Glaucome : la nécessité d’un diagnostic précoce

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Par Peggy Cardin-Changizi

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Le glaucome est une maladie de l’œil indolore et souvent asymptomatique, liée à une pression trop importante à l’intérieur de l’œil entraînant une destruction progressive du nerf optique. Sans traitement, elle peut aboutir à la perte totale de la vision. Des traitements (collyres, laser, chirurgie…) existent pour freiner son évolution. On fait le point avec des spécialistes.

Les chiffres sont éloquents. Selon l’Inserm, le glaucome constitue la seconde cause de cécité dans les pays développés, après la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Cette pathologie oculaire peut survenir à tout âge mais le risque augmente avec les années. Le glaucome touche ainsi 1 à 2 % de la population de plus de 40 ans et environ 10 % après 70 ans.

Par ailleurs, une très forte myopie ou la prise prolongée de corticoïdes peuvent accroître le risque de glaucome. Environ 800 000 personnes sont traitées en France mais 400 000 à 500 000 présenteraient la maladie sans le savoir.

Une pression oculaire trop forte

« Le glaucome est associé à une destruction progressive du nerf optique qui va entraîner une réduction du champ de vision, pouvant conduire à une perte totale de la vue en l’absence de traitement », explique le Dr Cédric Lamirel, ophtalmologue à l’Hôpital Fondation Rothschild à Paris.

Cette maladie peut évoluer sous l’influence de plusieurs facteurs. Le plus fréquent étant l’hypertonie oculaire (dans près de 80 % des cas), c’est-à-dire une pression trop importante à l’intérieur de l’œil. « En moyenne, chez la majorité des gens, la tension oculaire est entre 10 et 20 mm Hg (millimètres de mercure) et n’occasionne aucune souffrance du nerf optique, ajoute le professeur Jean-Marie Giraud, chef du service d’ophtalmologie et du Centre du glaucome, hôpital d’instruction des armées Bégin à Saint-Mandé. À partir de 21 mm Hg, on considère qu’il y a un risque de glaucome. Néanmoins, il existe un nombre significatif de patients qui ont un glaucome à pression normale ».

Le glaucome : une maladie asymptomatique

C’est une maladie insidieuse qui peut évoluer pendant des années sans générer de symptômes repérables par le patient. « Sauf cas exceptionnels de tension très élevée, il n’y a généralement pas de maux de tête ni de gêne visuelle », reconnaît le Pr Giraud. « Sous l’effet du glaucome, la dégénérescence du nerf optique se manifeste généralement par des dégradations de la vision en périphérie, puis s’étend progressivement vers son centre ».

La vitesse d’évolution de la maladie varie d'un patient à l'autre. « Dans le cas d’un glaucome à angle ouvert, le plus fréquent et lié à une résistance de l’écoulement de l’humeur aqueuse*, l’évolution est souvent lente », détaille le Dr Lamirel. Il se passe généralement plusieurs années avant la survenue d’un déficit visuel ressenti par le patient. « Mais dans le cas d’un glaucome à angle fermé – lorsque l’humeur aqueuse ne peut pas accéder au trabéculum** à cause d’un obstacle physique dans l’œil – l’évolution est beaucoup plus rapide et peut entraîner des séquelles plus sévères. En effet, la pression intraoculaire est alors très élevée, au-delà de 40 mm Hg, et ce malgré les traitements par collyre ».

Le glaucome à angle fermé peut se manifester brutalement par des crises nocturnes et douloureuses nécessitant un traitement en urgence.

Un dépistage précoce de la maladie

Lorsque les premiers troubles apparaissent (sensation de voile blanc en périphérie de la vision, vision en tunnel*** voire baisse de la vision centrale), la maladie est souvent à un stade déjà très avancé. « Le handicap visuel est alors irréversible, résume le Dr Lamirel. Mais on peut encore agir sur les cellules nerveuses non endommagées et freiner l’évolution de la maladie en baissant la pression dans l’œil grâce à un traitement médicamenteux, laser ou chirurgical. »

Tout l’enjeu repose donc sur le dépistage précoce chez un ophtalmologue. Sans risque particulier, il est recommandé à partir de 40 ans tous les 2 à 3 ans. Il repose sur la mesure de la pression oculaire qui doit être inférieure à 21 mm Hg et sur une analyse de la tête du nerf optique (appelée papille optique) au cours d’un fond d’œil.

