernale de l’échec et de la rechute.
D’autres méthodes sont, bien sûr, disponibles : centres spécialisés, hôpitaux et centres sociaux, toujours très actifs.