Ménopause : toujours des tabous

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Par Nathania Cahen

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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La ménopause, qui correspond à l’arrêt du fonctionnement des ovaires, survient vers l’âge de 50 ans. Elle peut s’accompagner de toute une série de symptômes dont les femmes parlent plus ou moins facilement. Le Pr Léon Boubli, gynécologue, et Sophie Kune, auteur de « Ménopausée et libre ! »*, reviennent sur cette étape encore trop taboue.

La ménopause est un phénomène naturel qui correspond à la perte de la fonction de reproduction. Et pour nombre de femmes, c’est un tournant dans leur vie. Synonyme de liberté (fin des règles - les menstruations - et de la contraception) ou de désagréments (bouffées de chaleur, sécheresse voire atrophie vaginale, troubles urinaires, douleurs articulaires, prise de poids, troubles de l’humeur et du sommeil). La ménopause a longtemps été vécue comme un traumatisme et associée à l’entrée dans le 3e âge.

« Il y a, certes, une modification du schéma corporel au moment de la ménopause, pointe Léon Boubli, professeur émérite de gynécologie à la faculté de médecine de Marseille. Pour certaines femmes, cela équivaut au début de la vieillesse alors qu’elles ont devant elles davantage de chemin à parcourir que celui les séparant de leurs premières règles. On constate même parfois des conséquences neurologiques chez certaines, comme si elles avaient perdu un "moteur". »

Ménopause : toujours délicat d’évoquer les problèmes sexuels ou urinaires

Un tabou ? « Oui et non, considère le médecin. On en parlait davantage il y a une quinzaine d’années, quand la ménopause était plus systématiquement traitée. Mais c’est de moins en moins le cas. Alors oui, on parle assez facilement des bouffées de chaleur et des suées nocturnes. Mais il reste plus délicat d’évoquer les problèmes d’ordre sexuel ou urinaire qui, pourtant, affectent le quotidien. C’est d’autant plus handicapant à un âge où la vie affective peut prendre un nouveau départ. Cela peut inspirer de la gêne, voire de la honte. »

Conscient de ces réticences, le praticien aborde systématiquement ces questions au moment de la ménopause, car « au moins une femme sur deux est affectée par un SGUM – syndrome génito-urinaire de la ménopause – et parce qu’il n’est pas toujours facile d’aborder son calvaire sexuel ». De surcroît, il n’est pas rare que cela induise du stress.

Plus grave, comme la ménopause sonne la fin de la sécrétion hormonale, elle expose davantage à certaines pathologies cardiovasculaires et à l’ostéoporose. En revanche, pour celles qui en souffraient, les symptômes de fibrose ou d’endométriose vont alors disparaître.

Une hygiène de vie renforcée est indispensable

La ménopause se vit d’autant mieux qu’on a une activité physique importante et une bonne hygiène de vie, rappelle le Pr Boubli. Cela passe par un régime alimentaire adapté. « Car, avec la ménopause, les ressources énergétiques sont davantage assimilées et la prise de poids est plus rapide. Il faut être vigilantes ! », prévient le gynécologue.

Les traitements médicamenteux ont été un temps décriés car soupçonnés de favoriser des cancers du sein. Mais, sauf antécédents ou contre-indication, ces traitements à base d’œstrogènes et de progestérone peuvent être prescrits (et remboursés à 65 % par la Sécurité sociale). Pour pallier la sécheresse vaginale, des crèmes et ovules à base d’hormones (remboursés à 30 %) sont vendus en pharmacie.

Certaines femmes se laisseront tenter par la réjuvénation vulvo-vaginale, traitement au laser ou des injections d’acide hyaluronique (non remboursés). « Très à la mode, mais encore discuté en raison, notamment, du coût et de la faible durée d’action », commente le praticien. D’autres se contenteront de « médecines douces  », comme des compléments alimentaires à base de soja.

Un livre et un podcast pour dédramatiser la ménopause

Sophie Kune, consultante en stratégie digitale, a 47 ans quand un problème d’endométriose implique une ménopause artificielle. « La rencontre fut brutale et frontale, raconte-t-elle aujourd’hui avec humour. Je suis allée sur Internet, où le sujet était traité comme une maladie – des effets indésirables sont-ils une maladie ? Avec des photos de femmes qui ne me ressemblaient pas du tout ! » Sur la toile, pas de représentation satisfaisante, peu de littérature, mais Sophie Kune noircit de notes des cahiers.

En janvier 2020, elle crée le compte Instagram @menopauses.stories, « des conversions débridées pour ménopause décomplexée ». L’exploration de ce continent mal connu commence par elle-même. Puis, très vite la communauté s’étoffe (11 600 abonnés en avril 2022), les messages privés se multiplient, les prises de parole aussi. Sur des sujets récurrents comme la libido, la représentation sexuelle, le conjoint, les traitements hormonaux, la honte, les cheveux gris… « les tabous ont la peau dure », confirme cette nouvelle animatrice de réseau.

La ménopause n’est pas un mur

« L’idée est de démontrer que ce n’est pas un mur, d’aider à reconstruire un imaginaire positif », décrypte Sophie Kune. Et quand les questions sont trop techniques, un expert ou un médecin interviennent en live. « J’ai décorseté et stylisé le sujet. Cela permet de libérer la parole, d’engager des conversations à bâtons rompus », se réjouit encore la jeune quinquagénaire.

Forte de cet engouement et de nombreux témoignages, elle a écrit Ménopausée et libre !*. À la croisée du manifeste et de l’enquête, des pages parfois sérieuses, parfois drôles, qui déconstruisent les archétypes et changent le regard sur ce qui n’est qu’un périple de la vie de femme.

* Ménopausée et libre !, publié aux éditions Marabout en septembre 2021.

Le Groupe d'étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal

Le Pr Léon Boubli appartient au GEMVI, le Groupe d'étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal. Cet espace de réflexion sur le sujet est animé par un comité scientifique de 25 membres, issus de 9 spécialités médicales ou chirurgicales. L’onglet « fiches d’information patiente » détaille précisément tout le processus de la ménopause.

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