Traitements alternatifs contre le cancer : « pas sans danger » selon le Pr Axel Kahn

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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© DR Ligue nationale contre le cancer

Certains malades du cancer, en quête d’espoir, se tournent vers des thérapies non conventionnelles. Mais celles-ci ne sont pas toujours inoffensives. Le Pr Axel Kahn, généticien et président de la Ligue contre le cancer, appelle à la vigilance.

Les informations mensongères en matière de santé, en particulier celles qui touchent au cancer, ont-elles toujours existé ?

Pr Axel Kahn : Les racines du phénomène sont très anciennes. Déjà quand j’étais enfant, des personnes se disaient capables de guérir le cancer. Autrefois, c’était surtout lié au fait que les traitements du cancer étaient notablement peu efficaces et les médicaments très mal supportés par les personnes malades. Ils donnaient également des résultats incertains. Si bien que des individus mal intentionnés en profitaient et prétendaient pouvoir faire beaucoup mieux.

Depuis, les traitements se sont considérablement améliorés. Aujourd’hui, on guérit près de 60 % des cancers, et même presque 100 % pour certains types de cancers, surtout quand ils sont pris en charge suffisamment tôt. Et ne pas être traité par les méthodes qui sont éprouvées (comme la chimiothérapie ou la radiothérapie) fait perdre des chances considérables, voire risque de provoquer la mort. Donc aujourd’hui, il y a lieu d’être encore plus inquiet et plus hostile à ce type de fake news médicales.

Constatez-vous une augmentation de ces pseudos remèdes pour guérir le cancer ?

Pr A.K. : En effet, mais en réalité toutes les fake news ont augmenté, pas uniquement celles qui concernent la santé. Et cela est dû à plusieurs phénomènes. Le premier, c’est évidemment le développement des réseaux sociaux. Ils donnent accès très facilement à de fausses informations et sont désormais capables de les diffuser à presque l’ensemble de la population. Il n’existait pas d’équivalent auparavant. C’est donc une montée des périls. Avant, la parole médicale était déjà présente, alors que les informations mensongères l’étaient beaucoup moins. Désormais, avec les réseaux sociaux, elles le sont tout autant. Et elles sont même souvent considérées sur un pied d’égalité.

Il y a également un autre phénomène. La grande caractéristique de l’état troublé du monde est une très grande déception. Déception de ce que les bienfaits économiques, le bonheur annoncé après les désastres de la dernière guerre, après la chute du Mur de Berlin et du communisme, après le triomphe de l’économie, après les prodiges de la Science et de la technique, ne sont pas au rendez-vous. On voit bien, et dans le monde entier, que les personnes déçues, frustrées deviennent incroyablement revendicatives voire violentes. Ce qui aboutit à une contestation de plus en plus radicale des pouvoirs. Or, le savoir est pouvoir. Par conséquent, le pouvoir que confèrent aux sachants leur compétence et leur expérience est affaibli lui aussi par cette défiance.

Quels sont les risques de ces traitements alternatifs contre le cancer ?

Pr A.K. : En parallèle de leur traitement prescrit par leur cancérologue (chimiothérapie, radiothérapie…), les personnes malades utilisent parfois des traitements complémentaires de l’ordre des médecines douces ou des techniques psychologiques (méditation, sophrologie…). S’ils le font et que, psychologiquement, ils s’en trouvent bien, il n’y a pas lieu de s’en offusquer. Sous réserve bien sûr qu’elles ne soient pas à composante sectaire. Cela fait partie de la liberté des personnes malades et en parcours de soins.

Leur bien-être est un élément important. D’ailleurs, la Ligue contre le cancer propose gratuitement des soins de support et de confort dans la plupart de ses antennes. Des soins, comme de la socio-esthétique, qui permettent d’améliorer la qualité de vie des personnes malades.

Toutefois, il faut s’assurer de la non-nocivité des traitements complémentaires. Par exemple, en plusieurs circonstances, des « phytothérapies » ne se sont pas révélées douces du tout, mais au contraire terriblement toxiques. Car, dans les plantes, il y a des alcaloïdes, des toxines qui peuvent faire d’elles de parfaits poisons. Enfin, si jamais un patient remplaçait littéralement un médicament ou un traitement efficaces (prescrits par son médecin) par des thérapies alternatives, cela serait en revanche très dangereux. Car cela représenterait alors une vraie perte de chance de guérison.

Diriez-vous que ceux qui vendent des traitements « miracles » contre le cancer exploitent la vulnérabilité des malades ?

Pr A.K. : Ils l’exploitent totalement et de manière éhontée. C’est une façon d’essayer de faire de l’argent, d’accumuler des profits sur des mensonges. Des mensonges qui peuvent entraîner des nuisances pour les personnes, voire leur mort. Les personnes malades en parcours de soins sont évidemment fragiles et sont en attente d’un espoir supplémentaire. Et cette vulnérabilité peut malheureusement être exploitée sans vergogne.

Pour aller plus loin :

« Médecines alternatives et cancer : il ne faut pas croire aux miracles » : un article de Vivre, le magazine de la Ligue nationale contre le cancer.

La Ligue contre le cancer

Association loi 1901 reconnue d’utilité publique, la Ligue contre le cancer existe depuis 1918. Elle fédère plus de 100 comités départementaux sur le territoire (voir la carte de France). Elle œuvre notamment pour la prévention des cancers, accompagne les malades et leurs proches et soutient financièrement la recherche en cancérologie.

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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