Coronavirus : ce qu’il faut savoir sur la chloroquine

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Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

Illustration
La formule chimique de la chloroquine, utilisée pour traiter le coronavirus (Covid-19). © Getty Images

L’infectiologue Didier Raoult affirme que l’hydroxychloroquine, dérivé de la chloroquine, peut guérir du Covid-19. Il divise la communauté scientifique et médicale ainsi que le grand public. Le point sur la molécule au cœur d’un essai clinique mené actuellement à l’échelle européenne.

Le mot chloroquine est sur toutes les lèvres. Ses résultats et ses effets font l’objet de polémiques et d’attentions aux quatre coins de la planète. Et pour cause. Le professeur Didier Raoult, infectiologue et microbiologiste de renommée internationale, affirme que son dérivé, l’hydroxychloroquine, viendrait à bout du Covid-19.

Les recherches conduites par l’éminent directeur de l’institut hospitalo-universitaire (IUH) Méditerranée infection de Marseille laissent perplexes et divisent ses confrères, les politiques et le grand public. Certains en appellent à utiliser sans tarder le médicament afin d’enrayer la pandémie de coronavirus. D’autres invitent à la plus grande des prudences tant qu’une étude clinique d’envergure ne se montre pas concluante. C’est la position adoptée notamment par le gouvernement français, le Haut conseil de la santé publique et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Un médicament à manier avec précaution

Il y a peu, la chloroquine était encore inconnue du citoyen lambda. Depuis des décennies, ce substitut synthétique de la quinquine, molécule extraite du quinquina (arbuste d’Amérique du Sud), est administré pour prévenir et soigner le paludisme. Son dérivé, l’hydroxychloroquine, est prescrit dans le traitement de maladies auto-immunes, telles que le lupus, et de pathologies chroniques comme la polyarthrite rhumatoïde. En France, l’hydroxychloroquine est commercialisée sous le nom de Plaquénil.

La chloroquine est à manier avec précaution car sa marge thérapeutique est étroite. La différence est mince entre son bon dosage et celui qui va provoquer des effets indésirables. Elle peut entraîner des problèmes cardiovasculaires, des nausées et des vomissements, des troubles à la fois hépatiques et neuropsychiques…

L’hydroxychloroquine a été testée sur bon nombre de virus dont Ebola, les coronavirus SRAS de 2003 et MERS de 2009. Les effets obtenus en laboratoire se sont avérés « prometteurs ». Les premiers résultats obtenus lors d’essais cliniques semblent encourageants mais sont encore limités. C’est pour cela que beaucoup sont réservés quant à son utilisation sur le Covid-19.

« Aucune publication scientifique en France ou dans le monde ne justifie aux yeux de la communauté scientifique dans son ensemble de prescrire ce médicament », a soutenu le ministre de la Santé, Olivier Véran, dans une émission télévisée le mercredi 25 mars 2020. « Ce n’est pas parce que l’on dit qu’un traitement est bon qu’il l’est. Un traitement est bon dès lors qu’on réussit à le démontrer ».

Ruée dans les pharmacies et crainte des malades

Le professeur Raoult martèle que l’hydroxychloroquine peut vaincre la pandémie. L’infectiologue marseillais se base sur une publication de chercheurs chinois, qui fait état d’essais cliniques concluants sur une centaine de malades du Covid-19, sans pour autant apporter plus de détails sur la méthodologie suivie et les résultats obtenus. Les équipes du patron du l’IUH ont entrepris de tester l’hydroxychloroquine sur des patients volontaires. Des résultats obtenus chez une vingtaine d’entre eux ont été rendus publics. Selon les cas, le virus serait en net recul ou maîtrisé.

La surmédiatisation de ces recherches a entraîné une véritable ruée dans les pharmacies. L’hydroxychloroquine est délivrée sur ordonnance. Or certains praticiens n’ont pas hésité à en prescrire à leurs patients. Ce qui fait craindre une pénurie aux malades qui en ont vraiment besoin. La production du médicament est peu coûteuse et facile. Cela sous-entend une disponibilité rapide et massive sur le marché. Cependant, les pharmaciens ne peuvent pas commander d’importants stocks. Ils sont limités par les grossistes répartiteurs pour justement anticiper le possible manque.

Un décret pour encadrer et un essai clinique européen

Le 26 mars, le ministre de la Santé a pris un décret pour encadrer strictement l’utilisation de l’hydroxychloroquine. Elle peut être prescrite, dispensée et administrée « sous la responsabilité d’un médecin aux patients atteints par le Covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement, si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile ».

Et de préciser que le Plaquénil et les préparations à base d'hydroxychloroquine « ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin ».

Depuis le 22 mars, un essai clinique européen, baptisé Discovery, est lancé afin d’évaluer quatre traitements expérimentaux sur 3 200 patients atteints du Covid-19. L’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni y participent. En France, cet essai d’envergure est coordonné par l’Inserm (l’Institut national de la santé et de la recherche médicale) et concerne 800 patients.

L’hydroxychloroquine fait partie des quatre traitements thérapeutiques à l’étude dans cet essai. Les autres molécules expérimentées sont le remdesivir (un antiviral conçu notamment pour contrer Ebola), le lopinavir combiné au ritonavir (utilisés pour traiter le VIH), les lopinavir/ritonavir associés à l’interféron bêta. Les premiers résultats seront connus d’ici une quinzaine de jours.

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