Médecines complémentaires : comment s’y retrouver ?

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Par Cécile Fratellini et Angélique Pineau-Hamaguchi

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© iStock, vidéo : Angélique Pineau-Hamaguchi

Acupuncture, ostéopathie, sophrologie… On les appelle communément les « médecines douces ». Mais de quoi s’agit-il exactement ? Si ces pratiques peuvent avoir un intérêt, elles présentent aussi des risques. On fait le point.

Comment définir ce qu’est une médecine complémentaire ?

Il n’existe pas de définition unique. L’Académie de médecine rappelle qu’une thérapie complémentaire n’est pas une médecine complémentaire. « L’idée étant qu’il n’existe qu’une seule médecine, celle enseignée dans les facultés », explique le Pr Bruno Falissard, pédopsychiatre et directeur du centre de recherches en épidémiologie et en santé des populations (Inserm).

Le ministère de la Santé, lui, parle de « pratiques de soins non conventionnelles ». Quant à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle indique que « les termes “médecine complémentaire” ou “médecine alternative” font référence à un vaste ensemble de pratiques de santé qui ne font pas partie de la tradition ni de la médecine conventionnelle du pays ».

Enfin, la Haute Autorité de santé (HAS) emploie plutôt l’expression « interventions non médicamenteuses ». C’est aussi l’appellation retenue par la NPIS (Non pharmacological intervention society), une société savante d’intérêt général à but non lucratif qui les étudie. Pour la NPIS, ce sont des soins qui ne sont ni des médicaments, ni des interventions chirurgicales, ni des dispositifs médicaux, mais qui sont fondés malgré tout sur la science.

https://youtube.com/shorts/nwv28ZDRHM8

Pourquoi ces pratiques ont-elles autant de succès ?

Les Français sont nombreux à avoir recours aux médecines non conventionnelles. « 40 % d’entre eux les utilisent », comme l’a rappelé Véronique Suissa, psychologue et cofondatrice de l’Agence des médecines complémentaires et alternatives(1) lors d’un récent colloque(2). Mais dans quel but le font-ils et est-ce une forme de désamour de la médecine traditionnelle ? « On a industrialisé le soin à outrance. Or, ni un patient ni un médecin ne sont des produits industriels. Il faut changer en profondeur, le soin est humain, rappelle le Pr Bruno Falissard. Et ça me fait mal que les gens aillent voir des praticiens avec des théories bizarroïdes juste pour qu’on les écoute. »

Pour le Dr Philippe Bergerot, oncologue radiothérapeute à la Clinique Mutualiste de l’Estuaire à Saint-Nazaire(3) et membre de la Ligue contre le cancer, la médecine conventionnelle a parfois une image « un peu dure ». « Les patients ont envie qu’on leur accorde du temps. À nous de leur prêter une oreille attentive, y compris lorsqu’ils nous disent avoir recours à ces méthodes. Il ne faut pas les rejeter en bloc mais leur donner les bons conseils afin qu’ils ne se mettent pas en danger. Parfois, quand on est désespéré, on peut être tenté d’essayer n’importe quoi. »

En quoi peuvent-elles être dangereuses ?

Comme leur nom l’indique, ces médecines complémentaires doivent venir en complément et non à la place de. « Si les patients ne se tournent que vers ces pratiques, alors le premier risque est une perte de chance », estime Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé(4) et membre de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS).

Et lorsqu’ils y ont recours, ils ne doivent pas arrêter leurs traitements conventionnels et ils doivent en parler systématiquement à leur médecin. « Il peut y avoir de réelles interactions entre des chimiothérapies et des produits pourtant naturels comme le pamplemousse ou certaines plantes », rappelle le Dr Philippe Bergerot. Attention, donc, aux « remèdes miracles » vantés sur internet car il est souvent difficile de savoir précisément ce qu’ils contiennent.

D’autres risques de dérive existent. Pour les experts santé de la Miviludes (la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), « il faut se méfier de ceux qui promettent de vous guérir là où la médecine traditionnelle a échoué ou de soigner tous vos maux avec une seule méthode ou un seul produit ».

Certains praticiens peuvent aussi vous proposer une première séance gratuite et vous inciter ensuite à acheter leurs DVD, livres, compléments alimentaires… Cela doit vous mettre la puce à l’oreille. Enfin, si l’on vous demande de ne pas en parler à votre médecin ou à vos proches, prudence, alerte la Miviludes, « car cela peut laisser penser à une dérive sectaire ».

Sont-elles réellement utiles ?

Pour l’universitaire Grégory Ninot, président de la société savante NPIS et auteur de 100 médecines douces validées par la science, ces pratiques peuvent être efficaces, encore faut-il le prouver en se basant sur la recherche. « Des études peuvent montrer, par exemple, que telle méthode d’ostéopathie ou de sophrologie peut avoir tel effet bénéfique sur tel trouble, mais pas sur tel autre. »

Pour le Pr Bruno Falissard, il reste plus difficile d’évaluer une médecine complémentaire qu’un médicament. « Des gélules sont des produits industriels, donc elles contiennent toutes la même chose alors que deux hypnothérapeutes ne vont pas travailler l’hypnose de la même façon. »

Selon lui, il ne faut pas négliger l’impact de l’effet placebo. « On associe trop souvent cela au fait que l’on soigne avec du rien. Alors que la relation médecin/malade ainsi que le contexte du soin sont thérapeutiques. Par exemple, dans le diabète de type 2, il n’y a pas que les médicaments, l’éducation thérapeutique est importante. On apprend au patient à suivre son régime, à faire du sport, à faire ses prélèvements de glycémie. C’est un soin contextuel, pas un médicament. On parle aux gens, on leur explique et c’est efficace. »

Dans le cas du cancer, les « soins de support » peuvent quant à eux aider les patients à mieux vivre les effets des traitements traditionnels et à mieux gérer la douleur. C’est le cas notamment de la psychologie, de la nutrition ou encore de l’activité physique. Pour le Dr Bergerot, « la socioesthétique (apprendre à se maquiller, à mettre une perruque…) peut aussi être bénéfique pour améliorer l’image de soi et se sentir mieux dans sa tête ».

1. Cette agence se présente comme un lieu d’expertise et de réflexion sur le sujet.

2. « Les médecines alternatives et complémentaires », organisé par VYV Partenariat en mars 2022.

Par Cécile Fratellini et Angélique Pineau-Hamaguchi

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