Manon a 29 ans, un boulot sympa dans l’ingénierie informatique et un petit garçon de 8 mois. Une vie de rêve, qui se transforme en cauchemar dès que le silence est rompu, car Manon ne supporte plus le moindre bruit. Lorsqu’elle sort, elle met un casque pour amortir le brouhaha de la ville.
Elle ne tolère plus le grondement de l’eau qui bout, ni le clapotis des gouttes sous la douche. Même le son de sa propre voix est une torture. Il a suffi d’une soirée techno dans une boîte de nuit cannoise pour que sa vie bascule. « Une semaine plus tard, le moindre bruit me déchirait les tympans, confie Manon dans un murmure. J’ai attendu quelques jours, et comme ça ne passait pas, j’ai fini par consulter un médecin, qui m’a dit que je souffrais d’hyperacousie. »
Cette maladie touche environ 2 % de la population et se caractérise par un seuil de tolérance aux bruits anormalement bas. « Pour une audition normale, le seuil d’inconfort se situe aux environs de 90 dB, le seuil de risque, à 105 dB, et le seuil de douleur, à 120 dB, précise Philippe Genovese, audioprothésiste à Nice. Les personnes souffrant d’hyperacousie peuvent, elles, ressentir une douleur à partir de 60 dB. »
L’hyperacousie apparaît souvent après des expositions temporaires (concert, pétards, etc.) ou répétées (dans le cadre professionnel) à un niveau sonore élevé. Elle est fréquemment associée à des acouphènes, à des nausées et à des vertiges.
« Les cas aussi graves que celui de Manon sont rares, tente de rassurer Philippe Genovese. Mais la plupart des patients doivent se boucher les oreilles au passage d’une moto, ne supportent pas le bruit des klaxons… Ce qui est tout de même très invalidant. »
Il faut savoir que les lésions sont irréversibles. L’oreille interne – le « cerveau » de notre organe chargé d’analyser les sons – est constituée d’environ 15 000 cellules qui peuvent être endommagées ou détruites. Or, celles-ci ne se régénèrent pas.
« Il y a deux façons d’agresser les oreilles, schématise l’audioprothésiste : soit avec une exposition courte, mais intense aux bruits, soit avec une exposition prolongée à des sons d’intensité moins élevée. Le résultat est cependant le même. » Et les professionnels tirent la sonnette d’alarme : ils se disent inquiets face à l’augmentation des jeunes qui consultent après une soirée « à fond les baffles ».
Là où la guérison est impossible, il reste l’information en amont, la prévention. Les pouvoirs publics et les associations se mobilisent pour faire passer des messages dans les collèges et les lycées lors des Journées nationales de l’audition et sur les sites dits à risque, comme les festivals de musiques actuelles.
La législation a également été adaptée, dès 1998, pour limiter le volume sonore dans les lieux festifs (105 dB) et brider les baladeurs (100 dB).
Si l’hyperacousie est établie, il est toutefois possible de soulager le patient. La gêne peut être atténuée par le port de « bruiteurs », des générateurs de « bruit blanc » contenant toutes les fréquences audibles par l’homme à la même intensité. « Le port de ces appareils doit être régulier avec un réglage du spectre du bruit en fonction de l’évolution de l’hyperacousie et de l’habituation du patient, explique Philippe Genovese. On peut ainsi améliorer le confort de vie. »
L’idéal restant, bien sûr, de prévenir plutôt que de guérir.
Pour ménager vos oreilles, quelques précautions de bon sens s’imposent*.
*Source : Franceaudition.com