Drépanocytose : vers de nouveaux traitements curatifs

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Par Peggy Cardin-Changizi

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La drépanocytose est une maladie génétique qui touche l’hémoglobine. Elle provoque des crises osseuses douloureuses et intenses dès la petite enfance. Avec l’âge, elle peut évoluer vers des complications cérébrales, rénales, cardiaques ou pulmonaires. Comment dépister cette maladie encore méconnue et quels sont les traitements ?

La drépanocytose est une maladie génétique héréditaire qui se caractérise par une anomalie de l’hémoglobine, principale composante du globule rouge. « Cette mutation génétique va engendrer une déformation des globules rouges (en forme allongée de faucille) qui vont favoriser une anémie, des crises douloureuses causées par une mauvaise circulation du sang et un risque accru d’infections », explique le professeur Pablo Bartolucci, responsable de l’unité des maladies génétiques du globule rouge de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP de Créteil.

La drépanocytose touche 30 000 personnes en France

C’est la plus fréquente des maladies rares et la première maladie génétique dans le monde. La drépanocytose concerne environ 300 000 naissances par an.

« En France, la fréquence à la naissance est en moyenne d’une sur 2 000 (soit près de 400 nouveau-nés diagnostiqués chaque année). On recense environ 30 000 patients drépanocytaires répartis de façon très inégale puisqu’ils habitent essentiellement l’Île-de-France (50 %) et les Antilles (40 %). »

L’anémie : l’un des premiers symptômes

On peut définir la drépanocytose comme une maladie génétique héréditaire à transmission dite autosomique récessive. « C’est-à-dire que chacun des 2 parents doit transmettre la mutation de la drépanocytose (Hémoglobine S) ou encore un parent doit transmettre cette mutation et l’autre celui d’une mutation responsable d’autres maladies de l’hémoglobine (comme la bêta-thalassémie) », poursuit le spécialiste.

Les symptômes de la maladie peuvent varier d’un patient à l’autre et évoluer selon l’âge. « Les premiers signes arrivent après les six premiers mois de vie, une fois que le bébé n’est plus protégé par son hémoglobine fœtale. » Le premier d’entre eux est souvent l’anémie. « Il ne s’agit pas d’une anémie par insuffisance de production des globules rouges, mais par destruction des globules rouges. Cette destruction va libérer dans la circulation sanguine des produits corrosifs (notamment chargés en fer) pour nos vaisseaux. »

De violentes crises de douleurs

Ces globules rouges qui se déforment en faucille vont obstruer la circulation sanguine et provoquer des crises dites « vaso-occlusives » avec de violentes douleurs qui peuvent durer plusieurs jours et se répéter plus ou moins fréquemment. « Ces douleurs affectent d’abord les pieds et les mains, puis tous les os et souvent la rate ». Il y a également un fort risque au niveau des vaisseaux à destination du cerveau, « faisant de la drépanocytose la première cause d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les enfants et les jeunes adultes ».

À l’âge adulte, les atteintes rénales, cardiaques, les ulcères de jambe ou encore l’hypertension artérielle pulmonaire sont plus fréquentes.

Un diagnostic précoce de la drépanocytose

Les avancées dans la prise en charge de la maladie ont permis d’augmenter l’espérance de vie moyenne des malades. « Aujourd’hui, elle est autour de 45 ans alors qu’elle n’était que de 35 il y a une dizaine d’années, précise le professeur. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir des patients de plus de 60 ans ».

L’une des clés réside dans un dépistage précoce. « En France, depuis 1999, un dépistage néonatal est réalisé sur les enfants « à risque », c’est-à-dire appartenant aux populations les plus concernées par la maladie (originaires des Antilles, de la Guyane, de l’Afrique Noire, de l’Afrique du Nord, de l’Inde…). Une recherche de la mutation de l’hémoglobine sera alors effectuée via un prélèvement sanguin réalisé le 3e jour de vie du nourrisson ».

Il existe également un dépistage prénatal. « Chez un couple à risque, on explique la maladie et les possibilités de dépistage prénatal qui se réalise par une biopsie du placenta vers la 10e semaine de grossesse. En cas d’embryon atteint de la maladie, selon le souhait des parents, la France autorise une interruption thérapeutique de grossesse ».

La prise en charge des crises

Le traitement de la drépanocytose vise surtout à soulager les douleurs en période de crise. Il comprend notamment de la morphine, une hydratation et souvent une oxygénothérapie (apport l'oxygène de manière artificielle). Plusieurs médicaments sont utilisés pour diminuer la fréquence des crises. « Parmi eux, l’hydroxyurée qui va avoir différents effets, notamment d’augmenter l’hémoglobine fœtale, précise le professeur. C’est le traitement médicamenteux préventif le plus efficace mais certains patients peuvent malgré tout être symptomatiques ».

Grâce à la recherche, d’autres traitements sont aujourd’hui disponibles :

  • Le crizanlizumab est un anticorps monoclonal thérapeutique qui réduit le phénomène d’adhérence des globules blancs et prévient les crises vaso-occlusives.
  • La L‑glutamine vise à réduire le stress oxydant et prévenir les crises vaso-occlusives/
  • Le Voxelotor : avec ce médicament, les cellules falciformes sont moins susceptibles de se lier ensemble et de prendre la forme d'une faucille. Il améliore également l’anémie et l’hémolyse.

« Malheureusement ces médicaments ne sont pas encore remboursés même si des accès précoces sont disponibles », regrette le médecin.

Soigner avec la greffe de moelle osseuse

Le seul traitement curatif qui existe actuellement contre la drépanocytose est l’allogreffe de moelle osseuse. « On va détruire les cellules souches de la moelle osseuse du malade et les remplacer, via une transfusion, par celles d’un donneur compatible, un frère ou une sœur par exemple ». Cette solution reste réservée aux cas les plus sévères compte tenu de la lourdeur de la procédure.

« Pour les patients les plus critiques qui ne trouvent pas de donneur, l’avenir passe par la thérapie génique. « Ce traitement vise à récupérer les cellules souches du patient à l’aide d’une prise de sang, puis de réaliser une modification génétique de façon à ce qu’elles produisent des globules rouges non drépanocytaires. Les cellules souches modifiées sont alors réinjectées au patient après ». Une centaine de patients dans le monde est aujourd’hui incluse dans des protocoles de ce type.

Course du globule : un événement virtuel et solidaire pour lutter contre la drépanocytose

C’est à l’occasion de la journée mondiale de la drépanocytose, le 19 juin 2022, que le Groupe Hospitalo-universitaire AP-HP Hôpitaux Universitaires Henri-Mondor a donné le coup d’envoi d’une course virtuelle de 112 871 km. Une course traversant 123 villes à travers le monde, touchées par la drépanocytose. Objectif : faire connaître la maladie et collecter des fonds pour la recherche et l’activité physique.

En effet, jusque-là déconseillée voire interdite aux patients drépanocytaires, une activité physique correctement préparée et bien encadrée a des vertus bénéfiques sur la maladie. Cette course, parrainée par de nombreux sportifs, s’achèvera le 26 juillet 2024.

Par Peggy Cardin-Changizi

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