De la toux aiguë à la toux chronique : ce qu’il faut savoir

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Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 8 minute(s)

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La toux est un mécanisme naturel de protection des voies respiratoires. Aiguë, elle disparaît en quelques semaines. Chronique, elle peut être due notamment à de l’asthme ou à une rhino-sinusite chronique. Mais parfois, il s’agit d’une maladie à part entière aux causes inexpliquées.

La toux est un acte réflexe naturel, un mécanisme normal et bénéfique. « Elle permet de protéger les voies aériennes supérieures*, d’extérioriser l’intru qui les obstrue, qui peut être un liquide ou un autre composé », indique le professeur Laurent Guilleminault, pneumo-allergologue au CHU de Toulouse. Ce réflexe se met en place quand les récepteurs de la toux sont activés au niveau du larynx, de la gorge ou des bronches. Le cerveau est alors stimulé et impulse, en retour, ce phénomène protecteur.
Quand on est pris par la toux, il est important d’éviter de traumatiser le larynx. « On a tendance à forcer pour extérioriser des sécrétions qui la plupart du temps n’existent pas », souligne le spécialiste. On se racle alors la gorge et on entretient cette toux. Le médecin conseille d’éviter de se crisper ou de trop parler quand on tousse. « Il faut se détendre car plus on est tendu, plus le larynx est sous tension ».
La toux peut être déclenchée par des virus. Il s’agit alors d’une toux aiguë. Elle peut être associée à une grippe, à un rhume ou encore à une rhinopharyngite. « Dans ce cas, on tousse entre une et trois semaines. Ça finit par se résoudre spontanément et souvent sans traitement particulier », explique le professeur Guilleminault.

Témoignage : l’enfer de la toux chronique au quotidien

Edith Arnu est la présidente de l’Association des tousseurs chroniques – ATC, créée en décembre 2021. Cette ancienne employée de l’aviation civile tousse depuis plus de quinze ans. De passagère les premiers temps, sa toux est devenue progressivement régulière. Jusqu’à ne plus la quitter et affecter son quotidien. « L’intensité de la toux peut varier. Ça débute toujours par un chatouillis au creux de la gorge, entre les deux têtes de la clavicule ».
La violence de la toux chronique peut conduire à pleurer, à vomir. « Certains s’évanouissent, ont très mal aux côtes, à la tête, souffrent d’incontinence, de troubles du sommeil… », témoigne Edith Arnu qui a, comme la majorité des autres tousseurs chroniques, cessé toutes sorties. Il ne lui est plus possible d’aller au restaurant ou d’assister à un spectacle sans « redouter la quinte qui va tout anéantir et gêner l’entourage ».
Plusieurs situations favorisent le déclenchement de la toux : les lieux confinés, les conversations, le changement de positions, le rire, les odeurs de produits d’entretien, l’exposition au tabac, aux pollens… Aucun traitement n’arrive à bout du mal qui ronge Edith. « Ma toux reste inexpliquée. Certains ont pu modérer leur toux chronique avec des médicaments. Pas moi ». La présidente de l’ATC a toujours à sa portée des bonbons à la menthe extra-fraîche. Conseil d’un pneumologue qui s’avère utile dans les situations où elle doit parler en public pour les besoins de son association.

Une toux est chronique quand elle persiste plus de huit semaines

Si la toux persiste plus de huit semaines, on considère qu’elle est chronique. « Les réflexes de toux des patients concernés augmentent probablement parce que les récepteurs de la toux sont trop sensibles ». Le cerveau ne discerne plus correctement s’il s’agit ou non d’une agression des voies respiratoires. Son contrôle est défaillant. « Ces toux-là nécessitent une exploration** et des traitements spécifiques », poursuit le pneumo-allergologue.
Selon une étude de 2021, la toux chronique touche 4,8 % de la population adulte dont deux tiers de femmes. Ses causes sont diverses. « Les plus fréquentes sont l’asthme, la rhino-sinusite*** chronique, le reflux gastro-œsophagien (N.D.L.R. : C’est la remontée du contenu de l’estomac dans l’œsophage à cause du dysfonctionnement d’un orifice (le cardia) qui ferme le sommet de l’estomac et empêche tout reflux. Cela peut survenir en cas de repas copieux, à cause de l’alcool ou du tabac…) ». Un traitement propre à chaque maladie est alors administré au patient si des symptômes orientent vers une de ces pathologies. « Lorsque la maladie originelle est prise en charge, la toux disparaîtra en principe avec elle ».
La toux chronique peut être aussi post-virale et se manifester, par exemple, après une bronchite, une rhinopharyngite ou encore un Covid. « Le virus provoque une toux classique. Mais à force de tousser, le larynx du patient va dysfonctionner et entretenir cette toux alors même que le virus a disparu », commente le spécialiste. Une rééducation chez un orthophoniste ou des séances de kinésithérapie, ciblée sur cette partie de l’appareil respiratoire, offrent de bons résultats.

