Ni Alzheimer ni Parkinson, qu’est-ce que la maladie à corps de Lewy ?

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Par Nathania Cahen

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Très longtemps confondue avec la maladie d’Alzheimer, la maladie à corps de Lewy est aussi une maladie neuroévolutive cognitive qui commence à sortir de l’ombre. Grâce notamment à des célébrités comme l’acteur Robin Williams ou la présentatrice Catherine Laborde*, dont les drames personnels ont permis au grand public de la découvrir. Le point avec le Pr Frédéric Leblanc, l’un des spécialistes de cette pathologie appelée aussi « démence à corps de Lewy ».

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Le Pr Frédéric Blanc, gériatre et neurologue, est un spécialiste de la maladie à corps de Lewy. Crédit : DR.

Pr Frédéric Blanc

Au terme de neurodégénérescence, le Pr Frédéric Blanc préfère celui de neuroévolution. En particulier au début de la maladie où les neurones sont moins détruits mais dysfonctionnent – c’est-à-dire fonctionnent moins bien. Gériatre et neurologue aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le Pr Blanc est chercheur au laboratoire ICube de la faculté de médecine de Strasbourg et l’un des spécialistes reconnus de la maladie à corps de Lewy.

La maladie à corps de Lewy survient insidieusement et s’exprime de différentes manières. Ce sont des troubles qui affectent de façon plus ou moins appuyée l’attention, la concentration, la mémoire immédiate, la planification…

Des symptômes multiples : mémoire, hallucinations, raideurs…

Contrairement à la maladie d’Alzheimer, la MCL (parfois appelée DCL, pour démence à corps de Lewy) peut se manifester par des symptômes multiples, différents d’un patient à l’autre. Parfois très discrets, surtout au début. Des fluctuations cognitives pendant un laps de temps (qui peut durer quelques secondes, quelques minutes ou quelques heures) : les idées du patient s’embrouillent, il éprouve de la difficulté à suivre une conversation. Des fluctuations de la vigilance, avec une somnolence ou des siestes impromptues (bout à bout, plus de deux heures par jour). Des hallucinations visuelles – des ombres au début, « dont les patients ont du mal à parler car ils craignent d’être pris pour des fous ». Des syndromes parkinsoniens, de l’ordre de la lenteur physique ou d’une raideur des membres.

Enfin, la maladie à corps de Lewy peut se manifester aussi par des troubles du comportement pendant la nuit, une agitation durant la phase de sommeil paradoxal, la période des rêves, avec de possibles cauchemars ou la résurgence de souvenirs très anciens, parfois pénibles. « Mais le patient ne coche pas forcément toutes les cases. Chacun est différent, souligne le Pr Blanc. Une MCL ne ressemble jamais à une autre ».

La maladie à corps de Lewy survient généralement après 70 ans

La démence à corps de Lewy peut survenir dès 50 ans, mais dans la grande majorité des cas c’est après 70 ans. Elle touche davantage les femmes, à 55 %. Il existe quelques facteurs de risques. Certains antécédents comme la dépression, l’anxiété, « mais il est difficile de dire s’il ne s’agit pas en fait des prémices de la maladie », ou des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Parmi les facteurs de risques, on trouve également les variants des gènes ApoE4 (à l’origine de difficultés pour les neurones à gérer les graisses) et GBA (qui favorise l’accumulation de gras dans les neurones).

La phase prodromale, pendant laquelle la maladie s’installe sans affecter le quotidien ou l’activité, est probablement d’environ 10 ans. Puis la phase de « démence », avec la présence et la manifestation de troubles neurologiques plus importants, s’étale sur une quinzaine d’années.

Des traitements mais pas de guérison pour le moment

Pendant des décennies, des personnes atteintes de maladie à corps de Lewy (MCL) ont été catégorisées Alzheimer. « Les vrais critères cliniques ont été établis en 1996, explique Frédéric Blanc. De nombreux professionnels ignoraient jusqu’à l’existence de cette pathologie. Mais il est avéré que sur 1,2 million de personnes souffrant aujourd’hui de démence en France, 15 à 20 % ont une maladie de Lewy, soit 200 000 individus ».

Comme pour Alzheimer, il n’est pas possible de guérir cette pathologie. « Nous trouvons un traitement adapté à chacun des symptômes, répond le Pr Blanc. Malheureusement, nous ne pouvons que regretter qu’un certain nombre de médicaments ne soient pas remboursés. Notamment ceux qui permettent de réguler les fluctuations cognitives. C’est un coût pour les familles modestes ».

À travers le monde, quelques groupes de recherche s’intéressent à la MCL. Un traitement de l’insula (une partie du cerveau très tôt impactée par cette maladie) par stimulations magnétiques est par exemple expérimenté à Strasbourg. « Environ 10 essais ont eu lieu, contre plus de 300 pour Alzheimer ces dix dernières années. C’est largement insuffisant, regrette le médecin. On part de loin, beaucoup de malades porteurs de cette maladie ne sont pas encore diagnostiqués ». Et de souligner le difficile rôle et la souffrance des aidants** car le parcours de soins comme les manifestations de la maladie sont éprouvants.

* Trembler de Catherine Laborde (éditions Plon, 2018, en format poche).

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