Réservé aux adolescents en souffrance, l’Espace Arthur a fêté ses 20 ans à Marseille

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Par Propos recueillis par Nathania Cahen

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L’Espace Arthur, une des premières unités de soins psychiatriques de France entièrement dédiées aux adolescents, a ouvert ses portes à Marseille en mai 1999. Le projet, porté par Marcel Rufo, célèbre pédopsychiatre, a permis d’accueillir et de soigner des centaines de jeunes depuis. Le pédopsychiatre revient sur cette aventure humaine et médicale.

Comment l’idée d’un service réservé aux adolescents vous est-elle venue ?

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Marcel Rufo – Crédit photo : Christophe ASSO – AP-HM

Marcel Rufo : Il y avait des précédents. Il existait au Kremlin Bicêtre une unité pédiatrique pour ados dirigée par le Pr Courtecuisse et une autre à Paris, à l'hôpital universitaire, dirigée par le Pr Flavigny et davantage orientée psychiatrie d'adolescents.

À la fin des années 90, à Marseille, je dirigeais l'inter-secteur de pédopsychiatrie dont dépendait La Timone. À la tête du service de psychiatrie, le professeur Tatossian a pris l’initiative de me céder le secteur de l’enfant – et des jeunes. Or les adolescents constituent une population distincte des enfants et des adultes, qui requiert une hospitalisation spécifique. Ils se trouvent à une période compliquée de leur vie, avec des histoires de transition. Et ils apparaissent très corporatistes, quelle que soit leur pathologie psychiatrique (boulimie, anorexie, phobie scolaire, dépression, tendances suicidaires…) D’où l’idée de les regrouper.

J’ai fait une proposition pour un service de 12 lits qui a été acceptée par toutes les parties prenantes. Cela a pu être financé grâce à la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, que présidait Bernadette Chirac (des opérations « pièces jaunes » seront ensuite consacrées à cette cause), mais aussi grâce à d’autres fondations, structures et associations…

Cet espace a été baptisé Arthur en hommage à Arthur Rimbaud, icône de l’éternel adolescent, venu mourir à l’hôpital de la Conception à Marseille après son périple à Djibouti. Le second hommage, au professeur Arthur Tatossian s’est imposé au décès de celui-ci.

Ce service n’était pas tout à fait comme les autres !

M.R. : En effet, l’Espace Arthur a bénéficié d’installations inédites : des équipements de sport et de balnéothérapie, une salle de musique, une médiathèque et même une « vétothèque » (un vestiaire un peu branché) à l’époque alimentée par l’Institut Mode Méditerranée (N.D.L.R. aujourd’hui Maison Méditerranéenne des Métiers de la Mode). C’était le moyen de faire en sorte qu’ils se sentent « moins malades, moins punis ».

Quels ont été les résultats ?

M.R. : Je dirigeais le service avec le Dr Michèle Battista, pédiatre avec de grandes connaissances en endocrinologie. Ce travail s’est avéré passionnant, avec un indice de satisfaction de 87 %. À telle enseigne que nous avons monté une astreinte d’urgences pédiatriques psychiatriques. Mais en 2004, j’ai été appelé à Paris pour la création de la Maison de Solenn, un autre établissement pour adolescents, davantage porté sur la médecine.

Les unités de ce genre étaient encore peu nombreuses, il y avait la Maison de l’Adolescent au Havre, le service du Pr Philippe Jeammet à l’Institut Montsouris…

Aujourd’hui le retard est-il comblé ?

M.R. : Pas suffisamment. Nous ne sommes pas à la pointe sur la discipline de l’adolescent, qui est spécifique, originale. En Finlande par exemple, il existe déjà un diplôme de médecine de l’adolescent. J’ai proposé d’en créer un, mais j’ai déjà essuyé deux refus. Mais vous me connaissez, je ne renonce pas facilement ! Je suis par ailleurs très admiratif de ce qui se passe à l’hôpital Sainte-Justine, à Montréal, avec un livret d’accueil exemplaire, des jeux…

Avez-vous des regrets ? À moins qu’il ne s’agisse de projets ?

M.R. : Oui, un regret commun à Paris et Marseille : je souhaitais mettre en place des équipes mobiles à même de traiter les ados anorexiques à domicile en créant une sorte d’« alliance » avec leurs familles. Mais cela n’a pas été possible, le temps administratif est si long… Mais j’ai en projet de développer la télémédecine dans ce domaine, avec la Corse notamment, un peu excentrée. Également pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas venir. L’idée est de toucher le plus large public possible.

D’autres projets évidemment : un cinéma pour les hôpitaux Sud de Marseille (l’Espace Arthur en fait partie) et un festival du film adolescent que soutiennent Fanny Ardant et Joséphine Truffaut (la fille de François), ainsi qu’une guinguette dans le jardin…

Je souhaiterais aussi qu’on se préoccupe davantage des jeunes adultes : certains sont parfois plus enfermés chez eux que dans une chambre d’hôpital !

Quelle est aujourd’hui encore votre implication au sein de l’espace Arthur ?

M.R. : En 2011, le service a déménagé pour l’hôpital Salvator, au sud de Marseille. Et il a été absorbé dans le nouvel Espace Méditerranéen de l’Adolescence (EMA), qui poursuit ce travail avec une orientation nouvelle et un intérêt renforcé pour le syndrome d’Asperger*.

J’ai pris ma retraite en 2013, j’ai laissé la place à d’autres et ne veux pas m’immiscer dans leur travail. Mais comme je suis incurable, j’ai créé au sein de la clinique psychiatrique de la Penne-sur-Huveaune l’unité de soins pour les ados « Le Passage » qui s’est élargie à une seconde dévolue aux jeunes adultes, qui sera bientôt étendue et dotée d’un hôpital de nuit. Et à Toulon, j’ai milité pour une Maison des adolescents et des jeunes, qui a vu le jour en 2017.

Dans l’ensemble, je suis satisfait. J’ai participé à la création d’une idée de l’hospitalisation de l’ado qui marche.

Par Propos recueillis par Nathania Cahen

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