Les mutilations sexuelles, qu’on connaît le plus souvent sous le terme d’excision, sont définies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « l’ensemble des actes aboutissant à l’ablation partielle ou totale des organes génitaux féminins externes, commis sans justification médicale ». Elles ont pour conséquences d’altérer profondément la sexualité des femmes qui en sont victimes et d’entraîner des séquelles psychologiques profondes. La France, suivie par d’autres pays, a été un des premiers Etats à criminaliser cette pratique, qui constitue une violation fondamentale des droits des femmes.
Identifiées dans les années 1980, les mutilations sexuelles concernent encore actuellement près de 200 millions de femmes dans le monde et 125 000 en France*. Le docteur Pierre Foldes, chirurgien urologue à l’origine de la technique de réparation du clitoris, a repéré cette pratique lors de missions humanitaires. « J’ai découvert l’excision il y a trente ans, lors de missions humanitaires », raconte-t-il. « Ces mutilations sont pratiquées dans certains pays depuis des décennies, voire des siècles, selon des rites ancestraux. Elles n’ont pas forcément de lien avec la religion. » Anatomiste de formation, le Dr Foldes, en tentant de trouver une réponse à cette violence, comprend que l’anatomie féminine est alors un tabou. « Les recherches que j’ai menées m’ont fait réaliser que le clitoris n’apparaissait même pas dans les livres d’anatomie. Je me suis donc attelé à le décrire et à imaginer une technique de réparation pour ces femmes. » Une technique qui permet, quand c’est possible, de réparer le clitoris, mais aussi la vulve ou les petites lèvres. « Ces mutilations vont générer de grands nombres de complications, que ce soit sur le plan gynécologique, sexologique, urologique ou lors de l’accouchement. Les cas sont parfois très complexes. »
Trente ans plus tard, le docteur Foldes a reçu en rendez-vous plus de 16 000 femmes, opéré 6 000 d’entre elles et formé 200 chirurgiens à cette technique de réparation du clitoris. « Mais nous avons rapidement compris que la problématique de ces femmes était la plupart du temps plus générale. Beaucoup d’entre elles cumulent plusieurs formes de violence et ont besoin d’une prise en charge globale. L’opération de réparation, qui pourtant est un véritable espoir, n’est qu’une des solutions à leur proposer. » Il y a dix ans, Pierre Foldes et Frédérique Martz ont ainsi créé l’institut Women Safe à Saint-Germain-en-Laye. Le premier centre multidisciplinaire dédié à toutes les formes de violences faites aux femmes et aux enfants.
Ce centre réunit 51 professionnels, infirmières, médecins, psychologues, juristes, avocats, et acteurs du bien-être pour une prise en charge gratuite, holistique et pérenne, depuis plus de six ans. Dans le cas des mutilations sexuelles, il s’attèle à agir sur de nombreux fronts : médical, évidemment, mais aussi psychologique, juridique… « Il y a aussi de la prévention, afin que des petites filles ne subissent pas ces actes lors de voyages à l’étranger. » « Cette approche multidisciplinaire est fondamentale », précise Frédérique Martz. « Il faut absolument rendre la parole à ces femmes et continuer la lutte. Car dans le monde, le nombre de femmes mutilées ne baisse malheureusement pas. »
Le docteur Ruth M’Bwang Seppoh, gynécologue obstétricienne à l’hôpital de Landerneau (29), fait partie des médecins sensibles à ces questions. Elle vient d’ouvrir une consultation spécialisée au CHRU de Brest en début d’année et s’est formée à la chirurgie réparatrice. « La lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes fait partie de mes engagements. J’ai décidé d’ouvrir cette consultation afin que les femmes vivant en Bretagne Ouest n’aient plus à aller à Paris ou à Rennes pour être reçues. » A terme, une équipe pluridisciplinaire de sept professionnels prendra ces femmes en charge, toujours de manière globale. Un institut dédié a également été récemment créé à Bordeaux. Environ une dizaine de sites existent désormais en France, dans des hôpitaux ou des associations. Leur action, fondamentale, apporte une réponse à la problématique complexe et douloureuse de ces femmes.
* Enquête du BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire) du 23 juillet 2019 de Santé Publique France.
Légende de la photo : Frédérique Martz et Pierre Foldes ont créé ensemble le centre Women Safe.
Merci d’aborder ce sujet … Plasticienne engagée, j’ai réalisé une oeuvre sur le sujet des mutilations sexuelles intitulée « Infibulation », que j’ai pu présenter à 400 lycéens français pour la Journée des Femmes 2018 et 2019. Le dialogue fut incroyable avec des élèves qui découvraient cette pratique barbare.
Quand l’art permet de parler directement des MGF et d’ouvrir le débat.