La fibromyalgie en 10 questions

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C’est une de ces pathologies mal connues du grand public et des professionnels. Souvent source de grande fatigue et de douleurs, la fibromyalgie est une maladie inflammatoire entourée d’idées reçues et d’approximations. Qui concerne-t-elle ? Et peut-on en guérir ? Explications.

La fibromyalgie en 10 questions
Stéphanie Ranque
Crédit photo : Florian Launette

Le Dr Stéphanie Ranque-Garnier est médecin au Centre d’évaluation et traitement de la douleur (CETD) du CHU de La Timone à Marseille. Elle mène depuis 4 ans le programme de recherche sur la fibromyalgie : Fibromy’activ.

Ce programme étudie l’efficacité de l’activité physique sur la qualité de vie des patients ainsi que les mécanismes biologiques et cérébraux qui sous-tendent cette efficacité. Elle répond à nos questions sur la fibromyalgie et dresse l’état des lieux.

 

La fibromyalgie ressemble-t-elle aux rhumatismes ?

Non. Même si les patients sont souvent adressés dans les services de rhumatologie. Les douleurs peuvent apparaître un peu partout, n’importe quand, mais ne se concentrent pas uniquement sur les articulations ou les muscles. C’est une maladie inflammatoire du système nerveux, qui se caractérise, entre autres, par un dysfonctionnement de l’appareil gérant l’alarme de la douleur. Les symptômes sont multiples : douleurs éparses, fatigue non améliorée par le repos, troubles cognitifs et sommeil non réparateur.

Autre signe clinique, les cinq sens sont exacerbés mais à mauvais escient : les sons sont saturés, la lumière éblouit, la douleur n’est pas correctement ressentie (trop ou trop peu). Si l’on rajoute le manque de reconnaissance, un sentiment d’inefficacité et d’injustice, la dramatisation, l’impact social familial professionnel… la dépression n’est jamais loin.

Est-on obligé d’arrêter de travailler ?

Non. Mais le travail doit pouvoir être adapté au patient, à ses rythmes, à ses capacités. Et rester valorisant. Il est déconseillé de rester dans la même position plus d’une heure d’affilée (assis devant un bureau ou en mouvement trop longtemps). C’est donc inventer une organisation dans le travail qui alterne des mobilisations avec des périodes statiques. Continuer à travailler est préférable car cela donne un sentiment d’utilité sociale, mais si le contexte est favorable.

La fibromyalgie ne touche-t-elle que les femmes ?

Non. Mais il est vrai que cette maladie affecte plutôt les femmes : à plus de 80 %. Il n’y a pas encore d’explications à cet état de fait. Pour ceux qui font des raccourcis péjoratifs, une femme qui se plaint de fatigue et de tas de symptômes incompréhensibles va s’expliquer par le fait qu’elle est flemmarde et/ou hystérique…

On entend encore le très injuste, voire malveillant, « ce n’est pas une vraie maladie, c’est juste dans leur tête ». Pourtant, cette affection est bien réelle.

Cette maladie ne concerne-t-elle que les adultes ?

Non. Les enfants aussi, peuvent en être atteints sans distinction d’âge. Mais le diagnostic porte moins souvent le titre de fibromyalgie, pour ne pas leur coller une étiquette si tôt. D’autant que dans les formes juvéniles, on constate souvent des améliorations avec l’âge, surtout quand une dépression ne s’y est pas associée.

Peut-on guérir de la fibromyalgie ?

Oui et non. Il existe un terrain propice qu’on ne peut pas modifier. Quand la maladie s’est déclenchée, il est rare d’en guérir totalement, une crise est toujours susceptible de survenir. Mais ce n’est pas une maladie neurodégénérative. Et il est fréquent que les symptômes s’amenuisent avec le temps, surtout si le patient ne tombe plus dans les pièges que lui tend cette pathologie (inactivité, mauvaise gestion des émotions, du stress, fonctionnement en dents de scie…).

La prescription d’activité physique fait-elle partie du traitement ?

