Surpoids et obésité : comment prévenir et soigner ?

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Par Cécile Fratellini

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Sommaire

L’obésité est une maladie. Dans son livre « Le surpoids : c’est dans la tête ou dans l’assiette ? », le Dr Jean-Michel Lecerf le rappelle et explique toute sa complexité. Tout ne repose pas sur l’alimentation. Loin de là. Explications.

Le docteur Jean-Michel Lecerf est spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques. Il dirige le service de nutrition de l’Institut Pasteur à Lille.

Pourquoi avoir écrit ce livre Le surpoids : c’est dans la tête ou dans l’assiette ?* ?

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Jean-Michel Lecerf – crédit Sam Bellet

Jean-Michel Lecerf : C’est consécutif à ma pratique. Je me suis rendu compte que peu de gens connaissaient vraiment la réalité de l'obésité et les causes de leur maladie. On parle plus des conséquences. Il y a un nombre incroyable de propositions amaigrissantes. En revanche, il y a très rarement des livres scientifiques mais accessibles qui expliquent la complexité de l’obésité, son hétérogénéité, la diversité de ses causes et la réalité de la prise en charge. Je voulais l’exprimer car je sens de la souffrance et de l’incompréhension chez beaucoup de gens.

Quant au titre, j’ai voulu dire qu’il ne fallait pas tout mettre sur le dos de l’assiette. Il ne s’agit pas de nier l’importance de l’alimentation mais on est aujourd’hui dans une société orthorexique (NDLR : obsession de manger sainement) un peu angoissante et un peu pénible. On met les gens en permanence devant leur assiette en leur disant : « arrêtez de manger ceci ou cela».

*Le surpoids : c’est dans la tête ou dans l’assiette – Editions Quae – 2019 – 19 €

Quel est le rôle de la génétique dans l’obésité ou le surpoids ?

J.-M. L. : L’obésité ou le surpoids, c’est presque toujours l’interaction entre plusieurs causes. Les facteurs génétiques jouent un rôle important. Même si à eux seuls, ils ne suffisent pas à expliquer la maladie. En tout cas, ils expliquent la différence entre les individus, c’est-à-dire qu’à mode de vie égal, tout le monde ne grossit pas. Donc le facteur génétique, comme dans beaucoup de maladies chroniques, est important. Mais attention, il ne faut pas se réfugier derrière en disant : « c’est génétique ».

Le savoir permet de déculpabiliser mais également d’être plus attentif que d’autres car on sait que l’on est plus sensible. L’obésité est liée aussi à d’autres facteurs : l’alimentation, la sédentarité, les facteurs environnementaux (déficit de sommeil, stress…), les facteurs néonataux…

Parmi les facteurs néonataux qui ont une influence sur le surpoids, vous parlez notamment de l’accouchement par césarienne. Comment l’explique-t-on ?

J.-M.L. : Les études sont claires maintenant. Parmi les facteurs qui favorisent la prise de poids, il y a les facteurs néonataux et notamment la césarienne. Dans certains pays, elle est proposée quasiment par convenance à un grand nombre de femmes. Il faut que les gynécologues et les médecins insistent sur l’accouchement par voie basse. L’enfant étant en contact avec le microbiote maternel et non pas avec les microbes de la salle d’opération, il est protégé. Il ne faut pas pour cela culpabiliser les femmes, car dans la majorité des cas, en France, elles ne choisissent pas.

Donner des antibiotiques avant l’âge de deux ans favorise également le surpoids. Là aussi le microbiote est en cause. Les antibiotiques l’altèrent. Encore une fois, il faut être raisonnable, il ne s’agit pas de ne pas traiter les infections mais on sait par exemple que les antibiotiques ne sont pas utiles pour soigner une rhino. Il faut prendre conscience du caractère mufti-factorielle de l’obésité.

Vous dites « Aucun aliment n’est mauvais, c’est la quantité qui pose problème ».

J.-M.L. : Aujourd’hui, le principe de base le plus important de l’équilibre alimentaire est la variété. À ce principe, on rajoute celui de la modération et là tout va bien. À noter également qu’un des grands problèmes aujourd’hui, c’est la solitude alimentaire. Le fait que ce soit chacun pour soi, il n’y a plus de régulation. Or le repas est un régulateur. C’est une grammaire, il y a un ordre avec un protocole culturel. Pour être rassasié, il faut un début et une fin.

