Florence Niederlander s’excuse dans un large sourire. Sa conversation sera sans doute décousue. Ponctuée d’hésitations, de silences, de répétitions. Non pas que cette quadragénaire soit distraite, peu attentive à ce qui l’entoure. Loin de là. Si Florence s’égare dans la discussion, c’est parce qu’elle souffre d’Alzheimer. Il y a sept ans, alors qu’elle avait 42 printemps, le diagnostic est tombé. Violent. « Je voyais le médecin bouger les lèvres mais je n’entendais plus le son », résume Florence, alors assommée.
Quelque temps auparavant, son fils, Théo, 12 ans à l’époque, lui a lancé un « Maman, ça craint ! », quand il l’a vue errer dans la cuisine, incapable de reconnaître la pièce. « C’est un vocabulaire qu’il utilisait peu, donc ça m’a alertée. » Florence a des oublis, a tendance à se répéter, mais elle ne s’en rend pas compte, à la différence de ses proches, qui s’en inquiètent.
Elle consulte un neurologue. Batterie d’examens, de tests, d’IRM, et puis, « d’un coup, 42 ans de liberté s’envolent. Tout bascule ». Sa première réaction est de tout garder pour elle. De ne surtout pas encombrer son fils avec la maladie, de le laisser grandir sereinement. « A 12 ans, on est un enfant, pas un aidant ! »
Florence entre rapidement dans un protocole de soins. Doit arrêter son métier de secrétaire médicale. Toutefois, elle refuse que s’active autour d’elle toute une armée de soutiens. « Je voulais me débrouiller, être le plus autonome possible. » Devant l’évolution de la maladie, elle réalise qu’elle ne peut tout faire seule, bien qu’elle continue à vivre dans son logement indépendant. « Je vois une infirmière, un ergothérapeute, un psychologue de France Alzheimer… J’ai admis, peu à peu, qu’il me fallait aussi de l’aide pour les tâches quotidiennes, pour stimuler ma mémoire. »
Il arrive que Florence fasse ses courses trois fois à la suite. Qu’importe. Elle s’en amuse : « Je me dis qu’au moins, j’ai fait du stock ! » Elle rigole devant l’absurde de la situation. Ne dramatise pas. Tout en admettant qu’elle peut, de temps à autre, se sentir triste, fatiguée. Mais jamais découragée.
La maladie pousse Florence à écrire. Pour son fils dans un premier temps, pour qu’il puisse comprendre. Même si, lorsqu’il atteint les 14 ans, elle se décide enfin à lui parler de son Alzheimer. Chaque jour, elle consigne ce qu’elle vit, son ressenti. C’est rassurant, canalisateur. « J’ai alors l’impression de ne pas être malade. Que tout est plus fluide. ».
Ses notes vont donner lieu à un livre* pour témoigner que la vie continue, donner du courage à ceux qui souffrent de la maladie. Battante, Florence ne veut pas s’apitoyer, subir Alzheimer. « Mon espace-temps n’est plus le même. Mon temps est compté. Alors, je profite du moment présent. Celui de maintenant ».
*Alzheimer précoce. Mes petits carnets de vie, aux éditions Michalon.