Maladie de Crohn : le combat des patients

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Par Delphine Delarue (ANPM-France Mutualité)

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© Elenaleonova/Gettyimages

La maladie de Crohn se manifeste par des douleurs abdominales, des diarrhées et de la fatigue. Si des traitements existent pour améliorer la qualité de vie des patients, nombreux souffrent encore de solitude et d’isolement.

Vomissements, diarrhées à répétition, maux de ventre, épuisement et perte de poids. Cela fait plusieurs mois que Soraya souffre le martyre quand le diagnostic tombe. À l’âge de 12 ans, la jeune fille, devenue depuis déléguée départementale de l’association de patients François-Aupetit (AFA), apprend qu’elle est atteinte de la maladie de Crohn. Cette pathologie chronique inflammatoire de l’intestin toucherait plus de 120 000 personnes en France. Et le nombre de cas ne cesse d’augmenter à travers le monde.

Des poussées entrecoupées de rémissions

Particulièrement handicapante dans ses formes sévères, elle évolue par périodes de poussées entrecoupées de rémissions. « Si je vais mieux aujourd’hui et que ma maladie a pu être stabilisée, la route a été longue, confie Soraya. J’ai été hospitalisée plusieurs fois, je suis "multi-opérée" et souvent exténuée. »

Même avec un traitement de fond qui fonctionne bien, les répercussions sur la vie familiale, sociale et professionnelle peuvent être lourdes. « Quand on ressent beaucoup de fatigue, les gestes quotidiens deviennent très compliqués, poursuit la jeune femme. Se lever, préparer à manger, gérer une maison et travailler à la fois : tout cela semble vite insurmontable. » Sans parler de la honte ou de l’isolement auxquels sont confrontés les malades les plus atteints. Pendant les poussées, difficile pour eux d’accepter une invitation ou une sortie au cinéma sans se demander s’ils ne souffriront pas trop…

Inflammation du tube digestif

« La maladie de Crohn correspond à une réaction anormale, un emballement du système immunitaire lié à une conjonction de facteurs environnementaux, dont les bactéries intestinales, le microbiote, font partie, et peut-être aussi, dans certains cas, à une susceptibilité génétique », explique le professeur Laurent Beaugerie, chef du service de gastro-entérologie et de nutrition à l’hôpital Saint-Antoine à Paris.

Cet affolement des défenses immunitaires conduit à l’inflammation d’un ou de plusieurs segments du tube digestif (essentiellement l’intestin grêle, mais aussi le côlon et la région de l’anus). Les parois s’épaississent et, au fil des années, des lésions peuvent apparaître. Dans les cas les plus graves, ces complications mécaniques conduisent « à des hémorragies, des occlusions intestinales, des infections (abcès et fistules), voire à un phénomène de cancérisation », ajoute le professeur.

Des médicaments et parfois une opération

Si l’on ne sait pas guérir la maladie de Crohn, des traitements sont toutefois prescrits pour soigner les poussées et maintenir les rémissions. « On utilise des anti-inflammatoires comme la cortisone, mais uniquement de façon ponctuelle, précise le professeur Beaugerie. À cela s’ajoutent des immunosuppresseurs en traitement de fond, qui permettent de réduire l’inflammation et de faire régresser ou disparaître les lésions » (lire l’encadré). Parfois, les médicaments ne sont pas suffisants et la chirurgie devient inévitable pour enlever la partie de l’intestin trop endommagée.

Du soutien auprès des associations

Après avoir mené de front vie familiale et vie professionnelle pendant plusieurs mois, Soraya a fini par s’effondrer, malgré le soutien de son conjoint. Epuisée, elle a dû quitter son emploi de commerciale, devenu incompatible avec sa maladie. « Les patients doivent apprendre à vivre avec leur pathologie, même si c’est difficile », reconnaît-elle. C’est notamment auprès de l’AFA (Association François-Aupetit) qu’elle a pu trouver l’aide dont elle avait besoin.

Aujourd’hui, elle s’engage dans un projet de reconversion professionnelle et envisage de se diriger vers l’éducation thérapeutique. « Les associations ont un rôle fondamental, souligne la jeune femme. Elles proposent de l’écoute, du soutien, de l’accompagnement, de l’orientation et permettent de sortir de l’isolement. »

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L’AFA encourage par exemple les patients à rester actifs en utilisant des astuces pour aménager leur quotidien. Elle propose notamment une application pour trouver des toilettes à proximité des lieux où ils se rendent quand ils sortent de chez eux. « Ce n’est pas parce qu’on est malade que la vie s’arrête, conclut Soraya. Au contraire, elle continue et il faut se dire que, finalement, chaque étape de la maladie nous rend plus forts. »

Les espoirs de la recherche

Actuellement, on ne guérit pas de la maladie de Crohn. Les médicaments prescrits ont pour objectif de traiter les symptômes des poussées (l’inflammation de l’intestin) et de maintenir les périodes de rémission le plus longtemps possible. « À l’avenir, on essaiera de plus en plus de s’attaquer aux causes de l’inflammation pour éviter qu’elle ne survienne », assure le professeur Laurent Beaugerie. Les malades de Crohn se distinguent par une flore intestinale appauvrie et déséquilibrée, avant même que la maladie ne survienne. « L’idée est donc de moduler ce microbiote et d’essayer de lui redonner la composition la plus normale possible, explique le professeur. Pour cela, il s’agit de remplacer la flore du patient par celle d’une personne saine. C’est ce que l’on appelle la transplantation du microbiote fécal. Nous avons récemment mené un essai de ce type sur une vingtaine de patients à l’hôpital Saint-Antoine, et les résultats sont déjà prometteurs. »

Encore confidentielles, les conclusions de cet essai, premier du genre pour la maladie de Crohn, devraient être présentées au prochain congrès de l’Association américaine de gastro-entérologie, en juin 2018 à Washington.

Pour en savoir plus

  • Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique, de Laurent Beaugerie. Sabinus santé (148 pages, 25 euros).

Par Delphine Delarue (ANPM-France Mutualité)

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