Comment la chaleur peut-elle soulager la douleur ?

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Par Sandrine Letellier

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Règles douloureuses, mal de dos, troubles digestifs… L'application locale de chaleur, très souvent utilisée en automédication, peut s'avérer une aide précieuse. Elle n'est cependant pas dénuée d'effets indésirables et comporte des contre-indications.

La plupart des maladies font souffrir, mais la douleur disparaît le plus souvent avec un traitement adapté. Parfois, elle s'installe durablement. Au-delà de trois mois, on parle de douleur chronique. Dans un communiqué du 14 février 2023, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rappelé que plus de 12 millions de Français souffrent de douleurs chroniques, soit un français sur cinq. « La douleur chronique est un phénomène complexe. Elle a souvent un retentissement très éprouvant sur la qualité de vie des patients, explique le Pr Julien Nizard, médecin spécialisé dans la prise en charge de la douleur (algologue), rhumatologue et gériatre, responsable du centre fédératif douleur, soins palliatifs et de support au CHU de Nantes. Aussi ne faut-il rien exclure dans l'arsenal thérapeutique déployé contre la douleur. L'usage de la chaleur, non pas pour soigner la cause, mais au moins pour atténuer les symptômes, peut apporter, à des degrés divers un mieux-être. Mais il ne faut pas en attendre de miracle. »

L'effet décontracturant de la chaleur

« La chaleur exerce un effet décontracturant sur les muscles et les tissus, précise le Pr Nizard. Cet effet est lié à son action de vasodilatation qui augmente l'afflux sanguin et améliore la circulation du sang. En quelque sorte, elle va diminuer, voire inhiber, la transmission du message douloureux au niveau du système nerveux. » Autrement dit, la chaleur ferme la porte au signal douloureux. Son usage est particulièrement apprécié au niveau musculaire, notamment pour soulager les troubles musculo-squelettiques (TMS), très répandus dans le monde du travail. Mais elle peut avoir d'autres utilisations très variées.

La bouillotte, une utilisation simple avec des précautions d'usage

« La chaleur génère tout un climat propice au bien-être, à la détente et à tous les relâchements possibles, tant physiques que psychologiques, et a fortiori plus encore avec la bouillotte toujours associée au cocooning », constate le Dr Adrien Dereix, médecin généraliste à Paris.
La bouillotte, qui nous rappelle nos grands-mères, est d'ailleurs redevenue tendance. Elle est le mode d'application locale de la chaleur le plus simple et le moins coûteux, utilisé à la maison comme à l'hôpital. « Son effet contre les spasmes est particulièrement utile en cas de douleurs liées à la digestion (ballonnements, brûlures d'estomac…) ou aux règles, indique le Dr Dereix. Une étude scientifique* mentionne même qu'elle fait aussi bien qu'un anti-inflammatoire non stéroïdien (ibuprofène…) pour atténuer les douleurs des règles. »
Des douleurs abdominales peuvent également cacher une appendicite, une péritonite, une perforation d'ulcère d'estomac... Aussi faut-il consulter rapidement lorsque les applications répétées ne soulagent pas la douleur ou provoquent une réaction allergique, un inconfort ou une impression de brûlure.

Les enveloppements chauds pour soulager le dos

Plébiscités par les patients, les enveloppements chauds (ceintures, patchs et coussins chauffants), disponibles sans ordonnance en pharmacies et parfois même en grandes surfaces, restent traditionnellement utilisés contre les contractures musculaires, les crampes, les courbatures, les torticolis et autres maux de dos. « Les patients évoquent souvent l'intérêt de ces enveloppements pour « déverrouiller » au réveil leurs articulations malmenées par l'arthrose et mieux démarrer leur journée », pointe le Dr Dereix. Selon la revue médicale Cochrane (2011), l'effet de la chaleur sur les douleurs liées aux lombalgies est bien démontré, mais reste plutôt faible. « Pour autant, même si l'usage de la chaleur n'a qu'un effet limité, il serait regrettable de dissuader les patients d'y recourir, insiste le Pr Nizard. Car il peut permettre de réduire la prise d'antalgiques et favoriser aussi un certain confort psychologique essentiel au processus de guérison, dans des moments de fragilité et de maladie. »

