Quand Alzheimer touche aussi les jeunes

Publié le

Par Cécile Fratellini

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

Illustration
© Thomas Gogny / DR

En février dernier, la résidence « Le Chemin » pour jeunes malades d’Alzheimer a ouvert ses portes à Cesson en Seine-et-Marne. Une première en France pour cette maladie que l’on croit souvent « réservée » aux personnes âgées.

« Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de mon père et ce soir, la France rencontre la Roumanie en Coupe du monde de rugby. » Au détour d’une conversation, quand on entend parler Sébastien, 42 ans, ancien commercial passionné de rugby, on se dit qu’il n’a pas de problème de mémoire. Mais quand à la fin de l’atelier d’art-thérapie, il ne retrouve plus sa chambre, la réalité est bien là. Il est l’un des 38 résidents de la première résidence pour jeunes malades d’Alzheimer et maladies apparentées, créée par l’association Espoir Alzheimer, qui a ouvert ses portes en février dernier à Cesson (77).

Le plus jeune a 38 ans, le plus âgé 59 ans, et tous sont à des stades différents de la maladie. C’est pourquoi l’accompagnement est à la fois collectif et individuel avec une équipe pluridisciplinaire (aide-soignant, éducateur spécialisé, médecin, infirmier, psychomotricien…). Ainsi, quand Pilar Garcia, musicothérapeute, se promène dans les couloirs avec sa guitare, elle emmène avec elle Gilles, Dorothée et les autres dans le jardin en chantant. « Cela permet aux personnes qui déambulent de nous suivre et de participer à un moment de joie. Parallèlement à cela, j’organise des ateliers individuels d’écoute où chacun se souvient des belles choses et parle de son chanteur préféré », explique-t-elle.

Construire un présent

Même idée du côté de l’art-thérapie où, lors d’un atelier collectif, les patients travaillent sur le coloriage d’une affiche réalisée par Rémi, un des résidents artiste peintre. En individuel, ils s’approprient l’artiste Marc Chagall qu’ils iront découvrir ensemble lors d’une exposition. Chacun est libre de participer ou non aux ateliers.

Monique, 80 ans, venue tout spécialement de Belgique pour voir Isabelle, sa fille de 59 ans, est heureuse. « C’est formidable d’avoir un endroit comme ici. Ma fille habitait seule en Provence mais un jour ses enfants qui vivent à Paris ont été alertés par des voisins. Elle ne pouvait plus rester seule. » Deux chambres sont réservées aux familles des résidents pour des visites. « Les proches sont de vrais partenaires pour nous car on se sert du passé pour construire un présent, pour maintenir les acquis cognitifs », explique Frédéric Lafon, directeur de l’établissement. Une fois par trimestre, un café des familles est organisé pour rencontrer et échanger avec un psychologue. Car deux sentiments se mêlent souvent lors du placement : le soulagement d’avoir trouvé une institution et la tristesse liée au deuil de la vie passée, la plupart des résidents étaient encore actifs il y a peu, avec parfois des enfants en bas âge.

Aujourd’hui, la résidence affiche complet pour l’hébergement permanent et reçoit des demandes chaque semaine. À noter que huit places sont réservées à l’accueil de jour et quatre à l’accueil temporaire. Une solution bien souvent provisoire pour les familles.

Une maladie rare avant 65 ans

Moins de 2 %* des cas de maladie d’Alzheimer surviennent avant 65 ans. Cette lente dégénérescence des neurones se caractérise par des troubles de la mémoire et aboutit à une perte des facultés cognitives et de l’autonomie. Aujourd’hui, 900 000 personnes sont touchées par cette maladie, elles devraient être 1,3 million en 2020.

Si aucune donnée officielle ne permet de chiffrer le nombre de malades jeunes, on estime leur nombre à près de 30 000**. En sachant que beaucoup de personnes sont diagnostiquées tardivement car au départ les symptômes peuvent ressembler à ceux du burn-out ou d’une dépression.

* Inserm – juillet 2014.
** Espoir Alzheimer.

« Ces personnes n’ont pas leur place en maison de retraite »

Le point de vue de Jean Dautry, Président d’Espoir Alzheimer

« Aujourd’hui, la plupart des malades d’Alzheimer jeunes sont pris en charge par leur famille car il n’existe pas d’institutions adaptées. Ces personnes n’ont pas leur place dans les maisons de retraite ou dans les hôpitaux psychiatriques. C’est pourquoi nous avons travaillé pendant plus de 12 ans sur le projet de cette résidence. Et nous voudrions en implanter d’autres à Reims, Lyon, Montpellier…Si aujourd’hui nous sommes confrontés à des problèmes de financement, nous espérons que ces projets aboutiront un jour. La preuve des besoins a été démontrée. Par ailleurs, l’établissement de Cesson se veut également un endroit “test” pour la recherche sur les thérapies non-médicamenteuses ».

1 nouvelle résidence

En février 2016, une nouvelle résidence pour des malades d’Alzheimer de moins de 65 ans ouvrira ses portes à Crolles dans l’Isère. Ce projet de deux maisons de 15 chambres chacune est initié par l’association Ama Diem.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir