Sport et santé, deux alliés pour Roxana Maracineanu

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Par Propos recueillis par Cécile Fratellini

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© Hervé Hamon

La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a reçu Essentiel Santé Magazine en mars dernier. Au menu de cet entretien : la lutte contre la sédentarité. Un objectif qui passe aussi bien par le sport en entreprise que par le sport-santé. Explications.

Aujourd’hui, 36 millions de Français pratiquent une activité physique. L’objectif est de 3 millions de plus en 2022. Comment y arriver ?

Roxana Maracineanu : Nous travaillons sur plusieurs mesures. La première étant de démarrer le sport plus tôt à l’école. À la rentrée prochaine, l’école sera obligatoire à partir de trois ans, c’est une bonne porte d’entrée pour la pratique du sport. Nous souhaitons proposer plus d’activité physique dès le plus jeune âge avec des intervenants associatifs. L’objectif étant de créer des passerelles afin que les enfants découvrent des sports et aillent ensuite s’inscrire dans les clubs. L’idéal est qu’ils reçoivent une éducation à l’activité physique.

Et si l’on sort du cadre scolaire, nous voulons donner les clés aux parents en démocratisant certaines disciplines. On axe sur deux sports : la natation et le vélo. Ils sont essentiels parce qu’ils sont en lien avec la sécurité et l’environnement. Pour la natation, grâce à des mini-vidéos didactiques, on informe les parents des premiers gestes utiles à faire avec leur enfant dans l’eau pour qu’il appréhende le milieu aquatique en sécurité. Cela facilite l’apprentissage de la nage par la suite.

Quant au vélo, de moins en moins de parents ont le temps ou les compétences pour l’apprendre à leur enfant. Nous lançons donc un plan « Savoir Rouler à Vélo » avec le soutien d’acteurs fédéraux et associatifs qui proposent une formation de 10 heures au terme de laquelle les enfants sauront rouler et circuler sur la voie publique. Plus de 1 000 sites répartis dans toute la France accueilleront les familles avec un encadrement et des vélos adaptés. C’est aussi une façon d’éduquer les enfants aux mobilités de demain que l’on veut plus écologiques.

Le développement du sport en entreprise peut-il être une autre solution ?

R.M. : Nous réfléchissons aujourd’hui au niveau local pour faire travailler ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire et des entreprises. L’objectif serait de diffuser le concept de conciergeries sportives. L’idée étant de permettre aux salariés de mutualiser les temps de vie, de faire du sport et d’avoir une alimentation équilibrée sur le lieu de travail. On trouverait dans ces conciergeries des vestiaires, des douches, un lieu pour se restaurer… Beaucoup d’entreprises sont volontaires. Des chefs d’entreprise me disent : « On a des métiers physiques. Et aujourd'hui les salariés ont un mode de vie trop sédentaire et cela devient compliqué pour eux ». Le sport au travail devient donc un outil indispensable. Comme pour les sportifs de haut niveau, on peut imaginer que sur leur temps de travail les salariés qui ont un métier physique aient une partie remise en forme, ça ferait partie de leur métier.

L’accès au sport est encore difficile pour certains. Comment y remédier ?

R.M. : La difficulté de l’accès au sport est souvent liée à l’éloignement des équipements. Nous prenons donc en compte cet aspect en finançant des équipements mobiles. Nous ne voulons plus financer des projets pharaoniques mais plutôt des projets utiles et adaptés aux territoires. Un exemple : apprendre à nager ne nécessite pas forcément un bassin de 25 mètres. Les enfants peuvent apprendre à nager dans un bassin de 8X10 m où l’on pourra aussi faire de l’aquagym, de la remise en forme ou encore lutter contre l’aquaphobie.

Nous avons notamment l’idée de financer des « camions piscine » qui se déplaceraient dans les quartiers. Huit enfants peuvent apprendre à flotter et traverser sans avoir pied, le tout en six séances.

L’activité physique a des effets bénéfiques sur certaines pathologies. Comment développer encore plus le sport-santé ?

R.M. : Aujourd’hui, il existe une centaine de maisons sport-santé. L’objectif est d’arriver à 500 d’ici 2022. Il ne s’agit pas de maisons qui vont sortir de terre mais d’endroits réels ou virtuels qu’on labellisera. Ces maisons peuvent provenir du milieu médical ou sportif. L’objectif étant de lutter contre la sédentarité. Comment ? En allant chercher les personnes qui ne font pas de sport pour les amener de manière douce vers une activité physique en les accompagnant. Leur médecin leur prescrit des séances sport-santé. Un coach sportif établit un programme pour 10 séances en mélangeant les activités, en mesurant les progrès et enfin en les orientant vers un club qui leur convient. La maison sport-santé est un sas entre rien et un petit peu d’activité physique. À l’avenir, on peut imaginer que le sport sur ordonnance soit remboursé par la Sécurité sociale pour les patients souffrant d’affection de longue durée. Mais dans l’immédiat, nous devons convaincre davantage le corps médical de prescrire l’activité physique. Sans aller forcément jusqu’à l’ordonnance. Mais tout simplement que les médecins indiquent encore plus qu’aujourd’hui à leurs patients que c’est bon d’aller marcher trois fois par semaine par exemple. C’est important de faire bouger les gens. Il faut aussi arriver à créer du lien entre les médecins et les associations. Le monde sportif et le monde médical doivent se rapprocher.

La natation est un sport que vous souhaitez accessible. En quoi consiste votre plan « aisance aquatique »?

R.M. : Nous préconisons une réorganisation de l’apprentissage de la natation à l’école. Je suis favorable aux enseignements massés, c’est-à-dire des séances rapprochées concentrées sur une semaine. Actuellement, avec une séance hebdomadaire, entre les transports, les vestiaires, les consignes, l’enfant ne passe que 20 minutes de temps effectif dans l’eau. Or, les réflexes s’acquièrent en mettant le corps en situation. Nous préconisons des classes externalisées type classe de neige où l’on pourrait apprendre à flotter et à se déplacer en sécurité en grande profondeur. Nous allons expérimenter dès la rentrée 2019/2020 ce type de solutions dans les écoles.

L’accès aux clubs pour les personnes en situation de handicap est encore difficile. Quelles mesures envisagez-vous pour améliorer la situation ?

R.M. : Charles Rozoy, champion paralympique de natation travaille sur la stratégie pour le handisport. Nous souhaitons notamment qu’il y ait une orientation plus systématique au sport par les MDPH (maisons départementales des personnes handicapées). J’ai rencontré des personnes en situation de handicap à l’occasion d’une table ronde. Et elles m’ont dit que le sport était un moment attendu, le point d’orgue de leur journée en quelque sorte. Nous allons travailler avec Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, et avec les départements. Il faut arriver à informer les familles des lieux où elles peuvent être accueillies pour faire du sport. Nous sommes pour l’inclusion mais pas à tout prix, c’est-à-dire que l’on sait que selon l’âge et le handicap, les personnes handicapées ont besoin d’être en mixité totale ou au contraire de se retrouver entre elles. Ce n’est pas blanc ou noir, cela dépend des personnes et du handicap.

Par Propos recueillis par Cécile Fratellini

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