CBD et arrêt du cannabis : véritable aide ou simple placebo ?

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Par Marie Duflot

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La France est le premier pays d’Europe en termes de consommation de cannabis chez les jeunes et les adultes*. Beaucoup de fumeurs, conscients des risques, souhaitent aujourd’hui décrocher. Le CBD (cannabidiol) peut-il les y aider, comme le prétendent de nombreux sites de vente en ligne ?

« Le CBD : un substitut naturel pour l’arrêt du cannabis. » « Grâce au CBD, le sevrage du cannabis se fait en douceur… » Les promesses et témoignages dithyrambiques sont légion sur les sites internet de vente de cannabidiol (CBD). Selon eux, le CBD aiderait à l’arrêt du cannabis récréatif. Mais sur des sites non mercantiles comme www.drogues-info-service.fr, les avis des consommateurs se font plus mitigés. Entre fausses promesses et véritables effets, qu’en est-il réellement ?

Le CBD : une alternative au cannabis

Le CBD est l’un des composants du cannabis. Mais le cannabis ne se résume pas au seul CBD. Les deux principaux cannabinoïdes qui composent le cannabis sont ainsi :

  • le THC (ou tétrahydrocannabidiol), responsable des effets psychoactifs du cannabis et de son classement en stupéfiant,
  • le CBD (ou cannabidiol), qui aurait des effets anxiolytiques, antipsychotiques mais peu ou pas d’effet addictogène, d’où son autorisation à la vente.

Remplacer la substance habituelle par le seul CBD, c’est donc notamment perdre le THC. Or, le THC est au joint ce que l’alcool est à la bière : l’ingrédient clé de son effet psychoactif et de l’addiction.

« Le CBD, sur le plan pharmaceutique, ne se lie pas aux mêmes récepteurs cérébraux que le THC », résume le Dr Hélène Donnadieu Rigole, responsable du pôle addictologie du CHU de Montpellier. Aussi, remplacer le cannabis par le CBD ne permettra pas de retrouver l’effet psychoactif du cannabis. « Le CBD, c’est l’équivalent d’une bière sans alcool. L’utilisation du CBD n’a pas de sens en termes de substitution pharmacologique. » Autrement dit, pour le sevrage du cannabis, le CBD n’est pas l’équivalent du patch à la nicotine pour les fumeurs.

Pas de CBD de sevrage en première intention

Comme pour toutes les drogues, la volonté d’arrêter est un des moteurs essentiels à la réussite, ainsi qu’une préparation en amont afin de devancer certains moments difficiles (le coucher par exemple). L’arrêt du cannabis peut révéler certains problèmes masqués jusqu’alors par sa consommation, notamment des troubles du sommeil, une nervosité, une irritabilité ou encore une anxiété. « Envisager d’autres manières de se détendre et de se relaxer peut se révéler particulièrement bénéfique lorsque ce type de manifestation apparaît », recommande par exemple le site www.tabac-info-service.fr.

Reprendre une activité sportive, s’essayer à la sophrologie ou recourir à des techniques de relaxation peuvent aider à apaiser les tensions dévoilées par l’arrêt de sa consommation. Pourtant, le Dr Donnadieu Rigole le reconnaît : « Même chez des personnes très motivées, les traitements de première intention peuvent échouer. Le sevrage du tabac (qui accompagne le cannabis dans les joints) par des patchs ou gommes à mâcher pour la dépendance nicotinique, les médicaments relaxants non addictifs, le suivi en thérapie cognitive et comportementale, le soutien d’addictologues peuvent parfois ne pas suffire. »

À réserver à des cas extrêmes

Dans ces situations extrêmes mais jamais en première intention, le CBD peut alors représenter une première étape de modification du comportement chez les gros fumeurs de cannabis. « Remplacer le cannabis par le CBD permet de garder le même rituel du "joint" mais sans l’effet "défonce", poursuit le Dr Donnadieu Rigole. L’amélioration psychique de ces patients est réelle, du fait de la suppression du THC. Les éventuels troubles anxio-dépressifs, épisodes délirants, troubles de la mémoire ou de la concentration régressent… »

La substitution du cannabis par le CBD permet ainsi une première réduction de ces risques psychiques. « Mais le Graal ultime reste de supprimer la combustion, insiste le Dr Donnadieu Rigole. En pratique, cela suppose, dans un second temps, de réduire progressivement la quantité de CBD fumée jusqu’à l’arrêt, ou de remplacer le CBD fumé par du CBD en huile par exemple. »

Et le médecin de conclure : « Autant le CBD peut représenter une porte de sortie du cannabis chez certains gros fumeurs de joints, autant il faut l’éviter chez les non-fumeurs. Car le CBD peut aussi être une porte d’entrée vers le cannabis, comme le vapotage l’est pour la cigarette. »

* EMCDDA, Rapport européen sur les drogues 2019.

Chiffres clés de la consommation de cannabis

  • 45 % des Français de 18 à 64 ans ont expérimenté le cannabis.
  • 11 % sont des usagers actuels.
  • 39 % des jeunes de 17 ans ont expérimenté le cannabis et 7 % sont des fumeurs réguliers.
  • 3 % des 18-64 ans et 7 % des 17 ans ont un usage problématique ou une dépendance au cannabis.
  • 1re substance illicite à l’origine des recours aux urgences.

Sources : OFDT, Drogues, chiffres clés (Juin 2019) et OSCOUR (Santé publique France).

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