Antalgiques opioïdes : faut-il en avoir peur ?

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Par Delphine Delarue (ANPM-France Mutualité)

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L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) alerte sur l’augmentation de la consommation des antidouleurs opioïdes en France. Ces antalgiques très addictogènes sont à l’origine d’une crise sanitaire sans précédent aux États-Unis. Si l’on est encore loin de la situation américaine, la vigilance s’impose.

Ces vingt dernières années, la prise en charge de la douleur a beaucoup progressé en France. Mais avec l’explosion des prescriptions d’antalgiques opioïdes, ces médicaments dérivés de l’opium devenus première cause d’overdose dans notre pays, il semble y avoir un prix à payer. Dans un rapport publié en février 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) révèle que ces antidouleurs ont été prescrits à près de 10 millions de Français en 2015.

Dans cette famille de médicaments, c’est le tramadol, considéré comme opioïde faible, qui est le plus consommé (+ 68 % entre 2006 et 2017), suivi de la codéine en association et de la poudre d’opium associée au paracétamol. Parmi les opioïdes forts, l’oxycode enregistre une hausse spectaculaire de 738 %, toujours entre 2006 et 2017. Au total, les prescriptions d’opioïdes forts (morphine, oxycodone et fentanyl) ont bondi de 150%.

Risque de complications graves avec ces antalgiques

Selon l'ANSM, ces médicaments ont « un intérêt majeur et incontestable dans la prise en charge de la douleur et restent moins consommés que les antalgiques non-opioïdes (paracétamol, aspirine, AINS) ». Cependant, l’agence rappelle que leur mésusage peut « s’accompagner de complications graves » comme une dépression respiratoire pouvant conduire au décès.

Les complications médicales et l’augmentation des intoxications liées à ces médicaments touchent principalement des « patients […] qui développent une dépendance primaire à leur traitement et parfois le détournent de son indication initiale » note l’ANSM. Le plus souvent, il s’agit de personnes, surtout des femmes, souffrant de douleurs aiguës chroniques comme les maux de dos ou les douleurs liées à l’arthrose.

Le nombre d’hospitalisations liées à la consommation d’antalgiques « a augmenté de 167 % entre 2000 et 2017 passant de 15 à 40 […] pour un million d’habitants ». Le nombre de morts a quant à lui progressé « de 146 % entre 2000 et 2015, avec au moins quatre décès par semaine », soit environ un millier chaque année.

Sécuriser l’usage de ces antidouleurs

Si l’on est encore loin de la crise sanitaire que connaissent actuellement les États-Unis (64 000 décès en 2016 et 115 décès par jour actuellement), la vigilance s’impose. « Pour les autorités sanitaires, l’enjeu consiste à sécuriser au mieux l’utilisation des antalgiques opioïdes sans restreindre leur accès aux patients qui en ont besoin », précise l’ANSM.

Dans ce cadre, l’agence mène régulièrement des actions visant à contrôler l’encadrement de ces médicaments en termes de conditions de prescription de délivrance, d’interdiction de publicité auprès du grand public et d’informations à destination des professionnels de santé. Elle rappelle notamment aux médecins qu’un traitement aux opioïdes n’a pas vocation à s’ancrer dans le temps. Dans la douleur chronique, il doit être évalué au maximum au bout de trois mois. Et son arrêt doit être envisagé en cas d’inefficacité.

L’ANSM encourage aussi les médecins à « faciliter la prise en charge non médicamenteuse (psychothérapie, kinésithérapie, acupuncture, soutien psychologique, sophrologie, méditation) » et à « prendre en compte le risque de mésusage, d’abus et de dépendance dans l’évaluation globale » du patient.

Par Delphine Delarue (ANPM-France Mutualité)

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