L’importance de la joie chez les enfants malades

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Par Nathania Cahen

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Ils sont atteints de graves pathologies. Pourtant, la joie et la malice continuent d’illuminer les visages de ces enfants malmenés par la maladie.

Anne-Dauphine Julliand n’ignore pas grand-chose de ces moments de grâce. Réalisatrice du documentaire Et les mistrals gagnants* qui suit le quotidien de cinq petits malades bien accrochés à la vie, elle est aussi la maman de deux enfants emportées par la même maladie neurodégénérative. « J’ai toujours été frappée de constater que mes filles n’avaient pas changé leur manière de voir la vie, de s’amuser, de rire. Même si elles étaient tout à fait conscientes de leur état. Paralysée sur son lit, Thaïs trouvait encore l’énergie de jouer à cache-cache avec le drap ».

Ici, pas de mascarade ou de joie contrainte. Le jeu n’est pas conditionné par la maladie, mais par l’envie, l’impulsion du moment. « Les enfants gardent cette faculté, magnifique, de passer des larmes au rire. »

* DVD Et les mistrals gagnants. Nour 2017.

L’humour détonne à l’hôpital

Le professeur Daniel Annequin a longtemps exercé comme anesthésiste pédiatrique à l’hôpital Armand Trousseau à Paris. Précurseur dans la prise en charge de la douleur chez l’enfant, il a introduit un gaz hilarant pour soulager certains soins. « Je faisais parfois des petites blagues, qui pouvaient être de vrais flops. J’aime le rire, et surtout leur insolence lorsqu’ils caricaturent ou imitent les médecins, les infirmières. Ils sont justes, font preuve de talent pour retourner les situations. L’humour soulage et détonne dans cet univers… »

Rafika ne dira pas le contraire. Sa fille, Neïla, atteinte d’une grave leucémie à l’âge de 11 ans, a passé 7 mois à l’hôpital pour enfants de la Timone, à Marseille. « Durant toute cette période, elle se montrait très renfermée, agressive. Mais les bénévoles de l’association Sourire à la vie ne l’ont pas lâchée, discrets et pugnaces. Dès que son état l’a permis, ils lui ont proposé un voyage en Laponie ! Je l’ai retrouvée avec des étoiles dans les yeux. Elle m’a dit : maman, j’ai oublié la maladie. L’équipe a réussi là où j’échouais, parce que je n’avais pas la distance ou l’énergie nécessaires. »

Ouvrir une fenêtre de plaisir

Les services de pédiatrie sont des lieux pleins de ressources. Tout y vient et interagit : l’école, les jeux, les spectacles s’articulent autour des soins. Bénévoles en blouse rose, en habit de clown ou sans tenue particulière s’efforcent d’offrir un répit aux enfants, aux fratries, aux familles.

La comédienne Caroline Simonds a fondé il y a 26 ans l’association le Rire Médecin dont les 100 comédiens clowns (salariés) assurent quelque 80 000 interventions par an. Elle évoque la confiance du corps soignant, « car ce n’est pas évident de voir des clowns débarquer », mais aussi la préparation pour éviter tout impair avec l’enfant (comment il s’appelle, s’il parle français, s’il est mobile, voyant, s’il souffre, où sont ses parents…).

« Chaque intervention relève du sur-mesure. Nous mêlons la musique, la poésie, nous chantons pour des enfants dans le coma ou accompagnons la berceuse de la maman d’un tout petit. Souvent, on recueille un sourire, des étoiles dans les yeux, un peu d’émerveillement ».

À lire aussi : Le Rire Médecin redonne aux enfants l’envie de s’amuser

Découvrez notre reportage avec les clowns du Rire Médecin aux côtés des enfants hospitalisés au CHU de Nantes.

La nécessaire résilience des encadrants

Pour les comédiens, il faut une bonne dose d’empathie distanciée, de la résilience, de l’enthousiasme. Caroline Simonds insiste également sur sa grande exigence dans le recrutement. « Même si c’est intimidant au fond, on n’a pas le droit de ne pas jouer juste, de ne pas être professionnel au chevet d’un enfant malade ».

Dans son livre-témoignage Le courage des lucioles*, Muriel Derome, psychologue en pédiatrie à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, parle à cœur ouvert de son travail. Il y est question d’écoute, de générosité et de partage. De justesse aussi car, observe-t-elle, certains parents, en dépit de leur bonne volonté font fausse route en couvrant l’enfant malade de cadeaux. Elle regrette que nous autres, adultes, passions notre temps à nier. Nier la douleur, la maladie, la mort, l’émotion, quand il faudrait être dans l’écoute et l’empathie.

« Or, c’est la qualité de la relation qui rassérène. Je me souviens d’un petit garçon de 5 ans, très triste car personne ne répondait à ses questions sur sa maladie, sur la mort. Le jour où cette conversation a eu lieu, où on lui a dit la vérité, il est reparti soulagé, en chantant "pirouette cacahuète" ».

* Le courage des lucioles. Éditions Philippe Rey 2017.

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