Le fibrome de l'utérus, une tumeur bénigne trop peu diagnostiquée

Publié le

Par Pauline Hervé

Temps de lecture estimé 6 minute(s)

Illustration
© Getty images

Sommaire

Le fibrome utérin touche en moyenne une femme sur trois, selon l'Assurance Maladie. Si cette tumeur non cancéreuse passe inaperçue dans la plupart des cas, ses symptômes, peuvent être très handicapants voire mener à l'hystérectomie.

Qu'est-ce qu'un fibrome utérin ?

Un fibrome utérin est une tumeur dite bénigne (donc non cancéreuse) qui apparaît dans le muscle de l'utérus. On parle aussi de fibromyome ou de myome de l'utérus. Il peut se développer sur la paroi de l'utérus, grossir vers l'extérieur ou vers l'intérieur. Sa taille varie de moins d'un millimètre à toute la taille de l'utérus et il peut peser plusieurs centaines de grammes. Une femme peut avoir plusieurs fibromes à la fois ou successivement.

Quelle est la cause des fibromes utérins ?

Les raisons exactes de l'apparition d'un fibrome sont encore inconnues. Néanmoins, on sait qu'ils sont hormono-dépendants : leur développement est influencé par les hormones sexuelles, particulièrement les œstrogènes, les hormones féminines », explique le Pr. Jean-Luc Brun, gynécologue au CHU de Bordeaux et vice-président de la Société française de gynécopathologie.

Qui est touché par le fibrome ?

On estime qu'une femme sur trois en moyenne est touchée par un fibrome. « Il concerne surtout les femmes entre 30 et 50 ans », souligne le Pr Brun. Certaines femmes sont plus à risque de développer un fibrome utérin. Pour des raisons génétiques, chez les femmes d'origine afro-antillaise, une personne sur deux est touchée, et à un âge plus jeune que dans le reste de la population, parfois dès l'adolescence. « Chez les femmes d'origine européenne, le fibrome est plus fréquemment symptomatique après 40 ans », précise le gynécologue.

D'autres facteurs, comme le fait de ne pas bloquer le cycle par une pilule ou de ne pas avoir eu d'enfant, jouent également un rôle dans la possible apparition d'un fibrome. « Ces deux situations sont associées à une hyper-oestrogénie relative. Mais ces deux causes sont mineures en comparaison avec la génétique », ajoute-t-il.
Le fibrome utérin est la première cause d'hystérectomie (ablation de l'utérus) en France : « plus de 65 000 cas par an selon la Haute autorité de santé », rapporte Angèle Mbarga, présidente de l'association Fibrome Info France, qui se bat pour que le fibrome utérin « soit reconnu comme un sujet de santé publique ».

Quels sont les symptômes d'un fibrome ?

Un fibrome peut ne causer aucun symptôme et passer inaperçu. C'est d'ailleurs le cas « pour 80 % d'entre eux », précise le Pr. Brun. Beaucoup de fibromes ne sont découverts que lorsqu'une femme a des problèmes de fertilité, lors des examens exploratoires. Néanmoins quand les symptômes sont présents, ils peuvent nuire à la qualité de vie des femmes, voire être très handicapants.
Les plus fréquents sont :

  • Des règles très abondantes (ménorragies) et/ ou des saignements entre les règles (métrorragies). « Les hémorragies font partie des symptômes les plus handicapants, détaille Angèle Mbarga. Chez certaines femmes, celles-ci peuvent durer des semaines. Et quand on parle de règles abondantes, il peut s'agir de pertes qui nécessitent de changer de protections toutes les trente minutes, par exemple ».
  • Des douleurs intenses dans le bas-ventre
  • Une sensation de pesanteur dans le bas-ventre
  • Des problèmes urinaires et digestifs, en cas de compression de la vessie ou des intestins par un fibrome
  • De la constipation
  • Des douleurs durant les rapports sexuels.

Diagnostic par échographie

En présence d’un ou plusieurs de ces symptômes, il est recommandé de consulter un médecin. Outre les symptômes, le diagnostic du fibrome se fera avec des examens complémentaires comme une échographie. La présidente de Fibrome Info France regrette que les symptômes du fibrome soient encore trop souvent considérés comme anodins par les médecins. « En moyenne, chez les femmes que nous suivons, l'errance médicale avant le diagnostic est de deux ans », témoigne Angèle Mbarga, qui a elle-même vécu cette situation.
S'ils ne sont pas traités, ces symptômes peuvent engendrer des complications :

  • Une anémie sévère (carence en fer), des phlébites, des thromboses veineuses ou des embolies pulmonaires due aux hémorragies
  • Un risque de fausse couche ou d'accouchement prématuré lorsque le fibrome est situé à l’intérieur de la cavité utérine ou la déforme
  • Des problèmes de fertilité. « L’infertilité n'est pas causée par le fibrome lui-même mais par les déformations des trompes et de l'utérus que sa croissance provoque », précise le Pr Brun.
  • Des douleurs brutales et intenses dans la région pelvienne lors de la nécrose de certains fibromes.

Quels sont les traitements contre le fibrome ?

Il n'existe aucun traitement pour faire disparaître définitivement les fibromes. On a recours à des médicaments pour réduire les symptômes les plus gênants. Si la femme ne ressent aucun symptôme qui nuit à sa qualité de vie, on ne traite pas le fibrome.

  • Contre les saignements abondants : des progestatifs par voie orale ou par la pose d'un dispositif intra-utérin (surnommé "stérilet") hormonal et des médicaments qui agissent sur la coagulation sanguine.
  • Contre les douleurs pelviennes : des antalgiques. Si les symptômes du fibrome sont trop importants, on peut envisager des actes chirurgicaux.
  • La myomectomie vise à retirer le ou les fibromes, tout en conservant l'utérus. Cependant, des fibromes réapparaissent dans 20 % des cas.
  • L'hystérectomie (ablation de l’utérus). « Elle doit être envisagée en concertation avec la patiente, chez des femmes qui n'ont pas ou plus de projet de grossesse, et qui ne souhaitent pas conserver leur utérus », souligne le Pr Brun.
  • L'embolisation des artères utérines est une alternative à la chirurgie, « encore trop peu connue des patientes », regrette Angèle Mbara. Elle est pratiquée par un radiologue interventionnel, qui injecte des microbilles dans les vaisseaux irriguant le fibrome. Celui-ci diminue de volume progressivement.

Où en est la recherche sur les fibromes ?

La recherche se concentre davantage sur les traitements des fibromes que sur ses causes. « On ne dispose plus aujourd'hui de médicament pour réduire leur taille, explique le Pr Brun. Beaucoup ont été retirés du marché en raison de leurs effets secondaires lourds ». Un nouveau médicament devrait être mis sur le marché dans les deux années à venir. Il s'agit d'un antagoniste de la GnRH (une hormone sécrétée par le cerveau qui contrôle la production des œstrogènes). « Les études montrent que ce traitement, administré par voie orale, bloque le développement du fibrome, et peut aussi réduire son volume », souligne le gynécologue.

Le Pr Brun évoque aussi des avancées pour intervenir sur les fibromes sans chirurgie, comme les myolyses. « Il s'agit d'une destruction du fibrome par des ultrasons diffus ou par radiofréquence ». Ces techniques peuvent faire fondre les fibromes peu invasifs. La myolyse par ultrasons de haute intensité est notamment proposée au CHU de Bordeaux. Mais cet acte n'est pas pris en charge par l'Assurance maladie, la Haute autorité de santé ne l'ayant toujours pas validé.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir