Réparer les troubles du sommeil chez l’enfant

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Par Nathania Cahen

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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Plus d’un quart des enfants connaissent des nuits agitées ou trop courtes. Un dérèglement dont pâtit souvent toute la famille, mais qui peut toujours être traité.

Cet automne, le centre hospitalier Edmond Garcin, à Aubagne, a inauguré son tout nouvel équipement de polysomnographie*, acquisition qui complète la mise en place de consultations dédiées aux troubles du sommeil de l’enfant. Cela répond à une demande croissante et des délais d’attente très importants, jusqu’à plusieurs mois, dans les autres consultations existantes dans le département des Bouches-du-Rhône. « J’avais de nombreuses questions et sollicitations de parents à ce sujet, j’y consacre toujours plus de temps », explique le Dr Iris Hermann, pédiatre, en charge de cette activité.

En cause, les mauvaises habitudes ou encore l’hyperactivité

Chez l’enfant, les troubles du sommeil sont multiples et variés, plus ou moins inquiétants. Il faut reprendre l’ensemble des habitudes et des symptômes pour poser le diagnostic. Liée à une mauvaise « hygiène » de sommeil, la plupart de ces dysfonctionnements se traite plutôt facilement au moyen de changements dans les habitudes et les rituels, d’exercices de relaxation, de séances de thérapie cognitive comportementale. Mais certains symptômes (ronflements, transpiration, énurésie**, apnée, mouvements périodiques des jambes, somnolence le jour…) supposent une cause plus organique.

L’examen clinique peut révéler des anomalies du crâne ou de la face. Mais aussi des amygdales ou des végétations trop volumineuses qui entravent une bonne respiration au cours du sommeil, nécessitant leur ablation. « Notre discipline est très transversale, acquiesce Iris Hermann. Nous travaillons avec des endocrinologues, des pneumo-pédiatres, des ORL… »

Parmi les médecins spécialistes en somnologie, il y a aussi des pédopsychiatres, comme le Pr Carmen Schröder du CHU de Strasbourg, qui reçoivent les petits patients en manque de sommeil. Car ce dérèglement peut masquer d’autres troubles du développement, par exemple le déficit de l’attention et hyperactivité (dits TDAH), ou y être associé. « L’irritabilité est un signe fréquent d’un mauvais sommeil et l’hyperactivité motrice est parfois le moyen de lutter contre la somnolence en journée », confirme la praticienne.

Le Pr Carmen Schröder relève une augmentation des troubles du sommeil liés à des facteurs très contemporains : des rythmes irréguliers en raison d’une activité décalée de parents qui par exemple démarrent très tôt le matin ou rentrent tard le soir. Ou encore la surcharge pondérale qui touche aujourd’hui 17 % des enfants et des adolescents (étude Esteban 2014-2016). Et, bien sûr, ces satanés écrans, sur lesquels se rive le regard dès le plus jeune âge. Les chiffres sont alarmants. Une étude britannique de 2017 sur la population des tout petits entre 6 mois et 3 ans fait état de 75 % d’utilisateurs, avec une moyenne quotidienne de 200 minutes passées devant la télé et de 24 minutes devant un ordinateur ou un smartphone. Or il est avéré qu’une heure devant un écran se traduit par la perte de 15 minutes de sommeil chez l’enfant. « Les conséquences sont néfastes pour un tout petit qui va connaître un endormissement plus difficile, aura une nuit plus courte et sera fatigué dans la journée », pointe le Pr Schröder.

Les ados, victimes de leurs smartphones

Véritable phénomène de société, le temps passé devant un écran est impressionnant. En cumulant l’usage de l’ordinateur et du smartphone, on atteint une moyenne de 5,8 heures quotidiennes à 11 ans, et 8 heures et demi à 15 ans. « L’impact est multiple, sur le sommeil, la réussite scolaire. Cela accentue le décalage biologique qui intervient à l’adolescence et peut provoquer fatigue, somnolence voire dépression… », explique le Pr Schröder. Il s’agit alors de discuter intelligemment avec l’ado de ses besoins, de le sensibiliser à son horloge biologique, en l’invitant par exemple à porter un bracelet d’actimétrie qui enregistre le rythme veille-sommeil.

Renoncer aux écrans ? Mission impossible, pas forcément souhaitable du reste, car le contact avec les copains est important et aide l’adolescent à se sentir soutenu, moins seul. Il faut trouver des compromis : se décoller de l’écran une à deux heures avant le coucher, passer en mode « nightshift » (qui supprime le spectre bleu, excitant), se voir prescrire de la mélatonine en cas de décalage pathologique des rythmes veille-sommeil…

La polysomnographie, c’est quoi ?

Quand les troubles du sommeil font suspecter une origine organique, des examens complémentaires s’imposent. Une prise de sang pour rechercher d’éventuelles carences (le manque de fer) ou encore un bilan plus poussé grâce à une nuit d’enregistrement du sommeil à l’aide de la polysomnographie.

Cet équipement peut sembler un peu barbare. Il est constitué d’un boîtier avec des câbles reliés à des électrodes posés en différentes parties du corps : sur le crâne (mesure de l’encéphalogramme, c’est-à-dire l’activité du cerveau), les yeux (mesure des différents stades du sommeil), le menton (mesure du tonus musculaire), les jambes (mesure du mouvement), les narines (mesure de la respiration via la pression et de la température) ainsi que deux ceintures autour du thorax et de l’abdomen (mesure des mouvements respiratoires) et, pour finir, un capteur de saturation d’oxygène. Cela suppose de passer une nuit à l’hôpital, avec un parent, le doudou et tout ce qui participe à une nuit de sommeil… presque normale. À l’hôpital d’Aubagne, la liste d’attente s’allonge déjà…

*La polysomnographie est un examen prescrit sur ordonnance qui permet d’enregistrer différentes données physiologiques lorsque le patient se trouve en phase de sommeil. De nombreux hôpitaux, cliniques et cabinets privés ont aujourd’hui un équipement pour réaliser cet examen.

La prévention des troubles du sommeil chez l’enfant

Encore trop peu mise en avant, mais ressource pour le Dr Iris Hermann, pédiatre au centre hospitalier Edmond Garcin, à Aubagne. Avec le Dr Benjamin Putois, docteur en Sciences Cognitives et psychologue du CHU de Lyon, ils mènent une étude sur la portée de la prévention. Un petit document d’information est distribué aux parents dès la maternité, puis l’impact des conseils (sur les pleurs du bébé par exemple) est mesuré et comparé à une population non avertie. La prévention dans les écoles est plus délicate, mais là encore les choses avancent avec la formation « Sommeil, alimentation et rythmes de vie chez le jeune enfant », mise au point, à Lyon toujours, par les Dr Marie-Josèphe Challamel et Elisabeth Locard. Ce programme est destiné au personnel enseignant mais aussi aux infirmières scolaires ou de la PMI (protection maternelle et infantile).

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