Quand les chiens « détectent » des maladies

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Par Cécile Fratellini

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© KDOG - portrait Manon et Talou : DR

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On connaissait les chiens guides d’aveugle ou bien encore la médiation animale avec le meilleur ami de l’homme… Plus surprenant, en revanche, le chien qui détecte le cancer du sein ou une crise d’hypoglycémie en cas de diabète. Et pourtant cela existe bien. Ce n’est pas un robot mais bien un réel animal à quatre pattes !

Des chiens pour diabétiques. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de chiens formés pour « sentir » si la personne est en hypoglycémie, grâce aux hormones secrétées par le corps humain. Les parents de Théo-Vic, un enfant diabétique depuis l’âge de 2 ans, ont cherché des solutions pour aider leur fils. Ils ont découvert ces chiens au Canada. Ils ont alors décidé de « rapporter » ce concept en France en tissant via leur association Acadia un partenariat avec une formatrice franco-américaine. Elle a ainsi formé trois éducateurs canins pendant un an.

Aucune race de chien n’est recommandée en particulier. C’est sa sociabilité qui est évaluée. « Il faut des chiens “pots de colle” car quand la personne est en crise, le chien doit être à ses côtés pour pouvoir sentir l’odeur secrétée », explique Florine Munier, coordinatrice d’Acadia. Le chien est là pour sécuriser. Il donne l’alerte en donnant des coups de museau sur la jambe des parents ou de l’enfant si celui-ci est assez grand. Et si c’est la nuit, il a été formé pour appuyer sur un bouton installé dans la chambre de l’enfant et qui résonne dans la chambre de ses parents.

En juin dernier, trois chiens capables de détecter le diabète ont été remis gratuitement à Romain, 8 ans, Hugo, 16 ans et Manon, 23 ans (lire témoignage). Une première en France. « C’est une victoire et un espoir pour de nombreuses familles », se réjouit Florine Munier. L’association espère former 10 chiens en 2019.

« Mon chien est un soutien infaillible »

« En treize ans, j’ai fait 9 comas hypoglycémiques ». Autant dire que le diabète de Manon, jeune fille de 23 ans, pouvait la stresser. Particulièrement la nuit. « Avant je dormais peu, environ quatre heures. Depuis juin, j’ai ma chienne Talou et je dors beaucoup mieux. Cette nuit encore, elle m’a réveillée car j’étais en hyperglycémie. C’est un soutien infaillible », raconte-t-elle. D’ailleurs, depuis qu’elle a sa chienne, son diabète est beaucoup plus stable. Manon fait partie des trois bénéficiaires de l’association Acadia. « Quand j’ai su que j’allais avoir un chien, j’étais une vraie fontaine. Un rêve qui devenait réalité », se souvient la jeune fille.

Avant, Manon avait peur de quitter la maison familiale pour prendre son indépendance. Aujourd’hui, elle l’envisage plus sereinement. « J’ai pris confiance en moi. Je ne suis pas maman, mais j’ai l’impression que Talou est mon bébé. C’est mon assistant. Il est là pour moi, pour m’aider dans la vie de tous les jours », conclut-elle.

Une étude clinique pour le cancer du sein

Toujours grâce à leur odorat, les chiens pourraient détecter le cancer du sein. Le projet KDOG, lancé par Isabelle Fromantin, infirmière-chercheure à l’Institut Curie, espère bien le prouver cliniquement dans les prochaines années. Entre fin 2016 et début 2017, des tests ont été réalisés auprès de 130 patientes. Deux chiens bergers belges malinois étaient chargés de discriminer un échantillon de patiente positif au sens du cancer parmi des échantillons négatifs. Ils ont eu plus de 90 % de réussite.

Le concept est simple. La patiente porte une lingette sur le sein toute une nuit après s’être lavée avec un savon sans odeur. Le lendemain matin, elle met la lingette dans un bocal qu’elle dépose à l’Institut Curie. Le tout est envoyé aux centres où se trouvent les chiens formés qui vont renifler la lingette dans le bocal.

Prochaine étape : une étude clinique devrait être menée au printemps prochain auprès de 400 patientes pendant environ trois ans. « KDOG pourrait être une alternative à la mammographie, au moins en première intention. Le chien donne l’alerte mais ne pose pas de diagnostic. Tout doit être confirmé par une mammographie, voire une biopsie. Si l’étude démontre que le chien est fiable dans au moins 80 % des cas, ce serait une réussite », explique Pierre Bauër, chef de projet KDOG à l’Institut Curie.
L’idée serait de développer ce dépistage en France mais également dans des pays à faible accès aux soins, notamment pour raisons économiques. « Dans ces pays, beaucoup de femmes meurent d’un cancer du sein car elles n’ont pas été diagnostiquées à temps. Si ce dépistage fonctionne, il pourrait leur être proposé ». Dans un second temps, ce dépistage pourrait être envisagé notamment pour le cancer du col de l’utérus.

Et si les lamas aidaient à détecter la maladie d’Alzheimer ?

Les lamas ont des anticorps capables d’entrer dans le cerveau. « Le cerveau est un organe extrêmement complexe et fragile. Il est protégé par la boîte crânienne, les méninges et la barrière hémato-encéphalique qui est un filtre entre le sang et le cerveau. Les anticorps classiques ne peuvent pas entrer dans le cerveau, ceux du lama, eux, peuvent y entrer et aller se fixer sur une cible particulière », explique Pierre Lafaye, responsable de la plate-forme d’ingénierie des anticorps à l’institut Pasteur.

Ces anticorps, injectés par voie intraveineuse, permettraient de détecter les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires, deux indices de la maladie d’Alzheimer. « Un des gros problèmes de cette maladie est le diagnostic précoce. Elle évolue entre dix et vingt ans et, à l’heure actuelle, le diagnostic arrive quand les pertes de mémoire sont déjà importantes. Les médicaments que l’on essaie ne sont pas efficaces. Cela ne veut pas dire que dans l’absolu ils ne le sont pas. Mais on les utilise tellement tard qu’ils ne peuvent pas régénérer le cerveau. Le diagnostic doit être fait avant les troubles cognitifs. Plus on arrivera à détecter tôt, plus on pourra donner des médicaments qui seront efficaces », ajoute Pierre Lafaye.

Les chercheurs poursuivent leur travail autour du développement d’une technique d’imagerie par IRM pour observer les lésions. Et un jour la développer chez l’homme.

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