L’odeur de tabac froid n’est pas seulement désagréable, elle est aussi néfaste pour la santé. Cette odeur signe en effet le tabagisme tertiaire ou ultra-passif* : l’exposition à des particules émises lors de la combustion du tabac et « incrustées » dans l’environnement (mobilier, surfaces, vêtements…) longtemps après le passage du fumeur. « Certains composés déposés par la fumée de cigarette mettent des semaines à être éliminés. Ils ne sont pas forcément nocifs, mais peuvent subir des transformations chimiques sous l’action de la chaleur, du rayonnement solaire, des éléments à leur contact… et donner des polluants secondaires. La nicotine peut notamment réagir avec l’acide nitreux présent dans l’air pour former des nitrosamines carcinogènes** », explique le Pr Daniel Thomas, cardiologue et porte-parole de la Société francophone de tabacologie.
* Par analogie avec le tabagisme secondaire ou passif, qui correspond à l’inhalation directe de fumée de cigarette.
** C’est-à-dire qui peut provoquer l’apparition d’un cancer.
Les espaces « fréquentés » par les consommateurs de tabac sont durablement imprégnés : habitat, voiture, espace de travail… « Des analyses urinaires menées sur des non-fumeurs ayant dormi dans une chambre d’hôtel fumeur ont par exemple trouvé des concentrations 5 fois supérieures à la normale en composés issus du tabac », illustre le Pr Thomas. Mais la contamination ne se cantonne pas aux lieux fumeurs : une étude menée par une université américaine a ainsi conclu que 29 % des particules présentes dans une de leurs salles de cours comportaient des éléments chimiques issus du tabac, véhiculés par voie humaine ou par les systèmes d’aération.
Les produits toxiques du tabagisme tertiaire peuvent être inhalés, ingérés ou pénétrer dans l’organisme par contact cutané. Ils menacent les individus fragiles, tout particulièrement les enfants. « Ils se déplacent à 4 pattes, portent souvent les doigts à leur bouche et sont en contact avec le mobilier, les jouets, mais aussi les vêtements de leurs parents, pour peu qu’ils soient fumeurs. Leur capacité réduite à métaboliser (dégrader) les molécules issues du tabac étant de surcroît plus limitée que celle des adultes, il convient de faire particulièrement attention à leur proposer un environnement sain. » Les personnes âgées et les asthmatiques présentent également un risque supérieur de développer un trouble organique ou respiratoire.
Des travaux scientifiques menés chez des souris exposées au tabagisme tertiaire ont mis en exergue des atteintes hépatiques pré-cancéreuses, des fibroses pulmonaires à l’origine d’asthme ou de BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive), mais aussi une plus grande difficulté à cicatriser et une hyperactivité. « Attention toutefois à ne pas transposer directement ces constats chez l’homme, dont la physiologie diffère. L’impact sanitaire du tabagisme de troisième main reste à l’heure actuelle une inconnue. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne présente aucun risque ou qu’il ne faut pas s’en préoccuper ! »
Absence de preuve n’étant pas preuve d’absence, la prévention est capitale, d’autant que corrélée à la lutte contre les autres formes de tabagisme dont les conséquences sont, elles, parfaitement quantifiées. 75 000 décès annuels en France pour le tabagisme primaire et environ 1 000 pour le tabagisme passif. « Le meilleur conseil global est d’arrêter de fumer et de veiller à protéger son entourage. Sachant que se cantonner à une pièce dédiée ou fumer à la fenêtre n’a guère d’intérêt, la circulation de l’air rendant ces gestes relativement vains. »
Et pour faciliter la motivation, plutôt que penser aux risques pour la santé, pourquoi ne pas penser plaisir et « bien-être » ? Car fumeur comme non-fumeur, personne n’aime l’odeur de tabac froid !