Maisons de santé : solution miracle aux déserts médicaux ?

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Par Cécile Fratellini

Temps de lecture estimé 6 minute(s)

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La France comptera près d’un millier de maisons de santé à la fin de l’année. Contre 240 il y a deux ans. Une solution miracle aux déserts médicaux ou un nouveau modèle de la médecine de proximité ?

Quel est le point commun entre Sauve, petite commune gardoise de 2 000 habitants, et Niort, chef-lieu de 57 600 habitants du département des Deux-Sèvres ? Dans ces deux villes, une maison de santé a vu le jour, en 2012 à Sauve et en 2014 à Niort. Autre similitude : la démographie médicale a été un moteur pour la naissance de ces projets. « Mais pas seulement, insiste Jean-Paul Kerjean, kinésithérapeute à l’origine, avec d’autres professionnels, de la maison de santé de Sauve. Il y avait également le désir de travailler ensemble. »

Aujourd’hui, l’établissement gardois regroupe 3 médecins généralistes, 3 chirurgiens-dentistes, 2 podologues, 4 kinésithérapeutes, 9 infirmières, 1 psychologue clinicienne et 1 diététicienne. Sans oublier les consultations régulières d’addictologie d’une association et celles d’un psychiatre hospitalier.

À Niort, c’est la Mutualité des Deux-Sèvres qui a donné naissance au projet. « Dans quelques années, beaucoup de médecins généralistes partiront à la retraite dans le département, en créant cette maison de santé, cela permet de faire perdurer l’offre », explique Anne Léonard, coordinatrice de la Maison de santé du 110 à Niort où 14 professionnels sont regroupés (4 médecins généralistes, 2 infirmières, 1 infirmière Asalee pour la prévention de certaines maladies chroniques, 1 podologue, 1 orthophoniste, 1 diététicienne, 1 psychologue conseillère conjugale, 1 psychologue hypnologue, 1 sophrologue et 1 chiropracteur).

« Une ambiance de travail sécurisante »

Si les maisons de santé facilitent la venue de jeunes médecins, elles ne vont pas résoudre d’un coup de baguette magique les problèmes de démographie médicale. « Quand nous avons un médecin remplaçant, nous le chouchoutons et lui déroulons le tapis rouge, cela ne suffit pas toujours à lui donner envie de rester, raconte Jean-Paul Kerjean. Nous ne sommes pourtant qu’à 50 minutes de Montpellier et 30 minutes de Nîmes mais cela fait parfois peur quand on débute et que l’on n’a pas de vie familiale. Après, pour ceux qui veulent se fixer, c’est extraordinaire : l’ambiance de travail est sécurisante. C’est un lieu magnifique de soins et d’éducation à la santé. Nous menons des actions de prévention pour le diabète, les troubles de l’audition par exemple. Tout cela est possible car nous sommes structurés, une maison de santé est une sorte de boîte à outils. »

Si chaque professionnel reste indépendant, les locaux, le système informatique et parfois le secrétariat sont partagés. Sans oublier le projet de santé qui présente les objectifs de la maison : prise en charge du patient, continuité des soins, actions de prévention envisagées… Le tout coordonné par un professionnel de la maison qui y consacre une partie de son temps ou par une personne dédiée à cela.

Dans le Gard, Émilie Progin, coordinatrice, partage son temps entre trois maisons de santé : Sauve, Saint-Jean-du-Gard et Lasalle qui va ouvrir en septembre. « Nous sommes là pour le soutien administratif évidemment mais aussi pour la mise en place de partenariats avec d’autres établissements par exemple », précise-t-elle. Le coordinateur rassemble également tous les professionnels de la maison au moins une fois par mois pour discuter d’un thème du projet de santé. La proximité aidant, des échanges informels entre professionnels ont lieu autour du repas du midi ou de la machine à café.

Que ce soit en milieu rural ou en centreville, les patients bénéficient grâce à la maison de santé d’une offre de soins très large. « Il faudrait que tout le monde puisse y avoir accès près de chez soi », indique Pierre de Haas, médecin généraliste qui a piloté un projet de maison de santé à Pont-d’Ain (01). Un vœu pieux ou peut-être une réalité dans quelques années…

Maison de santé ou maison médicale ?

