Quand les bactéries font de la résistance

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Par Sihem Boultif

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Le mauvais usage des antibiotiques favorise le phénomène de résistance des bactéries. Qu’est-ce que l’antibiorésistance ? Quelles sont les solutions pour freiner son expansion ?

La journée mondiale des droits des consommateurs, qui se tient chaque année le 15 mars, est l’occasion pour la fédération mondiale Consumers International de rappeler que la résistance des bactéries aux antibiotiques gagne du terrain et devient un véritable enjeu de santé publique. En septembre dernier, un rapport sur le sujet a été rendu public par la ministre de la Santé Marisol Touraine. Le rapporteur Jean Carlet estime que l’antibiorésistance est à l’origine de 13 000 décès par an.

L’antibiorésistance, qu’est-ce que c’est ?

L’antibiorésistance est la capacité des bactéries à s’habituer aux antibiotiques, qui n’agissent plus sur elles pour les tuer. « C’est une adaptation normale du monde vivant », explique le Pr Andremont, qui dirige le laboratoire de bactériologie de l’hôpital Bichat, à Paris. « Lorsque l’on traite des millions de bactéries, la quasi-totalité meurt, mais il va rester une bactérie différente des autres, qui va s’adapter et résister à ce médicament. Cette unique bactérie, devenue résistante, n’est pas une difficulté, en soi. Le problème, c’est qu’elle est capable d’apprendre la faculté de résistance à d’autres bactéries.

Pénurie de nouveaux antibiotiques

La résistance des bactéries aux antibiotiques entraîne des risques pour la santé. « À cause d’une bactérie résistante, une pathologie potentiellement bénigne, comme une infection urinaire, par exemple, sera beaucoup plus difficile à traiter. » Pour soigner un patient contaminé par une bactérie résistante à un antibiotique donné, il faudra lui donner d’autres antibiotiques à des doses beaucoup plus fortes. Et la liste des molécules disponibles n’est pas infinie. « Il n’y a plus tellement de recherche de la part des laboratoires pharmaceutiques dans le secteur des antibiotiques depuis les années 1980 », souligne le spécialiste, « ce qui limite beaucoup les possibilités pour traiter les malades. »

Règles d’hygiène en prévention

Les humains ne sont pas les seuls à être traités par antibiotiques. Les animaux élevés pour leur viande le sont aussi. « Si seules les bêtes malades en prenaient, cela ne poserait pas problème. Mais à l’heure actuelle, tous les animaux sont traités de manière préventive, alors qu’ils ne sont pas malades », selon le Pr Andremont. « Ce qui crée des résistances, pollue l’environnement et nous expose, en tant que consommateurs. » En effet, les bactéries résistantes se retrouvent sur la viande, comme le poulet par exemple. C’est pourquoi il est important de bien se laver les mains une fois les préparations culinaires achevées. « Le poulet, même contaminé par des bactéries, ne sera pas dangereux pour la santé, car la cuisson va les détruire. En revanche, il faudra nettoyer soigneusement le plan de travail, la planche à découper, les couteaux… Tout ce qui aura été en contact avec la viande crue », précise le Pr Andremont.

Des solutions existent

« L’idée serait de travailler à la diminution des antibiotiques donnés aussi bien aux animaux qu’aux hommes. La France est le pays d’Europe où l’on consomme le plus d’antibiotiques, trois fois plus qu’en Hollande par exemple, et on ne constate pas plus d’infections chez eux », martèle le scientifique. « Il faut bouger les mentalités, et changer en profondeur les choses ». Existe-t-il une alternative aux antibiotiques ? « Il faudrait creuser la piste des bactériophages, des virus capables de détruire les bactéries », indique-t-il. « Mais ils ne semblent pas, pour l’heure, suffisamment efficaces. Préservons en premier lieu l’arsenal thérapeutique, composés de tous les antibiotiques existants à l’heure actuelle, avant de chercher des alternatives. »

Pour aller plus loin

  • Le dernier livre sur le sujet du Pr Antoine Andremont : « Antibiotiques, le naufrage », aux éditions Bayard (2014).
  • Le dossier de l’Inserm sur l’antibiorésistance.

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