Vrai/faux sur l’alcool

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L’alcool est responsable de 41 000 morts chaque année en France. Sommes-nous tous égaux face aux risques qui y sont liés ? Comment faire le point sur sa consommation et se faire plaisir sans mettre sa santé en danger ?

Vrai/faux sur l’alcool

1. L’alcoolisme est génétique et héréditaire.

Vrai et faux. L’alcoolo-dépendance (terme que préfèrent les spécialistes à celui d’alcoolisme) présente une dimension héréditaire. « On considère que la génétique compte pour 50 % du risque de dépendance, explique le professeur Michel Reynaud, addictologue et président du fonds Actions Addictions. On n’a pas trouvé de « gène de l’alcoolisme » mais plutôt des dizaines de gènes différents, qui s’expriment chacun plus ou moins, pour donner une vulnérabilité à l’alcoolo-dépendance. » Ces gènes jouent par exemple sur l’absorption de l’alcool dans le tube digestif, sur l’entrée des molécules dans le cerveau, sur le métabolisme des cellules cérébrales…

Mais 50 % du risque n’est ni de nature génétique ni héréditaire. Le rôle de l’environnement, incitateur ou protecteur face à l’alcool, est aussi important. Chacun garde une liberté d’action face à la dépendance à l’alcool. Cet aspect est crucial, notamment pour la prévention. « Si l’on sait qu’on a dans la famille des alcoolo-dépendants, ou des sujets dépendants à d’autres substances tous les membres de la famille doivent être avertis de ce risque comme on l’est d’un risque de cancer ou de diabète. On doit en tirer des conséquences, dans l’éducation des enfants par exemple et être soi-même encore plus prudent dans sa propre consommation d’alcool », souligne le Pr. Michel Reynaud.

2. Je ne bois pas tous les jours, cela signifie que je ne suis pas dépendant(e).

Faux. La dépendance à l’alcool s’installe très progressivement, sur de nombreuses années, « et c’est ce qui est si difficile à comprendre pour le patient, pour ses proches et pour la société », détaille le Pr Reynaud. « Pendant très longtemps, la personne dit : « Je bois comme tout le monde, je gère, je m’arrête quand je veux, d’ailleurs elle s’arrête par exemple pendant l’été ou quand elle a un examen à passer ». Cette apparente gestion peut tenir des années avant la perception d’une dépendance sévère, qui se caractérise par une impossibilité de s’abstenir ainsi qu’un maintien de la consommation malgré les dommages physiques ou sociaux et la perte de contrôle sur ce qu’on boit.

« Même à ce stade, le cerveau est reprogrammé pour minimiser les effets négatifs de son propre comportement », précise le Pr Reynaud. C’est ce qu’on appelle le déni, qui rend si difficile la prise en charge. D’où la nécessité d’agir tôt, et d’être attentif à l’évolution de sa consommation d’alcool.

3. Deux verres par jour, c’est bon pour la santé.

Faux. La norme recommandée par Santé Publique France est de ne pas dépasser 10 verres par semaine, soit deux verres par jour, mais en ne buvant pas durant deux jours au moins. Cela ne signifie pas qu’il faut impérativement boire deux verres ! « Cette norme de consommation correspond à un risque sur 1 000 de mourir d’une complication liée à l’alcool, explique le Pr Reynaud. Au-delà, les risques augmentent de façon exponentielle. À trois verres par jour, on les multiplie par dix. Puis par 15 pour 5 verres, et par 50 pour 10 verres par jour. On ne peut pas dire que l’alcool a des bienfaits pour la santé mais les consommations modérées entraînent un risque modéré. En revanche quand on passe ces seuils, les risques deviennent beaucoup plus importants. Même si de petites doses augmentent un peu les risques du cancer, comme celui de cancer du sein chez la femme. »

4. Le vin n’est pas un alcool comme les autres.

Faux. La molécule d’éthanol (celle qui donne les effets de l’alcool) est la même dans un verre de vin, de whisky ou de bière. Et les doses standards de bistrot, qui correspondent à 10 g d’alcool dans un verre, sont les mêmes dans un ballon de rouge, un baby de whisky ou un verre de bière. Sur le plan de la santé publique, le vin est donc un alcool comme un autre.

