« J’ai été anorexique et je m’en suis sortie »

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Par Pauline Hervé

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Barbara Leblanc a souffert durant dix ans d’anorexie. La maladie derrière elle, la jeune femme retrace, dans son livre, l’histoire de sa longue guérison dans un témoignage sincère et brut.

Barbara Leblanc

« Dix ans de chaos » : le sous-titre du livre-témoignage* de Barbara Leblanc résume la puissance destructrice de l’anorexie. « J’en ai souffert pendant dix ans. J’inclus dedans la maladie et le temps de guérison, puisque celle-ci a duré quatre à cinq ans, mais pour moi elle fait aussi partie de l’anorexie ». Aujourd’hui, à 34 ans, Barbara Leblanc est jeune maman et parle avec apaisement et recul de ses années de maladie.

Pour elle, tout commence après une simple mononucléose, qui la fatigue beaucoup et lui fait perdre du poids. Barbara devient obsédée par le fait de perdre toujours davantage de kilos. La jeune femme se met à compter et trier ses aliments, à en supprimer la plupart, à se peser plusieurs fois par jour, à boire jusqu’à 11 litres d’eau quotidiens dans un seul but : faire baisser le chiffre sur la balance, même lorsqu’elle atteint 35 puis 32 kilos. « Même au plus bas, quand j’étais à deux doigts de mourir, je me voyais bien trop grosse (…). Ce que je ne savais pas encore, c’est que ce poids n’était pas celui de mon corps, mais celui de mon psychique, empli de problèmes psychologiques. » Tout cela s’accompagne d’une hyperactivité permanente qui va jusqu’à l’empêcher de s’asseoir de toute la journée dans l’idée de brûler plus de calories qu’assise.

*Anorexie, dix ans de chaos, Barbara Leblanc, éd. Envolume. ( 2014)

Maladie psychique et sociale

Barbara souligne la complexité de l’anorexie, qui va bien au-delà du refus de la nourriture. « Ce serait trop facile si l’anorexie se résumait à “ne pas manger”. C’est une maladie qui concerne le côté psychique, avec un mal-être très présent et souvent une difficulté à trouver sa place dans la société et à savoir qui l’on est. Cela touche le physique car en restreignant la nourriture on a moins de vitalité donc on tient sur les nerfs. Mais c’est aussi une maladie sociale : au fur et à mesure, on se coupe du monde et on s’enferme dans son univers, on s’y trouve tellement bien. Je n’avais plus grand-chose à partager avec les gens car pour moi tout tournait autour de mes obsessions. »

Plusieurs prises de conscience, un retour vers la nourriture, mais à chaque fois les améliorations de Barbara se soldent par des rechutes dans l’anorexie et l’hyperactivité. La jeune femme finira par sortir de cette spirale infernale, mais non sans difficultés et au bout de plusieurs années à chercher la bonne voie. « Beaucoup de gens me contactent sur Facebook pour savoir comment s’en sortir. Je n’ai pas la clé. Ce qui est difficile à entendre c’est que cela doit venir de la malade elle-même. Pour ça, il faut se poser et casser les mécanismes qu’on a mis en place. Et on ne peut pas le faire seul, c’est le message le plus important que je souhaite transmettre. Il faut vraiment chercher un centre spécialisé ou bien se tourner vers des professionnels en qui on a confiance. Moi, j’ai eu besoin de trouver quelqu’un en dehors de mon cercle familial. »

Retrouver l’envie de vivre

Barbara Leblanc commencera à aller mieux grâce à son ostéopathe, qu’elle consulte au départ pour des problèmes de dos. « Il m’a permis de réconcilier mon corps et mon esprit. Et il était prêt à m’écouter et m’aider, en restant neutre ». Avec l’accompagnement d’une diététicienne et un véritable réapprentissage progressif de la nourriture (manger dans une assiette, rajouter un par un les aliments « interdits » à ses yeux), la jeune femme reprend des kilos et surtout l’envie de vivre.

Ce processus qui l’a menée vers la guérison est bien loin des deux mois que Barbara a passé hospitalisée, deux ans plus tôt. Un séjour catastrophique, durant lequel l’isolement de la patiente était la règle, où elle a vu très peu de psychologues et sur lequel elle porte aujourd’hui un regard amer.

« J’ai très mal vécu mon passage à l’hôpital. Et je considère encore aujourd’hui qu’il y a eu de réels manquements dans ma prise en charge, dans l’écoute, l’évaluation de mes difficultés, mes soucis, mes inquiétudes. Les médecins ont appliqué ce qu’ils savaient de l’anorexie. Ni plus ni moins ». Elle enchaîne avec lucidité : « En France, les médecins sont très peu formés, quasiment pas, aux troubles du comportement alimentaire durant leurs études. Un grand nombre pense qu’isoler la patiente de sa famille est la solution. Peut-être que ça marche pour certaines ? Cela n’a pas fonctionné pour moi ».

Guérison lente mais possible

Barbara conseille aux personnes touchées par l’anorexie et à leurs proches de se tourner vers les professionnels spécialisés dans les troubles du comportement alimentaire (TCA), et vers certains centres spécialisés (même si elle déplore qu’en France, il en existe encore bien trop peu pour les adultes). Et de reprendre espoir, car même si la guérison est lente pour cette maladie qui est mortelle dans 10 % des cas, il est possible de s’en sortir.

« La vie que j’ai aujourd’hui, c’est parce que j’ai réussi à sortir de cette maladie-là. Mais il a fallu accepter que cela se fasse doucement et avec beaucoup de temps. Ça n’est pas évident, mais cela permet aussi de se reconstruire. »

En savoir plus

Pour contacter un professionnel : Fédération française de l’anorexie et de la boulimie

Autrement, pour un autre regard sur son poids : association d’aide aux personnes souffrant de TCA et leurs proches

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