La toux chronique est généralement sèche

La majorité des personnes affectées par la toux chronique ont une toux dite sèche. Elle est irritante mais n’engendre pas de sécrétions (crachats, glaires…). Les poumons ne sont pas encombrés par le mucus, liquide gélatineux et visqueux produit par les muqueuses de l’organisme, qui sert de filtre contre les poussières, les bactéries ou encore les allergènes.
« Lorsque le patient tousse gras, il va extérioriser au moins 100 millilitres de crachats dans la journée. Dans ce cas, il souffre d’une pathologie qui touche les bronches. Ce peut être par exemple une dilatation des bronches qui engendre une production importante de mucus », observe le professeur Laurent Guilleminault, qui précise : « Parfois, les patients disent tousser gras mais ils crachent peu. Ils ont juste quelques sécrétions dans l’arrière-gorge. C’est plus de l’ordre de la sensation que de la production réelle de mucus ».
La toux chronique va entraîner des répercussions sur la vie sociale des patients. « Déjà parce que cette toux est bruyante et que l’on sollicite ses voies respiratoires en toute occasion, notamment quand on parle ». Les conséquences sont également physiques : « La plus fréquente est l’incontinence urinaire du fait de l’augmentation de pression sur la vessie. D’autres complications peuvent survenir comme des troubles du sommeil pour ceux qui toussent la nuit, des maux de tête, des fractures de côtes et parfois des hernies au niveau de l’abdomen ».

La toux chez l’enfant

Les causes les plus fréquentes de toux chez l’enfant sont consécutives à une infection virale (rhume, grippe…). Elle se résorbe en principe au bout de quelques jours. Pour soulager la toux d’un enfant, il faut lui donner régulièrement à boire, en évitant les liquides acides tels que le jus de pamplemousse et lui nettoyer le nez à l’eau saline. Il est recommandé de surélever sa tête quand il est couché en doublant, par exemple, les oreillers. Il faut éviter les irritants (parfums, aérosols, tabac…) et aérer son logement. L’automédication à base de sirops, d’antitussifs et autres suppositoires est déconseillée sans l’avis préalable d’un médecin. Si l’enfant a une toux avec fièvre qui persiste plus de trois jours, s’il présente des difficultés pour respirer ou s’alimenter, il faut consulter sans tarder un médecin ou appeler les services d’urgences.

Des toux chroniques sans explications ni traitement spécifique

Il arrive que certaines toux chroniques n’aient pas de cause identifiable ou que les traitements mis en route, une fois la cause décelée, n’aient pas l’effet escompté. « On parle alors de toux chronique réfractaire ou inexpliquée (TOCRI), pathologie sérieuse à prendre en considération même si c’est complexe », reprend le pneumo-allergologue.
Le nombre de personnes touchées par la TOCRI est difficile à évaluer du fait des études encore trop récentes sur le sujet. La majorité des patients ont une longue errance médicale avant le diagnostic. « Nous sommes dans une sorte d’impasse. Beaucoup de médecins ne parviennent pas à trouver de solution », confie le professeur Guilleminault. Il n’existe aucun traitement pour venir à bout de la TOCRI. De récentes recommandations préconisent toutefois d’utiliser des molécules appelées les neuromodulateurs****, traitements spécifiques qui modifient l’action des neurones. Ils agissent sur le réflexe de la toux de manière à le diminuer et à modérer la gêne.
« On peut ainsi avoir recours à un antidépresseur - l’amitriptyline - qui, administré à faibles doses, a des effets sur la toux chronique réfractaire ». Certains traitements antidouleurs ont aussi montré de bons résultats. « Par ailleurs, il est démontré que la morphine s’avère être un antitussif intéressant », ajoute le médecin. Ces médicaments offrent de réels bénéfices pour les patients. Le spécialiste rassure : « Leur administration est encadrée. Ils ont permis à des patients très affectés de reprendre une vie sociale quasiment normale ».

Que cache une toux soudaine ?

Une toux brutale ou soudaine, associée à des suffocations, peut résulter de l’inhalation d’un corps étranger chez l’enfant. La substance avalée fait alors fausse route. Au lieu de se diriger vers l’œsophage et l’estomac, elle part vers l’arrière-gorge, le larynx, la trachée. La toux brutale, avec douleur thoracique et crachats pouvant contenir du sang, est aussi présente en cas d’embolie pulmonaire. De même, on la retrouve en cas de crises d’asthme ou d’allergie.

*Il s’agit des conduits et des cavités amenant l'air aux poumons. Ce sont la bouche, le nez, la gorge, le larynx et la trachée. On parle plus communément des voies respiratoires.
**Les causes et le retentissement de la toux vont être évalués. Des examens seront menés : tests allergologiques, examens sanguins, radiographie thoracique, scanner ORL, endoscopie digestive…
***La rhinosinusite est une infection majoritairement virale d’un ou de plusieurs sinus – situés dans la mâchoire supérieure de chaque côté du nez - souvent dans le contexte d’un rhume.
****On a recours aux neuromédiateurs dans plusieurs spécialités comme la neurologie, la médecine esthétique ou encore l’ophtalmologie.

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