Bien sûr, si on parle du vin comme habitude culturelle, il n’est pas un alcool comme les autres en France, nuance Michel Reynaud. « Il fait certes partie de la culture française, des territoires du pays, de sa richesse et de son image. Pourtant, il cause autant de dommages que les autres alcools ». La France est le deuxième plus gros consommateur d’alcool en Europe et le vin représente encore 60 % des consommations.

5. Les femmes ont moins de problèmes avec l’alcool que les hommes.

Faux. « Elles en ont davantage ! », s’exclame le Pr Reynaud. Certes, les femmes restent moins nombreuses à boire de l’alcool que les hommes. Selon Santé Publique France : respectivement 75,5 % des femmes et 86,6 % des hommes en consomment dans l’année ; 32,3 % et 56,5 % en consomment chaque semaine ; et 3,9 % et 12,3 % en consomment chaque jour. « Mais le changement dans les vies des femmes et le ciblage marketing des alcooliers font que les consommations d’alcool des jeunes femmes (moins de 35 ans) augmentent et qu’elles ont des problèmes d’alcool de plus en plus jeunes. Ce sont elles que l’on retrouve plus fréquemment parmi les nouveaux dépendants dans les hôpitaux, les associations, sur les groupes Facebook spécialisés », constate le Pr Michel Reynaud.

En outre, les femmes sont biologiquement plus vulnérables aux effets de l’alcool. Elles pèsent moins lourd que les hommes : à dose équivalente, les problèmes arrivent plus rapidement chez les femmes. Sans oublier que l’alcool a une valeur de gestion du stress, des émotions et de la dépression, et « ce type de consommation est particulièrement marqué chez les femmes ayant une souffrance intérieure », selon le spécialiste.

6. Les jeunes boivent plus qu’avant.

Faux. Entre 2014 et 2017, l’usage régulier (10 verres par mois) d’alcool chez les jeunes de 17 ans a baissé de 30 % et l’usage massif (plus de 30 verres) de 24,9 % selon l’étude Escapad de l’Observatoire français des drogues et toxicomanie. Cependant, 12 % des jeunes entre 14 et 24 ans consomment de l’alcool plusieurs fois par semaine et cela reste trop. En outre, souligne Michel Reynaud, « les nouvelles consommations sont massives, sur une soirée, en quelques heures. On constate une augmentation des ivresses, des comas éthyliques, une précocité de la dépendance (avant 30 ans), des pancréatites et hépatites aiguës qui ont doublé en 10 ans. Les jeunes boivent massivement, d’une façon qui a des conséquences plus rapides sur la santé ». Par ailleurs, les spécialistes s’inquiètent de l’explosion des ventes de produits alcoolisés ciblés pour les jeunes, comme les « premix », ces mélanges au goût fruité.

7. Manger ou boire un café permet de dessaouler plus vite.

Faux. Manger permet au corps d’absorber l’alcool plus lentement qu’à jeun, et de sentir l’ivresse moins vite. Mais même si l’on en ressent moins les effets cela ne fait pas diminuer le taux d’alcool dans le sang ! Et c’est la même chose pour le café en fin de repas : il peut donner une impression de meilleure vigilance, mais les risques persistent. Boire trois verres avec ou sans café, par exemple, donne le même taux d’alcoolémie.

En savoir plus :

Addict’aide  : Le portail internet créé par le Fonds Actions Addictions, pour tout savoir sur les addictions, trouver de l’aide et des réponses à ses questions.

Alcool info services : C’est le site internet de Santé Publique France où l’on trouve des renseignements, des tests pour évaluer sa consommation d’alcool, un forum pour malades et leurs proches…

  • Pauline Hervé
  • Crédit photo : Getty Images

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