Prudence avec la chaleur sèche du sauna ou la chaleur humide du hammam

La chaleur sèche du sauna ou la chaleur humide du hammam sont deux autres déclinaisons des bienfaits de la chaleur. Leur principale différence réside dans l'humidité de l'air. Originaire de Finlande, le sauna correspond à un bain de vapeur qui délivre une chaleur très sèche. « Il renforce les défenses naturelles, apporte détente et bien-être, dynamise le système circulatoire et exerce une action tonifiante sur la peau », souligne le Dr Dereix. De tradition orientale, le hammam se caractérise par une chaleur très humide. Il participe à un bon entretien de la peau ou encore à la décongestion des sinus. « En raison de leurs températures très élevées, le sauna et le hammam sont des pratiques contre-indiquées, en l'absence d'avis médical, aux personnes souffrant de pathologies lourdes bien identifiées (cancer, maladies cardiaques, hypertension, insuffisance veineuse, diabète, altérations de la peau comme le psoriasis, l'eczéma ou encore une plaie ouverte », prévient le Pr Nizard.

Des effets indésirables de la chaleur

L'usage de la chaleur n'étant pas dénué d'effets indésirables, il convient de s'assurer notamment de la qualité du matériel utilisé. Ainsi, une bouillotte trop vieille peut être source d'accidents. On conseillera aussi de ne pas s'exposer à des températures de plus de 40 °C plus de 30 minutes, quelle que soit la source de chaleur. Au-delà, les spécialistes mettent en garde contre le risque de développer la « dermite des chaufferettes », une réaction de pigmentation au niveau de la peau le long des veines. Il s'agit d'une affection bénigne, mais de plus en plus fréquente. Elle peut être provoquée aussi bien par l'usage d'une bouillotte, d'un patch chauffant ou par l'utilisation quotidienne d'un ordinateur portable posé sur les cuisses pendant plusieurs heures. En cas d'apparition de ce type de rougeurs, la première chose à faire est de retirer la source de chaleur. Les lésions nécessitent parfois le recours à certains médicaments spécifiques prescrits par un dermatologue.

Le froid, une autre arme contre la douleur ?

L'utilisation des propriétés du froid comme traitement médical est aussi connue sous le nom de cryothérapie. Son action vasoconstrictrice (il rétracte le diamètre des vaisseaux sanguins et bloque les saignements) est surtout indiquée en cas de douleurs aiguës post-traumatiques (contusions, élongations, déchirures musculaires…) ou postopératoires.
Bénéfique localement, il était logique de penser que le froid, appliqué à l'ensemble du corps, pourrait aussi soulager des douleurs plus généralisées.
« La cryothérapie de corps entier est née de cette réflexion, explique le Pr Nizard. On pense qu'une exposition à un froid intense permet d'atténuer les symptômes douloureux et on espère aussi diminuer les crises dans certaines maladies chroniques comme les rhumatismes inflammatoires, la spondylarthrite ankylosante ou encore la fibromyalgie. La piste est intéressante, mais il n'y a pas suffisamment de données scientifiques, d'études probantes. » Pour autant, la cryothérapie est proposée à des athlètes et sportifs de haut niveau soumis à de rudes tensions. Surfant sur cette vague d'engouement, la cryothérapie s'est ouverte à un plus large public. Elle s'est tellement banalisée qu'elle est devenue, en l'absence de législation, un business qui ne se préoccupe guère de ses dangers potentiels. « La cryothérapie est pourtant contre-indiquée notamment aux personnes souffrant d'hypertension artérielle, de problèmes cardiaques, d'insuffisance respiratoire ou de troubles de la circulation, alerte le Dr Dereix. Il est donc impératif que chaque patient qui souhaite bénéficier de ce traitement par le froid extrême effectue au préalable un examen médical. »

*Obstetrics & Gynecology, 2001.

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