Rappelons que les excès ne posent pas de problèmes quand ils ne sont pas répétés. Les écarts et les excès font partie de l’apprentissage. Vous vous rendez compte que vous avez trop mangé un soir et bien le lendemain vous mangez un peu moins. C’est plus difficile chez une personne en surpoids ou obèse. L’obésité est une maladie. Et donc le tissu adipeux devient un tissu malade et il ne réagit plus comme un tissu adipeux normal. Si je prends 1 kg parce que j’ai fait n’importe quoi en vacances, si je réagis tout de suite, ça va partir. Chez un obèse, les kilos qui s’accumulent rendent le tissu adipeux malade, inflammatoire puis fibreux donc il sera plus difficile de perdre ce kilo !

Peut-on guérir l’obésité ?

J.-.M L. : Il faut arrêter de mentir, l’obésité est une maladie que l’on ne peut pas guérir. On peut la soigner mais pas la guérir quand elle est très avancée. Dans l’obésité, la première chose est déjà de ne plus grossir. Ce n’est pas toujours facile à faire avec l’âge, avec la réduction de l’activité physique liée au poids, avec le tissu adipeux malade, le stockage continue. Mais c’est une première étape : ne plus grossir. Les patients ne veulent pas forcément entendre cela mais il suffit de leur expliquer.

En revanche, chez les plus jeunes, nous avons de très bons résultats si la prise en charge est précoce. On peut normaliser le poids d’un enfant en surpoids. Si on s’y prend tôt et que la personne fait attention, le tissu adipeux ne devient pas trop malade et elle se stabilise à un poids acceptable de façon définitive. Donc la prévention est primordiale !

Comment améliorer la détection de l’obésité et la prendre en charge tôt ?

J.-M. L. : Il faut arrêter d’angoisser les parents dans les premières années de la vie sauf exception. Les parents ne doivent pas mettre leur enfant au régime dès 1 an, c’est très mauvais. En revanche, à 6 ans, un enfant doit être physiologiquement maigre, on doit voir ses côtes. C’est le signe clinique le plus tangible. Si ce n’est pas le cas, il faut consulter. Grâce au carnet de santé, on peut repérer les choses assez tôt avec la courbe de corpulence (rapport entre le poids sur la taille au carré). Les courbes de poids et de taille ne suffisent pas pour détecter l’obésité.

Et ensuite, c’est toute la famille qui doit modifier ses habitudes alimentaires. Puis, il faut en parler à l'enfant en lui disant : « On a décidé de faire attention et de bien manger », afin qu’il ne se sente pas seul. Mais ce n’est pas si facile de réduire les quantités. Il y a des réflexes, des habitudes, tout cela se travaille en écoutant les gens, en leur donnant des conseils, en étant attentif à la taille des plats. Changer de comportement peut prendre des années.

Quand parle-t-on de surpoids et d’obésité ?

L’obésité se calcule avec l’indice de masse corporelle (IMC), c’est-à-dire le poids (en kg) divisé par le carré de la taille (en mètres). Selon l’OMS, on parle de surpoids lorsque l’IMC est supérieur à 25 et d’obésité quand il est supérieur à 30.

L’activité physique est importante. Mais vous préférez la formule « Bouger pour mieux manger » que « Manger, bouger », pourquoi ?

J.-M. L. : « Manger, bouger », je ne comprends pas très bien. L’activité est un très bon régulateur. Je préfère « Bouger pour mieux manger ». On comprend que l’activité va vous permettre de mieux manger car elle va vous ouvrir l’appétit, va le justifier et va vous permettre ces sensations de faim et de « je n’ai plus faim ». Cela met en exergue le rôle de la sédentarité. On mange moins qu’avant alors que la prise de poids augmente, en grande partie à cause de la sédentarité liée au travail et au mode de vie. On ne choisit pas de devenir gros, cela n’empêche pas la prise de conscience et la prévention. On en est responsable mais aussi victime, on peut améliorer les choses. Certes, la chirurgie sauve des vies mais elle devient une réponse inappropriée aussi. C’est un peu l’échec de la prévention. Il faut prendre conscience du problème avant de se faire opérer. Car l’opération, c’est bien mais ce n’est pas un long fleuve tranquille, ce n’est pas sans conséquence. C’est une opération de sauvetage. Les patients en sortent transformés mais comme toute intervention chirurgicale elle est mutilante, risquée et coûteuse.

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