Les fake news menacent notre santé

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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Internet - et en particulier les réseaux sociaux - regorge de fausses informations qui se propagent à une vitesse folle. Et lorsqu’elles touchent à la santé, elles sont loin d’être sans danger.

La papaye qui soignerait la maladie de Parkinson, le jeûne, le citron congelé ou encore les amandes des noyaux d’abricots qui seraient plus efficaces que la chimiothérapie contre le cancer, le vaccin contre la rougeole qui provoquerait l’autisme… On les appelle des « fake news » ou « infox ». Ces fausses informations, volontairement mensongères, pullulent sur des sites internet pseudo-médicaux comme sur les réseaux sociaux.

La politique n’est en effet pas la seule à être visée par ces manipulations. « Plus de la moitié des fake news concernerait la santé. Ce n’est pas très étonnant car cela touche à l’intime. Et tout ce qui a trait à la maladie fait peur. On va alors être en quête d’informations, analyse le Dr Laurent Chambaud, directeur de l’École des hautes études en santé publique (EHESP). La France a également été traversée par divers scandales sanitaires. Depuis, les gens ont moins confiance dans leur système de santé et dans le corps médical. Ils sont donc tentés de se tourner vers des alternatives. Et des personnes malintentionnées cherchent à en tirer profit. »

L’appât du gain derrière les fake news

Derrière les fake news en santé, il peut en effet y avoir des individus ou des groupes qui espèrent gagner de l’argent en proposant des produits ou des méthodes « magiques ». Des traitements « miracles » qui s’appuient sur des études « bidon » ou de faux experts. Ils sont nombreux par exemple à prétendre guérir le cancer. « Ceux qui vendent ces pseudo-remèdes exploitent de façon éhontée la vulnérabilité des malades, leur peur de la mort », s’indigne le Pr Axel Kahn, généticien et président de la Ligue contre le cancer.

Or, à ce jour, seuls les traitements conventionnels comme la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie ou encore l’immunothérapie ont fait la preuve de leur efficacité pour lutter contre le cancer. « Et ces thérapies alternatives ne sont pas sans risque, ajoute le Dr Jean-Baptiste Méric, oncologue et directeur du pôle Santé publique et soins de l’Institut national du cancer (INCa). Elles peuvent interagir avec les traitements conventionnels et même en diminuer les effets. C’est le cas notamment de certaines plantes. C’est bien pour cela qu’il ne faut pas les utiliser sans en parler d’abord à son médecin. »

Les lobbys peuvent aussi en être à l’origine

Ces infox peuvent être également l’œuvre de lobbys. Le cas le plus emblématique est sans doute la rumeur selon laquelle le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) pourrait déclencher l’autisme. C’est un médecin anglais, Andrew Wakefield, qui en est à l’origine. Proche du lobby anti-vaccin, il a publié les résultats d’une « étude » sur le sujet en 1998 dans une importante revue scientifique. Il a ensuite été démontré que cette théorie était frauduleuse puisque les données avaient été manipulées.

« Wakefield a été radié de l’Ordre des médecins anglais. Toutefois, le mal était fait, regrette le Dr Laurent Chambaud. Des gens continuent à y croire aujourd’hui, même plusieurs années après. Cela a contribué à la défiance envers les vaccins, très forte actuellement en France, et ainsi à la réapparition de maladies que l’on croyait oubliées, telle la rougeole justement. Donc on voit bien que les fake news peuvent avoir de réelles incidences sur les comportements individuels comme sur la santé publique. Et c’est bien là le danger. »

Les réseaux sociaux : accélérateur de fake news

L’exemple du vaccin ROR le montre : les fake news en santé ne datent pas d’hier. Elles ont même toujours existé. Mais aujourd’hui, elles prennent une autre dimension et se propagent très vite grâce aux réseaux sociaux. Et il y a un dommage collatéral : l’affaiblissement de la parole scientifique.

« Ce que je peux dire, en tant que médecin et président de la Ligue contre le cancer, et ce qu’un inconnu avance sur Facebook ou Twitter à propos du cancer, de ses traitements ou des techniques de dépistage sont considérés sur le même plan par une grande partie de la population, estime le Pr Axel Kahn. Ce ne sont, aux yeux de beaucoup, que deux propositions et deux opinions également crédibles. »

La résistance s'organise

Parfois, la Science se rebelle. L’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, a décidé de s’attaquer au fléau des fake news en créant une chaîne sur YouTube : Canal Détox. Avec l’idée de « combattre la désinformation là où elle prolifère le plus ».

Ces courtes vidéos utilisent à la fois les codes des réseaux sociaux (ton léger, humour…) et donnent la parole aux chercheurs, spécialistes des questions abordées. On y apprend par exemple qu’il n’existe pas de régime « détox », que la bave d’escargot ne soulage en aucun cas de l’arthrose et qu’il n’y a pas non plus d’« épidémie d’autisme » en France.

Les médias traditionnels ont eux aussi pris le problème à bras-le-corps. Plusieurs d’entre eux ont créé des cellules de « fact checking » (vérification des faits). C’est le cas notamment de Libération, de l’Agence France Presse, de France 24 ou encore de France Info. Les journalistes des Décodeurs du Monde ont même créé le Décodex : un moteur de recherche permettant de vérifier la fiabilité des sites.

Toutes ces initiatives ont aussi le mérite d’alerter le grand public sur le fait que de fausses informations existent et qu’il faut apprendre à s’en méfier. Et dans la mesure du possible ne pas les relayer.

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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