Oui. Le traitement, essentiellement non médicamenteux, repose sur l’activité physique ainsi que sur l’éducation thérapeutique, l’apprentissage des techniques psychocorporelles et cognitivo-comportementales. Il faut utiliser son usine musculaire pour lutter contre la fatigue et autres symptômes, inverser la tendance de la neuro-inflammation. Mais pas en pratiquant un sport intensément ni une activité physique contrainte : on n’est pas dans la performance. Il s’agit juste de contracter ses muscles chaque jour, de manière adaptée, pour qu’ils puissent sécréter suffisamment de myokines*.

Les règles de base sont :

  • Suivre ses goûts (activité en milieu aquatique : longe cote, aquagym, vélo sur route ou appartement, mouvements sur sa musique préférée, marche avec un ami, avec un chien, dans la nature…) et varier les plaisirs.
  • Respecter ses besoins physiologiques : 30 minutes par jour minimum (à fractionner si nécessaire), en s’hydratant correctement, en prenant soin de s’échauffer avant et de s’étirer après.
  • Suivre sa condition physique : ni trop ni trop peu, sans se mettre en situation d’échec ni dépasser les limites, ce qui exacerberait les symptômes (respecter par exemple des sessions de 20 à 30 minutes de marche, même si on peut faire bien plus, car 40 minutes exacerbent la douleur, et 2 heures aboutissent à l’épuisement).

* Substance produite par l’effort musculaire qui régule certaines fonctions immunitaires.

La fibromyalgie est-elle une maladie orpheline ?

Non. 4 à 8 % de la population mondiale est touchée, ce qui est énorme. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a reconnue en 1992. Les coûts moyens directs et indirects varieraient de 5 500 à 10 000 euros par an et par patient selon la sévérité de la maladie.

Est-ce une maladie héréditaire ?

Non. On ne peut considérer la fibromyalgie comme affection héréditaire car ce n’est pas une maladie réduite à une cause génétique. En revanche, il y aurait un terrain favorisant constitué de 400 gènes. Et la question de la transmission d’un tel terrain se pose.

De plus en plus de personnes en sont-elles atteintes ?

Non. Cette affection a toujours existé, mais elle aurait été très fortement sous-diagnostiquée. On la dépiste désormais mieux et plus tôt, même si on compte encore une moyenne de huit ans entre les premiers symptômes et le diagnostic.

Aujourd’hui, les médecins (généralistes, rhumatologues, internistes…) sont un peu mieux informés et des centres antidouleurs, bien qu’en fort sous-effectif, sont apparus sur le territoire depuis les années 1980 avec une reconnaissance de cette affection par l’OMS en 1992. Tout cela reste bien récent !

La recherche sur la fibromyalgie est-elle au point mort ?

Non. Notre programme de recherche (mais d’autres sont menés ailleurs) en atteste. Il démontre à ce jour que l’activité physique, si elle est bien adaptée, au mieux améliore les symptômes douloureux au pire ne les aggrave pas, mais soulage quasi systématiquement et instantanément en fin de séance l’humeur, la concentration, la fatigue. Le sommeil de la nuit qui suit est de meilleure qualité, plus réparateur. C’est donc un traitement d’action immédiate sur des symptômes souvent non traités, dont la fatigue (on peut déjà affirmer cela).

Pratiquée régulièrement, l’activité physique permet une amélioration de la qualité de vie. Avec, nous l’espérons, un impact sur la diminution des consommations médicamenteuses, du recours au système de soin et une reprise professionnelle favorisée. Quant aux mécanismes d’action, nous sommes en train d’étudier nos données…

  • Propos recueillis par Nathania Cahen
  • Crédit photo : Getty Images

4 commentaires pour cet article

  1. Nathalie

    Bonjour,
    Je souffre de la fibromyalgie depuis plus de 30 ans , avant de savoir que j’avais la fibromyalgie, on me disait que j’étais dépressive car j’avais des idées suicidaire et que j’ai encore…. Car vivre avec des douleurs horribles h 24 c’est épuisant….
    Dès le matin je me réveille et j’ai des souffrances horribles… j’ai mal de pars tout… fatiguée et je me bats contre toutes ces douleurs, je travail mais c’est très dur… mon traitement morphine en gros anti douleurs… je vais au centre anti douleurs en juillet, j’espère qu’ils vont trouver un traitement…. Car je n’en peux plus… de continuer à vivre avec ces douleurs….

