Hard seltzer : attention à cet alcool qui ne dit pas son nom

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Par Pauline Hervé

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© Getty Images

Surnommées eaux aromatisées, eaux pétillantes alcoolisées, de nouvelles boissons envahissent les rayons de nos supermarchés. Leurs cibles : les jeunes. Une tendance qui fait réagir les addictologues.

Que sont les hard seltzers ?

Il s'agit de boissons alcoolisées, parfois appelées eaux aromatisées à l'alcool, ou eaux pétillantes alcoolisées. Elles sont vendues sous forme de canettes de 33 cl, au design jeune et attractif, entre deux et trois euros l'unité.

Le concept de hard seltzer est né en 2016 au Canada. Le succès rencontré par ces boissons outre-Atlantique a rapidement été repéré par les grandes marques de bières et de sodas, qui en vendent maintenant en Europe, au Japon... En France, les premiers hard seltzers sont arrivés sur le marché en 2020. Les fabricants vantent les mérites de boissons légères en sucre, sans gluten, saine…

Mais un hard seltzer, « c’est avant tout une boisson alcoolique titrant en général autour de 5°, obtenue par fermentation, avec des levures, du sucre et des arômes, rappelle l'association Addictions France. On obtient donc ces produits par la chaîne de fabrication basique et universelle qui consiste à obtenir de l’alcool, plus ou moins dilué, par la fermentation de glucides grâce à des levures. »

Les hard seltzers sont donc bien de l'alcool et pas des eaux, même si elles en contiennent. « Mais tous les alcools contiennent également de l'eau », rappelle le Pr. Amine Benyamina, psychiatre et addictologue qui souligne l'hypocrisie de cette « trouvaille » marketing. Par ailleurs, elles contiennent certes moins de sucres que les alcools « classiques » à titrage équivalent (98 calories pour un hard seltzer contre 162 pour une bière). Mais « si la différence existe, tout le discours tend à nous faire croire que l’apport calorique est insignifiant, ce qui est faux », pointe Addictions France dans un décryptage publié en 2021. .

Quel est le public visé par les hard seltzers ?

Pour Amine Benyamina, c'est très clair : « Les fabricants visent des populations peu habituées à consommer régulièrement de l'alcool, comme les jeunes et les femmes. C'est une innovation marketing pour acquérir de nouveaux consommateurs. » Et d'ajouter que les slogans pour ces boissons laissent entendre une approche plus écologique, plus saine que les alcools « classiques » : « L'industrie de l'alcool investit aujourd'hui beaucoup les imaginaires du sport, de la nature, de l'écologie car c'est ce qui parle aux jeunes ».

Les marques de hard setlzers n'hésitent d'ailleurs pas à nouer des partenariats avec des influenceurs sur les réseaux sociaux très fréquentés par les jeunes comme SnapChat, Instagram et TikTok.

En mai dernier, deux d'entre elles ont été condamnées en justice pour infraction à la Loi Evin et pratiques commerciales trompeuses, notamment après avoir fait de la publicité sur des réseaux sociaux fréquentés par des jeunes. Les plaintes provenaient de l'association de consommateur UFC-Que Choisir et d'Addictions France. Ceux-ci ont d'ailleurs déposé une nouvelle plainte contre une troisième marque.

Pourquoi les hard seltzers sont-ils problématiques ?

En insistant sur l'eau présente dans ces boissons, et sur leurs prétendues vertus saines et écologiques, les fabricants de hard seltzers tendent à faire oublier qu'ils contiennent de l'alcool. L'un des risques est donc de banaliser les premières consommations. Or, en France, l'alcool est la substance la plus expérimentée par les jeunes devant le tabac, le cannabis ou autre, selon France Addictions. 12 % des 14-24 ans en consomment plusieurs fois par semaine, et trois quarts d'entre eux déclarent qu'il est aisé d'en acheter malgré l'interdiction de vente aux mineurs. Les dangers, sur le court terme, sont ceux des accidents de la route, des comas éthyliques, des rapports sexuels non protégés ou non consentis…

Enfin, à plus long terme, « plus l’âge de la première consommation est précoce, plus il existe un risque de développement vers des abus et une dépendance à l’âge adulte », rappelle le Pr Nicolas Simon, addictologue. « Je crains aussi que ces boissons deviennent très tendance et que les jeunes les mélangent à d'autres alcools, dans des cocktails, comme c'est déjà le cas avec certaines boissons énergétiques. L'effet sera donc multiplié ! », ajoute Amine Benyamina.

Comment sensibiliser les jeunes ?

Pour sensibiliser les jeunes aux risques de ces boissons : « il suffit de leur expliquer que le produit et les noms qui lui sont donnés (hard seltzers, eau aromatisée...) ont été instaurés par le marketing, mais qu'il ne s'agit de rien d'autre que d'alcool, conseille Amine Benyamina. Et qu’ils risquent donc, après quelques canettes, d'être testés positifs au volant… voire d'avoir un accident ».

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