Une maison de santé est le regroupement de plusieurs professionnels de santé libéraux (au moins deux médecins et un autre professionnel de santé) autour d’un Projet de santé. Une maison médicale est un lieu d’exercice qui regroupe plusieurs professionnels de santé. Quant à la maison médicale de garde, c’est une structure qui assure la permanence de soins aux heures de fermeture des cabinets médicaux (soir et week-end). Un centre de santé est un lieu de soins qui réunit des professionnels de santé salariés.

La Mutualité Française s’implique

Dans le cadre du programme Gaspar (Garantir l’accès aux soins de premier recours), la Mutualité Française soutient la création et le fonctionnement des maisons de santé. La maison du 110 à Niort en est un exemple concret. La Mutualité Française des Deux- Sèvres est propriétaire des lieux et gère le secrétariat, les prestations informatiques et la coordination. À proximité de cette maison de santé, se trouvent notamment un centre optique, un centre d’audioprothèse, une structure d’accueil petite enfance et un centre dentaire mutualistes.

« Cette maison de santé est un modèle pour nous, mutualistes. Il montre bien que nous pouvons dialoguer avec les médecins, avec les professionnels de santé, trouver et mettre en œuvre ensemble des réponses efficaces aux besoins de santé d’un territoire », explique Stéphane Junique, vice-président de la Mutualité Française.

En chiffres

  • 40 % : C’est l’augmentation du nombre de maisons de santé en un an. Il y en avait 436 en mars 2014 contre 616 en mars 2015. Leur nombre ne cesse d’augmenter, 400 nouveaux projets devraient voir le jour d’ici à la fin de l’année, pour atteindre plus de 1 000 maisons de santé.
  • 55 % : une faible majorité d’entre elles sont implantées en milieu rural.
  • 5,1 : c’est le nombre de médecins généralistes en moyenne dans une maison de santé et 9,2 professionnels paramédicaux.

Source : DGOS – Observatoire des MSP – mars 2015.

« C’est la fin de l’exercice isolé de la médecine »

Le point de vue de PIERRE DE HAAS*, Président de la Fédération française des maisons et pôles de santé.

Le nombre de maisons de santé a augmenté de 40 % en un an, comment l’expliquez-vous ?

La société change, la valeur du travail se modifie. La jeune génération cherche une qualité de vie, elle peut la trouver en maison de santé. Il est ainsi plus facile de prendre un jour de congé que si l’on exerce seul dans son cabinet. On peut compter sur l’équipe pour parler d’une pathologie, pour libérer ses émotions quand on est confronté à un patient en fin de vie par exemple.

Et puis c’est un confort de travailler avec un senior et inversement, cela nous permet de nous remettre en cause. C’est la fin de l’exercice isolé car le monde se complexifie.

Désormais, on ne peut plus être seul expert sur toutes les questions. Avant, on diagnostiquait un diabète, c’était simple. Aujourd’hui, nous avons souvent des cas de diabète compliqué, nous devons alors mettre dans la boucle l’infirmier(e), le pharmacien(ne), le diététicien(ne). Et cela est possible dans une maison de santé.

Et pour les patients, quels sont les avantages ?

La prise en charge et la continuité des soins sont meilleures. Tous les professionnels de la maison de santé ont accès au dossier du patient. Donc si le médecin traitant de ce dernier est absent, son collègue le reçoit et connaît son dossier.

De plus, l’accessibilité est meilleure car plusieurs professionnels de santé sont réunis sur un même lieu. Et ce modèle doit permettre d’impliquer davantage les patients en les réunissant par exemple pour entendre leurs remarques et suggestions sur la manière de répondre à la demande de soins.

C’est évidemment plus facile de le faire dans une maison de santé que lorsque l’on exerce seul dans son cabinet.

* Monter et faire vivre une maison de santé – Le Coudrier – 2015 – 29,50 euros.

Répartition des maisons de santé fin 2014

Globalement, la répartition des maisons de santé est assez homogène. Les régions Bretagne et Rhône-Alpes arrivent en tête avec respectivement 58 et 73 maisons de santé. La Corse (1), la Martinique (2), la Guyane (3) et l’Alsace (7) sont ceux qui en comptent le moins. À noter qu’il y en a une en projet en Guadeloupe.

 

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