  2. Sandrine

    En juin dernier, le rhumatologue a diagnostiquer de la fibromyalgie et prescrit un antidépresseur. Lors de ma visite chez mon médecin traitant je lui ai expliqué les raisons de mon refus de prendre l’antidépresseur. Son mécontentement était significatif et d’autre part elle insiste sur une dépression. Or c’est la fibromyalgie qui cause un état dépressif. De plus souffrant de plusieurs autres pathologies locomoteur ( qui m’oblige depuis 15 ans à me déplacer à l’aide d’une canne ) et qui provoque aussi des douleurs intenses, je dois faire face à une incompréhension totale. Il m’a été accordée en 2011 le bénéfice de personne handicapée. Du fait de la fibromyalgie , j’ai entrepris un suivi de 4 séances avec un psychologue puis avec une sophrologue-art thérapeute. A ce jour, je continue à poursuivre la sophrologie holistique ce qui me permets de gérer mon stress, mes angoisses, ma colère et surtout mes douleurs. Malheureusement le psychologue et la sophrologie n’e sont pas pris en charge par l’assurance maladie ni par la mutuelle. Avec mon médecin traitant il n’y a pas de relation de confiance, et je suis prise pour une dépressive et folle. N’ayant plus de famille, ni de lien social, ma situation est complexe.
    Lorsque nous souffrons de fibromyalgie, nous devons nous battre au quotidien des symptômes invalidantes et du regard des autres personnes ainsi que des professionnels de santé médicaux ou paramédicaux. Aussi si la fibromyalgie pouvait être reconnue comme une réelle maladie et non que c’est psychosomatique, et d’espérer que le corps médical puisse avoir un avis différent sur cette maladie et sur les patients qui souffrent réellement, puis d’une prise en charge même partielle des médecines complémentaires comme la sophrologie, l’hypnose….

    1. Alexandra

      Chère Sandrine, en vous lisant j’ai eu le sentiment de me lire…J’ai aussi été diagnostiquée fybromialgique par dessus une spondylarthrite ankylosante. Comme vous, mon médecin ne me prenait pas au sérieux malgré les résultats comme le HLAB27 positif plus toutes les douleurs, etc…Oui j’avais un terrain dépressif, forcément on se sent hors de la société car on ne peut pas travailler comme tout le monde et c’est difficile de l’accepter. Les jours ne se ressemblent pas, les douleurs sont diffuses et bougent alors que nous avons du mal à bouger sans douleurs. Si vous pouvez ,changez de médecin traitant plutôt que de rester incomprise et non respectée…Allez si vous pouvez à un atelier qui vous plairait dans une maison associative. Ne restez pas seule surtout ! je vous souhaite plein de courage autant qu’il en faut pour surmonter la maladie et la différence. Courage, votre maladie ne doit pas vous ôter votre dignité. Vous y avez le droit comme tout à chacun et on vous aimera et vous serez une richesse pour d’autres…

  3. sandrine

    Si la fibromyalgie est reconnue par l’OMS depuis 1992, par l’Académie Nationale de Médecine Française depuis 2006 et par la Haute Autorité de Santé en 2010, pourrait-on nous expliquer le pourquoi de la non-reconnaissance de la Sécurité Sociale, notamment pour mon cas personnel, dans la région de Picardie, dans l’Aisne ???….
    Ma maladie n’a pas été reconnue telle qu’elle, l’agent qui m’a reçu stipulait que je pouvais retravailler, (à savoir que je suis agent d’entretien dans une école primaire), malgré 1handicap quotidien, je me déplace avec 1canne et je me paralyse souvent…
    Il y a vraiment des « Couacs » dans le système administratif français

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