Ils ne sont plus exposés dans les rayons des pharmacies. Dès aujourd’hui, les médicaments contenant du paracétamol et certains anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme l’ibuprofène et l’aspirine, sont stockés derrière le comptoir des officines. Seuls les pharmaciens les délivrent directement aux patients.
Ces produits restent disponibles sans ordonnance. Toutefois, le fait de devoir les demander va permettre d’encadrer leur bon usage et de renforcer le rôle de conseil du pharmacien. Si ces remèdes sont efficaces lorsque leurs consignes d’utilisation sont respectées, ils peuvent s’avérer dangereux notamment en cas de surconsommation.
Frédéric Abécassis, président du syndicat des pharmaciens de l’Hérault, ne le sait que trop. Il a souvent vu arriver dans son officine des patients qui avaient dépassé les doses indiquées sur la notice. « Ce sont les conséquences de l’automédication et du manque de connaissance ». Alors, il ne peut que se réjouir de la mesure prise le 17 décembre 2019 par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui met fin à l’accès direct en pharmacie des antalgiques et anti-inflammatoires.
« La majorité des pharmaciens était contre cette exposition en rayon. Elle résultait d’une décision de 2008* destinée à réguler les prix des médicaments et à empêcher la grande distribution de s’en emparer ». Le médicament n’est pas un produit de consommation courante comme la crème solaire. « Il est fait pour soigner. Mal employé, il engendre des complications ».
Dans la pharmacie de Frédéric Abécassis, le paracétamol comme l’ibuprofène ont toujours été à proximité du comptoir afin que ses employés et lui-même puissent rester vigilants et pratiquer leur rôle de conseil. « C’est la base de notre métier. Nous ne sommes pas des distributeurs de boîtes. Alors oui, le fait d’arrêter le libre accès du paracétamol et autre aspirine entraînera sans doute un manque à gagner. Mais là, on parle de santé publique et ce n’est pas discutable. Cette mesure est pleine de bon sens ».
* Décret n° 2008-641 du 30 juin 2008 relatif aux médicaments disponibles en accès direct dans les officines de pharmacie, publié au Journal Officiel le 1er juillet 2008.
C’est aussi ce que pense le docteur Jean-Christophe Calmes, vice-président du syndicat national des médecins généralistes. « Dès qu’un médicament est en accès direct, ça le banalise. Cela sous-entend que l’on peut faire n’importe quoi ». Comme très vite atteindre la dose toxique. « Chaque année, on observe des décès consécutifs à des hépatites liées au paracétamol. Pareil pour l’ibuprofène. On le prescrit de moins en moins chez l’enfant surtout quand la fièvre peut cacher une maladie comme la varicelle. Les conséquences de sa prise peuvent être graves ».
Le généraliste insiste sur l’importance du processus de délivrance du médicament. « S’il y a des prescripteurs, c’est-à-dire des médecins, c’est qu’ils font leur métier de soigner avec la pharmacologie à leur disposition. On choisit un traitement en connaissance de cause : des indications et contre-indications ». Et de rappeler : « Un médicament a des effets secondaires et allergisants. Notre rôle à nous les médecins et aux pharmaciens est de faire l’éducation thérapeutique de nos concitoyens. Il faut nous laisser les moyens de le faire ».