Une femme sur dix est concernée par l’endométriose. Cette maladie gynécologique est liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Les recherches se multiplient sur cette maladie, encore méconnue il y a quelques années. En ce début d’année 2022, une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose a d’ailleurs été lancée. Et depuis 2019, 11 000 patientes volontaires participent à l’étude ComPaRe-Endométriose pour mieux connaître cette maladie. Explications avec le Dr. Marina Kvaskoff, épidémiologiste, chercheuse à l’Inserm et responsable scientifique de cette étude.
Marina Kvaskoff : On s’intéresse à plusieurs questions-clés, telles que l’évolution des symptômes au cours du temps. Actuellement on ne sait pas pourquoi chez certaines femmes la maladie s’aggrave, régresse ou reste stable. On veut aussi mieux comprendre la réponse aux traitements, rendre compte du vécu des patientes, notamment de l’impact de la maladie dans leur quotidien. Par ailleurs, l’endométriose est une maladie complexe. On la décrit comme une entité unique alors qu’il existe des différences selon les patientes. Avec cette étude, on veut comprendre l’hétérogénéité de la maladie. Tous les mois au départ, puis de manière plus espacée ensuite, les femmes répondent à des questions sur le diagnostic, l’évolution des douleurs, le parcours chirurgical, la fertilité, les thérapies alternatives… C’est une participation précieuse. Cet engagement des patientes va permettre de faire avancer la recherche sur cette maladie, encore méconnue il y a quelques années.
M.K. : Le délai moyen de diagnostic est long en effet – il est de 10 ans dans notre étude. L’échographie endovaginale est le mode de diagnostic de référence avec l’examen clinique mais peu de radiologues et de gynécologues sont experts pour visualiser les lésions d’endométriose. Avec cet examen, les kystes d’endométriose se voient bien mais les lésions d’endométriose superficielle sont difficiles à voir, tout comme celles d’une endométriose profonde. Donc les patientes repartent souvent avec un « vous n’avez rien ». Les symptômes ne sont pas forcément caractéristiques car ils peuvent être liés à d’autres pathologies gynécologiques et digestives. Mais il y a quand même des signes qui doivent alerter et pousser à consulter : quand les douleurs sont vraiment fortes pendant les règles et que la personne est obligée de rester allongée par exemple.
M.K. : Tout à fait, nous étudions la réponse à différents traitements et analysons pour quels profils de patientes ils sont les plus efficaces. Certaines femmes commencent avec un traitement antalgique, qui ne suffit pas. Elles prennent ensuite un traitement hormonal avec la pilule en continu pour mettre les lésions en dormance. Pour certaines, cela va suffire. D’autres ont recours à la chirurgie. Les femmes font souvent aussi appel à des thérapies alternatives : yoga, relaxation, ostéopathie. Les résultats sont variables, on a donc besoin que les patientes nous disent ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et qu’un grand nombre de patientes participent pour pouvoir dégager de grands profils de réponse au traitement.
M.K. : Oui, bien sûr, les femmes souffrant d’endométriose de plus de 18 ans peuvent toujours participer à cette étude sur compare.aphp.fr. C’est une participation précieuse. Elles ont l’opportunité d’être actrices de la recherche sur leur maladie en participant, mais aussi en participant au comité scientifique, que je préside et qui est composé de plusieurs patientes, médecins et chercheurs. Elles peuvent également nous soumettre des idées de recherches sur des sujets qui leur tiennent à cœur. Plus on aura de données, et plus on aura de recul pour montrer ce qu’elles vivent et répondre à de nombreuses questions sur la maladie.