Dr Catherine de Bournonville : Elle apporte essentiellement la dimension collective et non culpabilisante. L’état d’esprit du Moi(s) sans tabac est différent de la journée mondiale : il ne s’agit plus seulement d’une démarche de santé publique mais d’un défi collectif. Ce défi est réussi puisque, pour cette première édition, 180 000 personnes ont tenté d’arrêter de fumer. Or, habituellement, on estime à 200 000 le nombre de personnes qui arrêtent de fumer chaque année. Et l’on sait qu’arrêter de fumer pendant un mois multiplie par cinq les chances d’arrêter durablement.
Dr C. de B. : L’idée est de ne pas trouver à la place des gens des arguments pour les aider à arrêter le tabac car on considère que chaque fumeur a ses propres raisons. Le discours est plutôt centré sur l’aide, sur la démarche collective : non pas convaincre, mais apporter un soutien. Ce soutien peut se trouver, en premier, auprès des professionnels de santé de proximité comme le médecin généraliste ou le pharmacien. Le tabacologue, lui, peut aider les personnes qui sont dans une situation compliquée. Et pour ceux qui ne souhaitent pas investir dans un accompagnement ou se déplacer, il y a toujours la possibilité d’utiliser les dispositifs comme Tabac Info Service (la ligne 39 89, l’application et le site Internet).
Dr C. de B. : Tout d’abord qu’il est important de prendre le temps avec la personne que l’on reçoit en consultation pour savoir ce qu’elle veut, ce qu’elle se sent capable de faire et de quelles ressources elle dispose pour arrêter le tabac. Cela permet, ensuite, d’adapter l’accompagnement. Certaines personnes voudraient arrêter de fumer mais n’y sont pas prêtes. Plutôt que d’être dans la crispation sur un arrêt du tabac qui ne sera probablement pas possible, en tout cas pas dans l’immédiat, on essaye de voir ce qu’elles sont prêtes à faire, maintenant. Par exemple, réduire leur consommation ou y mettre un cadre : « je décide que mon appartement, ma voiture sera non-fumeur ou qu’après le dîner, je ne fume plus ou encore je retarde la première cigarette ». Mon expérience m’a également appris que l’on ne doit pas décider à la place d’une personne quel moment sera le plus favorable pour elle pour arrêter de fumer, même si on estime que c’est contre-indiqué au vu de sa situation personnelle difficile ou qu’elle semble avoir d’autres priorités. C’est à la personne de décider sa hiérarchie de priorités.
Dr C. de B. : De se faire aider, car les chances d’arrêter sans aide sont faibles. Et ne pas attendre d’être prêt à arrêter complètement pour se mettre en route. Les fumeurs qui arrêtent seuls ont souvent un environnement favorable autour d’eux : une stabilité professionnelle, une stabilité affective, des conditions financières favorables, etc. Dès qu’il y a des éléments défavorables dans l’environnement, il est plus difficile d’arrêter de fumer. Dans ce cas, il est d’autant plus important de ne pas rester seul avec ce projet, de se faire aider. Et même pour les gens qui ont un environnement favorable il est normal de ne pas réussir du premier coup, de s’y reprendre à plusieurs fois. Il faut que le « travail » fasse un peu son chemin avant que l’arrêt soit définitif.