Charlotte Tourmente : « Prendre soin de moi est une façon de combattre ma sclérose en plaques »

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Par Propos recueillis par Cécile Fratellini

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© Philippe Corsant-Colas

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Alors étudiante en médecine, le diagnostic tombe pour Charlotte Tourmente. Elle est atteinte d’une sclérose en plaques. Elle a 20 ans. 23 ans après, devenue journaliste, elle raconte son parcours dans un livre Sclérose en plaques et talons aiguilles.

Quand vous avez été diagnostiquée, vous avez voulu tout connaître de la maladie pour mieux la combattre. Cela vous a-t-il aidé ?

Charlotte Tourmente : Énormément, cela m’a permis de mieux connaître la maladie et de savoir à quoi m’attendre. J’étais étudiante en médecine donc on peut se dire qu’il était logique de se renseigner. Même si ça peut sembler morbide de lire tout ce qui peut arriver car les symptômes sont angoissants, cela permet d’apprivoiser l’ennemi à défaut de le vaincre.

Je me suis rendu compte que, 15 ans après, quand mon hémiplégie est arrivée, j’étais prête à la vivre, je savais que ça pouvait arriver. Je n’ai pas eu l’effet de surprise. L’angoisse est démultipliée quand surviennent des symptômes dont on n’a aucune connaissance. D’où l’intérêt de l’éducation thérapeutique qui permet de connaître la maladie et ainsi de donner des outils au patient pour qu’il la gère et la vive mieux. Le patient devient un partenaire, principal acteur de sa prise en charge.

Un livre témoignage

Dans son livre Sclérose en plaques et talons aiguilles*, Charlotte Tourmente raconte la vingtaine d’années qu’elle vient de passer avec la sclérose en plaques. Comment elle a dû abandonner son métier de médecin, trop fatigant et douloureux, pour devenir journaliste médicale. Elle parle de son quotidien, de ses doutes, de ses joies. À la fin du livre, on y trouve de nombreuses informations pratiques sur la maladie, les associations, les réseaux de soins…

* Sclérose en plaques et talons aiguilles, 2019, First Éditions.

Communiquer pour expliquer les symptômes invisibles

Les symptômes sont souvent invisibles, c’est le cas de la fatigue et des douleurs, vous aviez parfois du mal à le faire comprendre à votre entourage. Communiquer est primordial ?

C.T. : J’ai eu des symptômes visibles comme l’hémiplégie mais je n’ai gardé que des séquelles invisibles comme les douleurs dans les bras, le visage et dans les jambes qui limitent la station debout. Et puis la fatigue ou plus exactement un épuisement chronique sur lequel se greffent des pics de fatigue imprévisibles, intenses et non soulagés par une nuit de sommeil. Je souffre aussi de maladresses, de fourmillements, de sensibilité anormale dans la moitié du visage, de troubles du sommeil…

Communiquer est essentiel parce que les symptômes ne se voient pas. Au départ, je ne le faisais pas car je n’avais pas envie de me plaindre et d’inquiéter mes proches. Mais cela a été contre-productif. Si on ne parle pas, les proches ne peuvent ni comprendre, ni s’adapter. Même si ce n’est pas simple de trouver les mots pour décrire ce que l’on ressent, il est vraiment sain de communiquer.

Quand vous avez été diagnostiquée, peu de médicaments existaient. Aujourd'hui plus d’une dizaine de molécules sont sur le marché, c’est encourageant ?

C.T. : C’est très encourageant, la recherche a fait beaucoup de progrès dans ma forme par poussées (qui touche 85 % des patients) mais hélas pas dans la forme progressive (15 %). J’ai un traitement de fond qui régule l’activité de la maladie, une perfusion par mois à l’hôpital depuis neuf ans. Fin 2010, j’ai enchaîné trois poussées car je n’avais plus de traitement de fond. Je prends également tous les jours six comprimés pour agir sur les symptômes, essentiellement sur la douleur.

Malgré cela, je souffre encore. Mais ce serait invivable sans ses traitements. Je n’ai pas fait de poussée depuis neuf ans, je suis réceptive aux traitements. J’ai retrouvé un équilibre. J’ai de la chance et je la mesure.

Parrainer des patients pour les accompagner

Vous rappelez que vous êtes une femme avant d’être une patiente et que la féminité est votre arme pour combattre la maladie. À chacun de trouver la sienne ?

C.T. : A chacun de trouver sa façon de dépasser la maladie. Beaucoup de patients le font grâce au sport en se lançant des défis. Moi je ne suis ni sportive, ni artiste. Mais je me suis rendu compte que prendre soin de mon corps, de mon apparence - ce qui peut sembler très frivole - est une façon pour moi de combattre, jour après jour, la maladie. J’ai envie de dire et d’afficher que je suis une femme avant d’être une patiente. La féminité est un vrai plaisir pour moi, pas une tyrannie…

Pour surmonter cette maladie, il faut également prendre soin de son esprit et trouver une activité qui apaise. Écouter de la musique classique, méditer, voyager, marcher au bord de l’eau, prendre un bain, ça me fait du bien. Je me suis constitué « ma boîte à outils » que j’ouvre quand je ne suis pas très en forme. Il faut identifier ces petites façons de se faire du bien pour se remonter le moral. Sans oublier les amis et la famille qui sont primordiaux. Car surmonter une maladie chronique seule, c’est dur.

Vous avez mis du temps à vous investir dans des associations d’aide aux malades de la sclérose en plaques. Aujourd'hui vous écrivez des billets d’humeur sur le site de SeP ensemble. C’était le temps d’accepter la maladie ?

C.T. : C’était surtout le temps de retrouver un équilibre physique et psychologique. Durant mes études, j’ai jonglé entre les révisions, les examens, les poussées, les hospitalisations, les stages, les cours. Ensuite, j’ai commencé mon travail de journaliste médicale puis j’ai refait des poussées dont certaines sévères. Le temps de me remettre physiquement, je me suis engagée quand j'ai été prête dans ma tête. J’avais vécu suffisamment de poussées, de symptômes, d’épreuves pour me sentir légitime pour témoigner auprès des patients.

Je m’investis dans un groupe de travail à l’assemblée nationale pour la Ligue française contre la sclérose en plaques. Pour l’association, SEP’Avenir, je parraine des patients qui viennent d’être diagnostiqués, pour les accompagner, répondre à leurs questions, leurs doutes. On communique par mail ou par téléphone. On parle de tout, de la maladie, des traitements, sans jamais remplacer le médecin bien évidemment. Toutes ces activités me font un bien fou !

Par Propos recueillis par Cécile Fratellini

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