C’est l’heure du goûter. Une tarte aux pommes trône sur la table. Claudine l’a faite le matin même. Lui vient le souvenir de celles qu’elle concoctait pour ses enfants. Elle le raconte avec enthousiasme. Simone et Michèle l’écoutent. Elles ont épluché les fruits. Sous le regard bienveillant de Nadia Chebil, « la patronne », comme la surnomment avec affection ceux qui oublient son prénom. C’est chez elle que se retrouvent ces dames.
Claudine, Michèle et Simone font partie des huit personnes, atteintes de la maladie d’Alzheimer, reçues par l’aide-soignante, chaque semaine, à la maison de répit d’Arles. Joliment baptisée Les Papillons de Marcelle. « C’est le nom de la maman de Sandrine, la présidente de l’association La maison du droit au répit, qui assure la gouvernance de la structure. Elle souffrait de troubles cognitifs », indique Nadia, qui vit à l’étage de la villa où le rez-de-chaussée a été aménagé aux normes pour son activité d’accueillante familiale.
Les Papillons de Marcelle est une entité peu commune. La première du genre en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, unique accueil de jour familial réservé aux malades d’Alzheimer de la région. Elle est gérée par cette association très active, dont Nadia est salariée, tout en ayant l’agrément d’accueillante familiale délivrée par le département des Bouches-du-Rhône. « Nous avons neuf mois d’existence. Nous sommes regardés de près car pilotes dans notre approche de la maladie ».
Chaque personne est accueillie trois demi-journées au minimum par semaine. A jour fixe, pour ne pas perturber la dynamique et les repères. « Et en trinôme pour ne pas être trop nombreux. Toutefois, comme tous ne viennent pas les mêmes demi-journées, tout le monde se connaît ». Ainsi, des complicités se créent au fil des activités hebdomadaires, des moments partagés. « Chacun sait qu’il souffre d’Alzheimer et que son voisin est pareil. On en parle. Cela permet de mieux s’accepter », observe Nadia.
Sophrologie, peinture, cuisine promenade, jardinage, art-thérapie, visites d’expos, rythment les journées. La sieste n’est pas en reste pour ceux qui souhaitent se reposer. « Chacun son rituel. Claudine ne va se coucher que si Plume, l’épagneul breton de la maison, l’accompagne ».
On s’adapte aux uns et aux autres. On trouve des astuces pour gérer l’angoisse, alléger ce qui froisse. « Simone était stressée car elle oubliait l’horaire où on venait la récupérer ». Un badge a été fabriqué, sur lequel l’heure est notée. Il est épinglé sur ses vêtements dans le sens de sa lecture. Ça la rassure. Tout le monde souffle grâce à la maison du répit. Le malade, qui s’évade, comme le dit si bien Michèle : « C’est des vacances ! ». L’aidant qui peut se poser, aménager ce temps libre pour lui, rassuré que son parent soit entre de bonnes mains.
« En fin de semaine, la famille reçoit des photos de nos activités. Ça permet au malade d’imprimer ce qui s’est passé et d’en discuter avec son aidant. Ça crée un autre lien », témoigne Robert, bénévole, membre de l’association, qui donne des cours d’informatique et aide à la confection d’une gazette. Et Nadia d’ajouter, émue : « Dernièrement, une aidante m’a dit : Ma mère ne sait plus ce qu’elle a fait, ni où elle était. Mais, elle m’a confié qu’elle a passé une excellente journée ».
171 plateformes d’accompagnement et de répit ont été recensées en France, en 2017 *. Leur existence dépend d’agréments accordés par les départements. Leur bon fonctionnement des subventions et du dynamisme des équipes à leur tête.
Le droit au répit permet aux aidants de souffler. Il a été défini par la loi d’adaptation de la société au vieillissement de décembre 2015. La personne aidée peut être prise en charge dans un accueil de jour ou de nuit, un hébergement d’accueil temporaire en établissement ou en accueil familial, ou bénéficier d’un relais à domicile.
* Source : fondation Médéric Alzheimer.