L’endométriose : comment la diagnostiquer et comment la soigner ?

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Par Cécile Fratellini

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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Une femme sur dix environ souffre d’endométriose. Si on connaît de mieux en mieux cette maladie gynécologique, liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, le diagnostic est encore parfois très long.

Le 11 janvier 2022, l’endométriose est devenue une cause nationale avec le lancement d’une stratégie nationale de lutte contre cette maladie. « C’est une victoire, se réjouit Yasmine Candau, présidente d’EndoFrance. Cela signifie que l’endométriose devient un enjeu de santé publique ». L’objectif de cette stratégie, avec notamment la création d’un comité de pilotage, est de mieux comprendre cette maladie, ses causes et sa prise en charge thérapeutique.

Des filières de soins seront mises en place dans les régions afin de faciliter l’accès aux soins. « Les agences régionales de santé (ARS) ont pour mission d’aider les professionnels à se structurer dans le but d’organiser une prise en charge de l’endométriose. Trois régions sont déjà labellisées : la Bretagne, Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle Aquitaine », explique Yasmine Candau.

Quels sont les symptômes de l’endométriose ?

Les symptômes ne se limitent pas à la douleur pendant les règles et varient d’une femme à l’autre. « Les douleurs sont hétérogènes, en fonction de la localisation des lésions. Il n’existe pas UNE endométriose mais DES endométrioses. Aux règles douloureuses, peuvent s’ajouter des rapports sexuels douloureux, des douleurs chroniques, des troubles urinaires, digestifs… Le médecin doit interroger la patiente sur ces signes-là car la patiente ne va pas spontanément en parler. Donc le médecin doit être informé et éduqué pour pouvoir poser les bonnes questions et envisager ensuite un examen radiologique. On ne peut pas prendre en charge correctement une endométriose sans une bonne collaboration entre un gynécologue et un radiologue. L’examen radiologique de première intention doit être une échographie vaginale », précise le Pr Charles Chapron, chef du service gynécologie obstétrique II et médecine de la reproduction de l’hôpital Cochin à Paris.

Les adolescentes peuvent-elles être atteintes d’endométriose ?

Le diagnostic souvent long (entre 6 et 10 ans selon les études) de l'endométriose est, dans une grande majorité des cas, réalisé à l’âge adulte. La fille de Mathilde, aujourd’hui âgée de 34 ans, a connu cette errance médicale. « Il a fallu 15 années de suggestions et de demandes auprès de différents médecins généralistes et gynécologues avant d'en rencontrer enfin une qui l'écoute, la considère et l'entende. Depuis ses 19 ans, elle évoque cette piste d'endométriose auprès de soignants. Maintenant, elle sait. L'IRM a confirmé ses doutes. Son nouveau médecin généraliste a pris le temps de lui dire que l'endométriose expliquait tous les troubles et douleurs de son quotidien : douleurs intestinales, règles avec sang marron, rapports sexuels douloureux… ».

Si le diagnostic se fait majoritairement à l’âge adulte, cela ne signifie pas pour autant que des jeunes filles de 16 ou 17 ans ne souffrent pas d’endométriose. « Si cette maladie ne se déclare pas le premier mois des règles, elle peut toucher des adolescentes après plusieurs cycles », explique Yasmine Candau*, présidente d’EndoFrance.

Luna, une application pour une meilleure prise en charge de l’endométriose

Une aide au diagnostic et un accompagnement personnalisé. C’est ce que propose Luna, une application gratuite lancée par le Pr Charles Chapron pour les femmes atteintes d’endométriose. « On aide les femmes grâce à cette application. On est capables de leur dire à 85 % si elles ont une endométriose grâce à un algorithme d’aide au diagnostic. Ensuite, c’est de l’éducation thérapeutique avec notamment des informations sur leur prise en charge. L’éducation va passer par les patientes, ce sont par elles que les choses vont changer. Ce sera un peu leur carnet de santé avec un suivi », explique le Pr Charles Chapron. Le contenu de l’application a été approuvé par un comité scientifique.

L’endométriose est-elle une maladie héréditaire ?

Il existe une part de génétique dans l’endométriose. « C’est comme l’hypertension artérielle par exemple, mais il n’y a pas de gène de l’endométriose. Il peut y avoir une prédisposition génétique. Le médecin généraliste doit donc poser la question des antécédents familiaux en demandant si la mère ou les sœurs de la patiente sont touchées », explique le Pr Charles Chapron.

