Vrai/faux sur l’alcool

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Par Pauline Hervé

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L’alcool est responsable de 41 000 morts chaque année en France. Sommes-nous tous égaux face aux risques qui y sont liés ? Comment faire le point sur sa consommation et éviter de mettre sa santé en danger ?

Faire le Dry January ne sert à rien si on boit le reste de l'année.

FAUX. « Depuis le lancement du Dry January (ou Mois sans alcool) – je préfère parler de défi de janvier – en 1996 en Grande-Bretagne, on a du recul sur ses effets positifs à court et moyen terme », détaille Amine Benyamina, professeur de psychiatrie, d'addictologie et président de la Fédération française d'addictologie. Les témoignages des participants, ainsi que des études, montrent des bénéfices immédiats sur le sommeil, la peau, le moral, des économies financières…

Une étude de l'Université de Sussex (Grande-Bretagne), menée en 2019 sur 800 participants, a montré que sept mois plus tard, les participants buvaient en moyenne un jour de moins dans la semaine. Ce qui importe, insiste l'addictologue, « c’est de l'aborder de façon positive et de l'adapter à sa vie quotidienne. Même si on ne le fait pas en entier, l'idée est de se défier, de le faire de manière conviviale et de faire un point sur sa consommation d'alcool ».

L’alcoolisme est génétique et héréditaire.

VRAI et FAUX. La dépendance à l'alcool s'explique en partie seulement par des facteurs génétiques et héréditaires. En 1972, le psychiatre et alcoologue Marc Schuckit a suivi pendant quinze ans plus de 400 enfants de parents alcoolo-dépendants. 29 % d'entre eux sont devenus dépendants (contre 11 % des enfants de parents non alcooliques).

Plus récemment, des chercheurs du Texas South Medical Center ont publié une étude qui met en évidence le rôle joué dans la dépendance par un gène appelé bêta-klotho (ou KLB). Les scientifiques ont décelé une mutation sur ce gène chez la plupart des 105 000 alcoolo-dépendants étudiés. Pour autant, on ne peut pas parler d'un gène de l'alcoolisme, plutôt d'une interdépendance entre des multitudes de gènes qui jouent par exemple sur l'absorption de l'alcool dans le tube digestif, sur l'entrée des molécules dans le cerveau…

« On considère que la génétique compte pour 50 % dans le risque de dépendance », estime Amine Benyamina. Le rôle de l'environnement familial et social est donc aussi important et il n'y a pas de fatalité à l'alcoolo-dépendance.

Je ne bois pas tous les jours, cela signifie que je ne suis pas dépendant(e).

FAUX. « La dépendance à l'alcool n'est pas définie par une consommation quotidienne, détaille Amine Benyamina, mais par une consommation régulière qui entraîne une modification de vos habitudes, accompagnée par un effet de pression vers l'envie de consommer. Si chaque week-end vous avez envie de boire, cela signifie certainement qu'il y a dépendance. » Celle-ci s’établit sur de nombreuses années, ce qui donne l'impression au consommateur de « gérer » et de pouvoir arrêter quand il veut.

Avec le temps, peut s'installer une dépendance sévère, qui se caractérise par une impossibilité de s’abstenir ainsi qu’un maintien de la consommation malgré les dommages physiques ou sociaux et la perte de contrôle sur ce qu’on boit.

Deux verres par jour, c’est bon pour la santé.

FAUX. La norme recommandée par Santé Publique France est de ne pas dépasser 10 verres par semaine, soit deux verres par jour, mais en ne buvant pas durant deux jours au moins. Cela ne signifie pas qu’il faut impérativement boire deux verres. « Ces recommandations sont récupérées de façon malsaine par le lobby de l'alcool », s'emporte le Pr Benyamina.

En fait, ces normes correspondent à une définition précise : ce sont les quantités qui maintiennent le risque de mourir d'une complication liée à l'alcool à un sur 1 000. « Mais cela peut aussi survenir avec moins », insiste l'addictologue. Au-delà de ces repères, les risques de complications augmentent de façon exponentielle.