« Chez les personnes qui ont des cas de glaucome dans la famille ̶ environ 40 % des glaucomateux ont un ou plusieurs cas de glaucome dans leur famille (parents, grands-parents, fratrie) ̶ ou des facteurs de risque, c’est ensuite l’ophtalmologiste qui adaptera la fréquence des consultations », précise le Dr Lamirel.

« Si les résultats des examens paraissent suspects ou pathologiques, l’ophtalmologue précisera l’atteinte en faisant passer au patient, en cabinet, à l’hôpital ou en clinique, un examen du champ visuel à la recherche de zones de déficits de la vision et un examen OCT (tomographie par cohérence optique). Ce dernier, plus précis, permettra des mesures de quelques microns au niveau du fond de l’œil », suggère le Professeur Giraud.

Des collyres à vie avec un glaucome

Si aujourd’hui aucun traitement ne permet de restaurer la vision quand le nerf optique est touché, il existe néanmoins des solutions pour normaliser la pression intraoculaire et ralentir le processus de destruction des cellules. « Pour 95 % des patients, il s’agit d’un traitement médical par instillation quotidienne et à vie de collyre(s) », résume le Pr Giraud.

On distingue 4 grandes familles de médicaments, qui peuvent être utilisés seuls ou associés entre eux. Ils vont agir sur la production/l’élimination de l’humeur aqueuse. Certains, sans conservateur, existent en format unidose.

  • Les prostaglandines sont prescrites en première intention et abaissent de 30 % en moyenne la pression oculaire avec une seule goutte, le soir. « Le produit est bien toléré sur le plan général, efficace, ne pique pas, mais cause parfois une rougeur oculaire, concède le Dr Lamirel. Il peut modifier la pigmentation des yeux clairs, verts en particulier (qui deviennent marron), et fait pousser les cils ! ».
  • Les bêtabloquants. « Ils sont contre-indiqués en cas d’asthme et peuvent ralentir le cœur et baisser la tension artérielle. Ils nécessitent donc des précautions d’emploi chez les patients très âgés et fragiles et parfois l’aval d’un pneumologue ou d’un cardiologue ». Une goutte par jour, le matin, suffit pour baisser la pression d’environ 25 %.
  • Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique viennent compléter un premier traitement. Ils vont abaisser la pression oculaire de 10 à 15 %, avec une goutte matin et soir. « Ils sont généralement associés à un bêtabloquant (dans le même flacon) ou à une prostaglandine ». Des picotements oculaires transitoires et un goût amer passager dans la bouche sont possibles après l’instillation.
  • Les alpha-2-agonistes. « Une goutte matin et soir apporte une efficacité entre 15 et 20 % mais souvent limitée par ses effets indésirables locaux (allergie) et généraux (somnolence, fatigue). Ils peuvent être prescrits en association dans le même flacon avec un bêtabloquant ou un inhibiteur de l’anhydrase carbonique ».

En dernier recours, le laser ou la chirurgie

En cas d’échec du traitement, de mauvaise tolérance des collyres ou de pression intraoculaire très élevée, le laser ou la chirurgie sont des alternatives intéressantes pour aider à évacuer l’humeur aqueuse, baisser la pression de l’œil et ralentir le glaucome.

« Le laser sélectif ou SLT (Selective Laser Trabeculoplasty) est de plus en plus utilisé, répond le professeur Giraud. Chez plus des deux tiers des patients, ce traitement fait baisser la tension oculaire à peu près autant qu’en instillant un collyre. 1 à 2 séances par œil en consultation d’ophtalmologie peuvent suffire ». Le laser est de plus en plus proposé en première intention sur des glaucomes débutants quand les traitements par collyre sont mal tolérés ou trop souvent oubliés. Généralement efficace pendant 2 à 3 ans, il peut être renouvelé.

Enfin, une opération chirurgicale peut être nécessaire. « Au bloc opératoire, des chirurgies dites filtrantes peuvent être réalisées pour faire baisser la tension oculaire en cas d’échec ou d’insuffisance des traitements médicaux et/ou SLT », poursuit le Pr Giraud.

Quel que soit le traitement, le suivi est très rigoureux. « On préconise une surveillance rapprochée dans les deux à trois premières années après le diagnostic, insiste le Dr Lamirel, avec mesure du champ visuel et examen OCT tous les quatre à six mois chez l'ophtalmologiste, afin d'évaluer l'efficacité des traitements ». Une fois la pathologie stabilisée, les rendez-vous peuvent être espacés, tous les six mois à un an.

* Humeur aqueuse : liquide qui remplit la partie antérieure de l’œil.

Par Peggy Cardin-Changizi

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