Quel est l’impact psychologique de l’endométriose ?

C’est une maladie « invisible » et pourtant elle s’avère très invalidante chez certaines femmes. Ainsi, selon plusieurs études, le risque de troubles anxio-dépressifs est multiplié par deux chez la femme endométriosique. « Quand on a une endométriose, on ne sait jamais quelles seront les conséquences au quotidien. Un tiers des femmes souffrant d’endométriose se portent bien. Et pour deux tiers d’entre elles, c’est plus compliqué, les formes sont sévères avec la douleur qui devient chronique », explique Yasmine Candau.

C’est une maladie très hétérogène. « Des femmes ont des petites lésions banales, d’autres ont des kystes importants, des femmes ont des lésions étendues et ne souffrent pas, d’autres ont des lésions moins importantes et ont pourtant une vie détruite par la douleur », ajoute le Pr Charles Chapron, chef du service gynécologie obstétrique II et médecine de la reproduction de l’hôpital Cochin à Paris

Peut-on tomber enceinte quand on souffre d’endométriose ?

« Une femme souffrant d’endométriose n’aura pas forcément un problème d’infertilité. Ce n’est pas systématique », insiste le Pr Charles Chapron. Selon l’association EndoFrance, 30 à 40 % des femmes souffrant d’endométriose ont un problème d’infertilité.

Pour ces femmes, deux solutions existent : soit la chirurgie pour enlever les différentes lésions puis essayer d’être enceinte naturellement soit la procréation médicalement assistée (PMA) d’emblée sans opération. Le choix entre ces deux stratégies se décidera au cas par cas selon le contexte, les antécédents, les priorités et les désirs de la patiente.

Floriane, 31 ans, n’arrivait pas à avoir d’enfant. Et c’est d’ailleurs dans un service de PMA que son endométriose a été diagnostiquée lors d’une échographie vaginale. « Par la suite, la gynécologue de la PMA nous a expliqué que nous avions peu de chances que je tombe enceinte naturellement et qu'il fallait avoir recours à une FIV (fécondation in vitro). Mon conjoint ayant eu un bilan de fertilité tout à fait normal. Après 8 mois de PMA, notre bonheur est enfin arrivé, je suis tombée enceinte suite à un transfert d'embryon congelé. Notre fils a aujourd'hui 2 ans et demi et est en très bonne santé », raconte la jeune femme.

Peut-on guérir de l’endométriose ?

Aujourd’hui, il existe des traitements médicamenteux (notamment la pilule contraceptive qui stoppe les règles) ainsi que la chirurgie pour soulager les patientes. Mais la cause n’est pas traitée. « L’endomètre de ces femmes est différent. Or, les traitements hormonaux ou la chirurgie ne le modifient pas. C’est une maladie tout au long de la vie, même si elle diminue ou disparaît après la ménopause dans une grande majorité des cas », précise le Pr Chapron, spécialiste de l’endométriose.

Marie, 51 ans, a eu deux enfants naturellement et a appris « à vivre avec » l’endométriose. « À l'âge de 35 ans, je suis allée consulter une gynécologue dans le cadre de mon suivi en lui expliquant que j'avais des douleurs intenses au moment des règles et aussi pendant les rapports sexuels. À l'examen, elle n'a rien trouvé et m'a conseillé d'aller voir un gastro-entérologue. À l’issue de l'examen proctologique, le médecin a diagnostiqué une endométriose. Je suis donc retournée voir la gynécologue qui m'a orientée vers un chirurgien digestif afin de programmer une opération. J'ai connu un mieux-être pendant quelques années puis les douleurs sont revenues et l'endométriose a de nouveau été confirmée lors d'une échographie pelvienne. J'ai pris une pilule progestative pendant environ deux ans que j'ai dû arrêter en raison d'effets secondaires. »

Le recours à la chirurgie est moins systématique aujourd’hui. « On essaie de repositionner la place de la chirurgie dans la vie des femmes afin d’éviter que certaines soient opérées un trop grand nombre de fois », ajoute le Pr Chapron.

*Idées reçues sur l’endométriose, dirigé par le Pr Charles Chapron et Yasmine Candau, Editions Le Cavalier bleu, 2018.

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