Sarah, alors âgée de 16 ans, consacrait jusqu’à vingt heures par jour à ses troubles obsessionnels compulsifs (TOC), qui prenaient la forme d’étranges rituels : lavages à répétition des mains ou des objets touchés…
« Ils sont apparus après la mort accidentelle de son grand-père, un immense choc, explique Caroline, 60 ans, sa mère, une petite femme aux beaux cheveux gris et aux brillants yeux noirs. Elle passait tellement de temps à ses rituels qu’elle a dû arrêter le collège. Elle était parfois brièvement hospitalisée, mais notre région n’offre aucun service adapté, et on nous annonçait deux ou trois ans d’attente pour voir un psychiatre. Toute seule pour mener ce combat, j’étais épuisée. C’était l’enfer. »
Les proches d’un malade psychique vivent souvent cette maladie qui fait peur comme une « double peine », car elle éloigne les autres. « On a encore du chemin à faire pour que cette question soit moins taboue, reconnaît Fabienne Duboscq, directrice de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam). Invisible, contrairement à celui des personnes en fauteuil, le handicap psychique est mal connu. »
Pourtant, plus de 2 millions de Français en souffrent et, après le cancer et les maladies cardiovasculaires, ces maladies sont les plus fréquentes*.
* Source : Organisation mondiale de la santé (OMS).
Sarah est parvenue à reprendre ses études en internat pendant un an au sein de la Fondation Santé des étudiants de France et elle a même obtenu son bac à 20 ans, avec mention.
« Secrétaire médicale, je connaissais l’Unafam, poursuit Caroline. Comme ma fille allait mieux, j’ai voulu que mon expérience profite à d’autres. Récemment, avec une douzaine de personnes elles aussi confrontées à la maladie psychique d’un proche, j’ai suivi pendant trois jours un atelier “prospect” de cette association.
Respectant des règles bien définies : confidentialité, bienveillance, absence de jugement de valeur, notre groupe a très bien fonctionné. Portés par une sorte d’énergie collective, admiratifs devant le chemin parcouru par les autres, nous échangeons pistes de réflexion, solutions, adresses d’organismes pouvant nous aider. »
La dernière phase de l’atelier est consacrée au projet que chacun souhaite mener pour que sa vie, devenue plus légère, ne se résume pas à la maladie. « Si on va mieux, c’est plus facile de s’occuper de quelqu’un », remarque Caroline.
Aujourd’hui installée dans un foyer, Sarah prépare un BTS de tourisme. Sa maladie ne perturbe plus sa vie sociale et elle n’en parle à personne.