Entre 2020 et 2021, en métropole, la proportion d’adultes déclarant une consommation d’alcool au-dessus des repères de consommation à moindre risque a diminué (passant de 23,7 % à 22 %), selon Santé Publique France. Mais la France reste le deuxième pays le plus consommateur d’alcool d'Europe occidentale, ex aequo avec l'Espagne derrière l'Allemagne.

Le vin n’est pas un alcool comme les autres.

FAUX. La molécule d’éthanol (celle qui donne les effets de l’alcool) est la même dans un verre de vin, de whisky ou de bière. Et les doses standards de bistrot, qui correspondent à 10 g d’alcool dans un verre, sont les mêmes dans un ballon de vin rouge, un baby de whisky ou un verre de bière.

Sur le plan de la santé publique, le vin est donc un alcool comme un autre… et donc aussi une drogue. « On appelle "drogue" toute substance psychotrope ou psychoactive qui perturbe le fonctionnement du système nerveux central (sensations, perceptions, humeurs, sentiments, motricité) ou qui modifie les états de conscience », définit la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives (Mildeca). « Le vin est donc bien une drogue comme les autres, mais licite », répète le Pr Benyamina.

Pourtant, un quart des Français pense que « globalement, boire un peu de vin diminue le risque de cancer, plutôt que de ne pas en boire du tout », selon Santé Publique France, ce qui est faux. Et le vin représente encore 52 % de l'alcool bu en France.

Les femmes ont moins de problèmes avec l’alcool que les hommes.

FAUX. « Les femmes ont rejoint les hommes en matière de consommation d'alcool et des dommages qui y sont liés », précise l'addictologue. Selon Santé Publique France, 75,5 % des femmes et 86,6 % des hommes en consomment dans l’année.

« Cependant, les femmes subissent le fardeau du regard de la société, la "honte" de l'alcool et se cachent plus souvent pour consommer. En conséquence, elles mettent plus de temps avant de chercher une aide médicale, ce qui constitue une perte de chance, explique-t-il. Et l'alcool engendre plus de dommages de santé chez les femmes que chez les hommes. » Elles pèsent moins lourd : à dose équivalente, les problèmes arrivent donc plus rapidement chez elles.

Faire goûter un peu d'alcool à son enfant n'est pas grave.

FAUX. C'est un « classique » des fêtes de famille : faire goûter à un enfant mineur une petite dose de champagne ou de vin. Mauvaise idée, selon le Pr Benyamina. « Je pose souvent cette question : les adultes feraient-ils goûter à leur enfant mineur du tabac ou du cannabis ? » Or tout contact précoce avec une substance addictive, ici l'alcool, annonce plus tard la sensibilisation du cerveau à celle-ci. « Et à l'adolescence, le cerveau est encore en pleine maturation », souligne-t-il.

« Plus la consommation d’alcool s’installe précocement dans la vie, plus le risque de dépendance et de survenue de problèmes de santé à l’âge adulte est élevé », abonde Santé Publique France.

Les jeunes boivent plus qu’avant.

FAUX. Les résultats 2022 de l’Enquête sur la santé et les comportements lors de la préparation à la défense (ESCAPAD), menée chaque année chez les jeunes de 17 ans, soulignent une baisse continue des usages de l'alcool, comme du tabac et du cannabis. Ainsi, en 2022, un jeune de 17 ans sur 5 n'a jamais bu de sa vie, contre un sur 10 en 2000.

« Mais en pratique, nous voyons des jeunes qui mélangent alcool et autres drogues pour obtenir des effets "boosters". Nous, médecins, sommes inquiets car le rapport à l'alcool est toxicomaniaque. Ils ne boivent pas un ou deux verres, leur but est d'atteindre l'ivresse », précise le Pr Benyamina.

Cependant, en 2022, les comportements d’alcoolisation ponctuelle importante (API ou « binge drinking » : avoir bu au moins 5 verres d’alcool standards en une même occasion, N.D.L.R.) sont en baisse par rapport à 2017. Un tiers des jeunes de 17 ans ont connu au moins une API au cours du mois contre 44 % cinq ans plus tôt, selon Escapad.

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