Championnats d’Europe de natation à Funchal au Portugal, Coupe du monde à Berlin en Allemagne… ces derniers mois n’ont pas été de tout repos pour Claire Supiot. La nageuse angevine a enchaîné les entraînements, les compétitions, les tests PCR entre deux avions. Covid oblige.
Du 24 août au 5 septembre 2021, l’athlète de haut niveau de 53 ans portera les couleurs de la France aux Jeux Paralympiques de Tokyo. Un exploit à plus d’un titre. En effet, en 1988, Claire Supiot faisait partie des sportifs qualifiés pour les Jeux Olympiques de Séoul. A son palmarès, neuf titres de championne de France de natation, dont huit aux 200 mètres papillon. Elle a alors 20 ans quand elle s’envole pour la Corée du Sud. Elle ne ramènera pas de médaille mais vivra un rêve éveillée. « Je suis la première Française dans l’Histoire des Jeux à disputer des JO et des Jeux Paralympiques », sourit-elle.
Car il s’en est passé des choses en trente-trois ans. Claire est devenue mère. A mis sa carrière entre parenthèses pour élever ses trois enfants. Et en 2015, elle a repris le chemin des bassins alors que, sept ans plus tôt, elle a appris être atteinte de la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Cette neuropathie génétique touche les nerfs qui contrôlent les jambes et les bras et entraîne fatigues et douleurs chroniques.
A l’époque maître-nageur, Claire Supiot glisse sur le rebord de la piscine, ce qui provoque une fracture du sésamoïde, petit os qui se trouve sous le pied. « J’avais du mal à récupérer. Mais si j’ai consulté un médecin, c’est surtout pour mon fils. Il faisait des entorses à répétition et comme mon père et mes oncles avaient la maladie de Charcot-Marie-Tooth, qui est héréditaire, j’ai eu peur qu’il en soit atteint. »
Ce n’est pas le cas. En revanche, après des examens plus poussés, Claire apprend qu’elle souffre de cette pathologie neurologique à ne pas confondre avec la maladie de Charcot, aussi appelée maladie du motoneurone ou sclérose latérale amyotrophique (SLA). Leurs manifestations et leur évolution sont, en effet, radicalement différentes.
La maladie de Charcot-Marie-Tooth est une neuropathie sensivo-motrice. Elle touche 30 000 personnes en France et est plus ou moins handicapante et paralysante selon les cas. Les nerfs périphériques sont atteints et cela entraîne une diminution de la force musculaire et de la sensibilité mais n’affecte pas l’espérance de vie à la différence de la SLA.
La maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) peut prendre plusieurs formes. La recherche de pistes thérapeutiques est compliquée par la multitude de gènes impliqués dans la pathologie. Il serait en effet plus de 80 pouvant être responsables de la maladie. 74 formes de CMT sont actuellement recensées, différenciées selon l’anomalie génétique en cause, la partie des nerfs affectée, le mode de transmission.
Aucun remède n’existe à ce jour. La prise en charge de traitement de confort des malades se fait au niveau kinésithérapique, nutritionnel, ergothérapique, thermal, appareillages (semelles orthopédiques, releveur de pied, etc.), chirurgie…
« De grands espoirs sont fondés sur la thérapie génique* », confie le Professeur William Camu, responsable de l’équipe médicale de la Clinique du motoneurone et des pathologies neuromusculaires du CHU de Montpellier. Après plus de dix ans de recherche, une équipe française a mis au point en laboratoire une thérapie à base d’ARN, qui permet de retrouver la mobilité. Elle reste à développer chez l’humain avec des études pré-cliniques et cliniques.
« J’ai très vite perdu la marche, c’est-à-dire le déroulé du pied. Je me déplace en mode steppage** », raconte celle qui a besoin, quand la fatigue est trop envahissante ou les trajets trop longs, d’un fauteuil électrique qu’elle surnomme Lulu. « J’ai aussi des cannes et des bâtons de marche nordique qui m’équilibrent. »
Aucun traitement n’existe pour soigner la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Et certains moments sont plus douloureux que d’autres à supporter. « En fonction des variations émotionnelles, on le ressent. Il m’arrive d’avoir des crampes quand je nage. Je ne rebondis plus comme avant dans les virages face au mur, mais la natation me fait du bien. C’est un sport porté qui est répertorié comme bon pour la santé. »
Claire reconnaît qu’elle a « de la chance d’être bien entourée par une famille, un compagnon aimant et une équipe » qui comprennent sa maladie. La pathologie évolue mais ne vient pas gêner ses mouvements dans l’eau. « Les muscles reprennent naturellement leur fonction avec le sport. Ils se réoxygènent. Je nage notamment avec des jeunes et ça, ça dynamise. » Sa condition d’athlète de haut niveau l’amène à avoir une hygiène alimentaire et de vie et un entretien physique constants. Ce qui est bénéfique face à la maladie.
Marc, son frère aîné, est son entraîneur. Il la connaît par cœur. Sait quand les pauses sont nécessaires et quelles sont les limites à ne pas dépasser. C’est lui qui lui a donné le goût des bassins quand elle était petite. « Je voulais le suivre dans tout ce qu’il entreprenait. Il a fait de la natation, j’en ai fait. Pareil pour le tennis même si là, je n’ai pas accroché à la différence de la nage qui est ma passion. »
Claire Supiot a un mental d’acier. Un optimisme débordant. Référente handicap pour le département du Maine-et-Loire, elle est aussi l’ambassadrice de Charcot-Marie-Tooth France. « Ma vie est en harmonie avec mon sport et ma maladie ». Une pathologie qui ne doit pas empêcher de vivre ses desseins et ses rêves. « Il faut s’en donner les moyens mais tout reste possible. Ce n’est pas une fatalité. Il ne faut pas s’enfermer et exprimer ce que l’on peut faire et ne pas faire. »
Des projets, Claire n’en manque pas. Continuer la natation le plus longtemps possible mais aussi pouponner sa première petite-fille annoncée pour le mois de juillet. « Si je ne ramène pas de médaille, ce ne sera pas grave. Je vais être grand-mère et c’est déjà, de ce fait, une année exceptionnelle pour moi ».
*La thérapie génique consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une pathologie.
**Le steppage est une anomalie de la marche. Elle se fait la pointe du pied abaissée, la jambe et le genou relevés très haut pour ne pas toucher le sol avec la pointe du pied