Le cannabis est une plante, également appelée chanvre indien. Il contient des principes actifs, les cannabinoïdes. L’un d’entre eux est le THC (tétrahydracannabinol) dont les effets psychotropes sont recherchés lors de l’usage dit « récréatif » du cannabis, comme quand on le fume sous forme de résine ou de feuilles. Or le cannabis contient aussi en nombre « d’autres types de cannabinoïdes qui agissent sur le système nerveux central et périphérique, sur la douleur par exemple », explique le professeur Amine Benyamina, psychiatre et addictologue. Et ce sont principalement ces autres composants que l’on évoque quand on parle de « cannabis thérapeutique ».
Il ne contient soit pas du tout de THC, ou s’il en contient, un ratio précis entre THC et CBD (cannabidiol, une autre molécule) qui n’entraîne ni ivresse ni dépendance comme dans son usage récréatif. Ce sont ces cannabinoïdes qui intéressent la médecine, pour développer des molécules médicamenteuses et contrôlées.
L’utilité des cannabinoïdes est reconnue dans de nombreux pays dans des indications très précises : douleurs réfractaires aux médicaments « classiques », les spasmes musculaires douloureux liés à des maladies comme la sclérose en plaques, contre les nausées et vomissements liés aux traitements contre le Sida, dans des formes d’épilepsie sévères et résistantes, en soins palliatifs ou contre les douleurs liées à certains cancers.
« Contre les douleurs, les cannabinoïdes sont moins puissants que les opiacés, mais ils entraînent moins de risques cardiovasculaires et d’overdose », souligne le Pr Benyamina. En outre, dans les États qui ont autorisé son usage, on constate une diminution des décès liés à la prise de ces opiacés, qui est aujourd’hui une terrible épidémie aux États-Unis, par exemple ».
La plante et ses dérivés médicamenteux sont autorisés à usage thérapeutique dans une trentaine de pays dans le monde, dont certains voisins de la France. Le Sativex, un médicament à base de cannabis a même reçu une autorisation de mise sur le marché en France en 2014. Or il n’a jamais été commercialisé en pharmacie, faute d’une entente entre la Sécurité Sociale et le laboratoire qui le produit sur son prix et son taux de remboursement. Il n’est donc pas illégal… mais il est impossible de s’en procurer. Les autres médicaments sont le Marinol et les formes naturelles (fleurs, huiles) que l’on trouve par exemple en pharmacie sur prescription médicale aux Pays-Bas ou en Italie.
En France, la législation classe le cannabis et ses dérivés dans la catégorie des stupéfiants à usage non autorisé. « Si le cannabis à visée thérapeutique est encore bloqué en France, c’est par un effet de flou entre le débat sur son usage « récréatif » et son usage thérapeutique », déplore le professeur Amine Benyamina. Or on peut séparer les deux ! Mais le débat est vif : l’Académie nationale de pharmacie a récemment mis en garde contre un usage « abusif » du terme « thérapeutique », rappelant que « seul un médicament ayant subi un long processus réglementaire et reçu une Autorisation de mise sur le marché » peut en bénéficier et que seuls quatre d’entre eux issus de cannabis existent actuellement.
Cependant, les choses pourraient changer avec le lancement d’une expérimentation de deux ans, dès le premier semestre 2020, sur proposition de l’Agence du médicament. L’expérimentation sera très cadrée et réservée à cinq indications précises : douleurs neuropathiques réfractaires aux traitements, effets secondaires des chimiothérapies, médecine palliative, et douleurs musculaires liées à la sclérose en plaques et épilepsies sévères, notamment chez les enfants.
« Bien, mais pas suffisant », estime Bertrand Rambaud, responsable du pôle « patients » de l’association UFCM (Union Française pour les cannabinoïdes en médecine) -Icare. Celle-ci a d’ailleurs été auditionnée par l’Agence du médicament. « L’expérimentation est trop restreinte, détaille Bertrand Rambaud. Pourquoi la limiter à cinq pathologies, alors qu’une trentaine pourrait être concernées ? Pour les malades, ce sont deux années de plus à attendre et à être potentiellement hors-la-loi ». L’association, qui regroupe malades et soignants, demande aussi l’arrêt immédiat des poursuites pour les patients qui utilisent et produisent eux-mêmes du cannabis à des fins médicales.
Oui, c’est déjà le cas. « Certains se déplacent en Belgique, par exemple, avec une ordonnance de Sativex. D’autres se mettent carrément hors-la-loi en faisant pousser eux-mêmes leurs plantes ou en se procurant des huiles ou des fleurs de cannabis, soit par Internet – mais c’est excessivement cher – soit grâce à des réseaux d’entraide entre patients ». C’est le rôle que joue l’UFCM-Icare, qui milite pour l’autorisation des cannabinoïdes en médecine en France.
« Il ne faut pas tout confondre et imaginer que l’on propose aux malades de fumer des joints », rappelle le Pr Benyamina. Le cannabis à visée médicale peut être administré sous forme de spray nasal, en solutions buvables ou en inhalations. Toutes les formes n’ont pas un effet immédiat ou prolongé, et le choix doit être adapté à la pathologie du patient. Si le cannabis thérapeutique finit par être autorisé en France, ce sera bien sous forme de médicament, sur prescription, et après un processus de contrôle et des autorisations de mise sur le marché.