Pathologies de la voix : qui consulter ?

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Par Peggy Cardin-Changizi

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Dans certains métiers comme chanteurs, professeurs ou avocats, la voix est un élément constitutif de l’activité professionnelle. Logiquement les pathologies de la voix les touchent davantage. Mais d’autres profils peuvent également être concernés. Quelles sont ces pathologies qui peuvent altérer la voix ? Quelles sont leurs causes ? Et qui consulter ?

Les pathologies de la voix sont généralement liées à des lésions au niveau du larynx. « Il s’agit de la partie supérieure du canal respiratoire, située entre le pharynx et la trachée, explique le Professeur Laurent Laccourreye, chef du service ORL au CHU d'Angers. Cet organe cartilagineux, qui permet entre autres de produire des sons, abrite les cordes vocales ».
Lorsque la voix est altérée ou dégradée, on parle alors de dysphonie. « Cela correspond à une modification du timbre de la voix qui semble "cassée" » ou " rauque" et/ou à une diminution de son intensité », poursuit l’ORL.

Les causes bénignes de la dysphonie

La plupart des dysphonies sont sans gravité. « La principale lésion est le forçage ou surmenage vocal, fréquent chez les professionnels de la voix, et qui concerne la muqueuse des cordes vocales, détaille l’ORL, qui, en tant que spécialiste du nez, de la gorge et des oreilles, est souvent consulté en première intention, sur recommandation du médecin traitant, pour des pathologies bénignes. À force de parler ou de chanter fort et longtemps, leurs cordes vocales vont se tendre et se frapper l’une contre l’autre ; ce qui va créer des petites lésions ».
Autre cause de dysphonie : le nodule. « Tout comme le polype ou le kyste, le nodule est une tumeur bénigne, rassure le Professeur. Il s’agit d’un petit épaississement de la muqueuse de la corde vocale dû à une mauvaise utilisation de la voix ». Enfin, la laryngite aiguë, inflammation de la muqueuse laryngée, peut aussi engendrer des dysphonies. « Pour toutes ces causes bénignes de dysphonie, on va préconiser du repos vocal, pouvant aller de quelques jours à plusieurs semaines, et pour les fumeurs, un arrêt du tabac ». En cas de composantes inflammatoires, un traitement à base de corticoïdes peut être prescrit par le médecin.

Un traitement orthophonique pour les pathologies bénignes

En présence spécifique de nodules sur les cordes vocales, le traitement repose généralement sur des séances de rééducation de la voix avec un orthophoniste. « Le but est d’essayer d’améliorer l’utilisation de la voix du patient et d’optimiser sa vibration vocale, détaille l’ORL. L’orthophoniste va notamment travailler sur la respiration, la vibration laryngée et la projection de la voix, mais aussi sur la posture du patient ». Grâce à des exercices parlés et chantés, cette rééducation, in fine, permettra aux personnes de connaître leurs capacités mais aussi de les préserver. « Ils peuvent par exemple, utiliser un micro pour limiter les forçages vocaux ». En général, les nodules disparaissent avec l’orthophonie. « Si ce n’est pas le cas, une chirurgie peut être réalisée, mais cela reste vraiment exceptionnel car le résultat de l’intervention peut être pire sur la voix que la présence d’un nodule ».

La chirurgie : une opération pouvant être risquée

Chez certains patients, une microchirurgie est également envisagée par laryngoscopie directe pour enlever un kyste ou un polype. « Il y a toujours un risque dans la chirurgie du larynx car les cordes vocales sont composées de couches feuilletées dont la fonction est bien définie, précise le Dr Franck Marmouset, ORL-phoniatre au CHU de Tours. C’est une intervention qui implique la plus grande prudence car la qualité de la cicatrisation garde une part d’imprévisibilité selon chaque patient. En option, le laser peut être par exemple utilisé pour enlever un petit kyste qui gêne la vibration. « On peut aussi « gonfler » une corde vocale détendue avec de l’acide hyaluronique afin d’obtenir une meilleure vibration ». Après une opération d’un kyste ou d’un polype, des séances d’orthophonie sont proposées.

Un examen du larynx en cas de dysphonie persistante

Mais parfois les dysphonies révèlent un trouble plus grave. Si elles durent plus de trois semaines (on parle alors de dysphonie persistante) chez un fumeur de plus de 50 ans, le patient devra subir un examen laryngé à l’aide d’un fibroscope qui permettra de visualiser le larynx et les cordes vocales. « Un enrouement d’une durée de plus de trois semaines, surtout chez un fumeur, constitue des facteurs de risque bien connus pour le cancer du larynx, souligne l’ORL. En cas de cancer, l’examen montrera une lésion située sur la muqueuse du larynx ». Le diagnostic sera confirmé après une biopsie. Un traitement de chimiothérapie, radiothérapie voire de chirurgie sera alors proposé. « Pris à temps, ce cancer bénéfice d’un bon pronostic ».

Un accompagnement psychologique avec un phoniatre

Lorsque les pathologies de la voix sont chroniques et/ou persistantes et que le risque de cancer a été écarté, le patient peut être orienté par son médecin traitant, vers un phoniatre (attention, on n’en recense que 200 en France !). Il s’agit d’un ORL ayant complété ses études, notamment dans la psychologie, la psychiatrie et la linguistique. « Ce qui nous permet de nous intéresser aussi aux signes associés au trouble vocal », souligne le Dr Marmouset. « Nous avons une vision plus large de la dysphonie dans le sens où l’on va chercher à comprendre ce que ressent le patient et ce qui le gêne dans ses activités personnelles ou professionnelles ». Le phoniatre va pouvoir aussi, grâce à un matériel pointu d’analyse (laryngoscope, endoscope, stroboscope, mais aussi logiciels de mesure des vibrations des cordes vocales, de la respiration…), établir un diagnostic plus précis. « Nous allons ainsi pouvoir évaluer plusieurs paramètres - acoustiques, vocaux, neurologiques – qui vont permettre de chiffrer le handicap vocal. » Le phoniatre se distingue ainsi de l’ORL par son approche plus globale, plus holistique et plus orientée vers la fonction de la voix.

Prévention : prendre soin de sa voix

Il n'est pas hasardeux de comparer un "professionnel de la voix" à un sportif de haut niveau, dans la mesure où sa forme et son hygiène de vie vont influer directement sur la qualité de sa voix. « Le larynx c’est comme un genou, une articulation avec des muscles et un tendon », ironise le Professeur Laccourreye. « Il faut en prendre soin ». Pour le préserver, certains comportements sont à proscrire ou à limiter (la consommation de tabac, d’alcool, le manque d'hydratation, les cris, le bruit...). Attention aussi aux affections ORL ou à l'exposition à des produits polluants. « Parfois, le fait de cumuler un ou plusieurs de ces facteurs à risque entraîne des difficultés vocales ». Qui s'éternisent plus ou moins…

Par Peggy Cardin-Changizi

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