Véritable chef d’orchestre de l’organisme, la thyroïde est une petite glande en forme de papillon située à la base du cou, juste sous la pomme d’Adam. Elle régule toutes les fonctions vitales grâce aux hormones qu’elle synthétise à partir de l’iode fourni par l’alimentation.
La thyroïde peut être déréglée par une inflammation (thyroïdite) conduisant à une insuffisance d’hormones ou au contraire à une surproduction d’hormones. Elle peut également être affectée par des tumeurs bénignes ou cancéreuses. Et lorsqu’elle se dérègle, rien ne va plus, tant sur le plan physique que psychologique !
« Les patients souffrant d’hyperthyroïdie se plaignent d’insomnies, d’angoisses et d’irritabilité, d’avoir une tendance à transpirer et d’être sujets aux palpitations et aux diarrhées, énumère le Dr Dana Hartl, médecin spécialisé en ORL et chirurgie de la face à l’Institut Gustave-Roussy, à Paris. Ces symptômes ne trompent pas, car ils sont caractéristiques d’une maladie qui, sous l’effet d’une trop importante sécrétion d’hormones, met tout l’organisme en état d’hyperfonctionnement. Elle se distingue de l’hypothyroïdie qui, inversement, met l’organisme au ralenti. »
L’hyperthyroïdie est souvent due à la maladie de Basedow, une maladie auto-immune* dans laquelle des anticorps stimulent excessivement la thyroïde à produire plus d’hormones, à la présence d’un nodule thyroïdien (petite masse qui se forme en groupe ou en solitaire dans la glande thyroïde) ou d’un goitre (augmentation de la thyroïde dans son ensemble), à une surcharge en iode (en général d’origine médicamenteuse).
Pour soigner une hyperthyroïdie, plusieurs traitements sont envisageables : l’administration de médicaments qui bloquent la fabrication des hormones thyroïdiennes ou la neutralisation de la thyroïde par de l’iode radioactif, mais également la chirurgie avec l’ablation partielle ou totale de la glande.
Selon les recommandations en vigueur, la chirurgie est le traitement de référence en cas de nodules bénins – mais seulement lorsqu’ils sont très volumineux et appuient sur la trachée –, ou lorsqu’un nodule est suspecté d’être cancéreux. Elle peut aussi être une option dans certains cas d’hyperthyroïdie, comme dans la maladie de Basedow ou encore en présence de certains nodules dits « chauds » ou « hypersécrétants », c’est-à-dire produisant des hormones et pouvant entraîner une hyperthyroïdie.
« La chirurgie de la thyroïde devrait être un acte thérapeutique pour les nodules cancéreux, suspectés cancéreux ou provoquant une gêne assez importante, insiste le Dr Hartl. Quand les nodules sont très petits, c’est-à-dire moins de 1 cm de diamètre, on devrait les laisser tranquilles, la grande majorité d’entre eux n’évoluant pas et ce, même s’ils sont cancéreux. Une simple surveillance sera alors suffisante. De toute façon, avant de recourir à un geste chirurgical qui n’est jamais anodin, il faut suivre les recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé). Celle-ci préconise d’avoir effectué une échographie spécialisée dans un centre expert et, selon les résultats, une cytoponction** si elle est indiquée pour déterminer la nature du nodule. »
Quel que soit le type de chirurgie que l’on envisage, il convient aussi d’en parler avec son médecin traitant pour avoir son avis.
Se faire opérer quand ce n’est pas indispensable, ce n’est qu’encourir des risques. Et même si les complications sont rares, elles existent : hématomes, abcès pouvant nécessiter une nouvelle intervention, troubles de la voix, manque de calcium, cicatrice…
« De plus, après une ablation totale de la thyroïde, les patients doivent prendre un traitement de substitution (hormone thyroïdienne), certes la plupart du temps bien toléré, mais dont ils dépendent à vie », précise Béate Bartès, présidente de l’Association Vivre sans thyroïde.
Cette thyroïdectomie peut être totale (on enlève toute la glande) ou partielle (on enlève un des deux lobes). L’opération s’effectue sous anesthésie générale et dure entre une et deux heures. Elle se pratique grâce à une incision cervicale basse (cervicotomie) d’environ 4 à 8 cm selon la taille du nodule, si possible dans un pli du cou.
« Elle offre des résultats très satisfaisants avec un taux de guérison de plus de 95 % pour la majorité des cancers diagnostiqués aujourd’hui, indique le Dr Hartl. Mais la cicatrice, lorsqu’elle se situe sur une partie du corps aussi exposée que le cou, rappelle constamment la maladie cancéreuse que l’on souhaite oublier et peut avoir un impact sur l’image de soi et les relations sociales. »
D’autant que, chez certaines personnes, la marque peut évoluer vers une cicatrice ayant la particularité de se colorer et de se boursoufler tout en s’étendant en relief. D’où l’utilisation de différentes techniques novatrices, souvent mises au point en Asie, pour pallier tous ces désagréments.
« Dans la culture asiatique, le méridien de la fécondité part de la base de la langue et descend jusqu’au périnée, en passant par le cou, explique le Dr Édouard Ghanassia, endocrinologue à Sète. Or, selon la tradition, en cas de cicatrice le long de ce méridien, la femme est réputée infertile et ne trouvera pas de mari. C’est dans ces pays qu’ont ainsi été développées des techniques évitant la cicatrice telles que les chirurgies par voie transorale (en passant par la bouche) et axillaire (en passant par l’aisselle) ou encore la thermoablation qui utilise la chaleur pour détruire le nodule. »
Après ceux de Paris et Suresnes, le centre hospitalier universitaire de Nancy est le troisième hôpital français à proposer de la chirurgie thyroïdienne par voie transorale.
Au lieu d’inciser le cou, le chirurgien opère par l’intérieur de la bouche, ne laissant aucune cicatrice visible. Trois incisions buccales sont réalisées : une au milieu de la lèvre inférieure (moins de 10 mm), suivie de deux autres en regard des incisives, à gauche et à droite. L’intervention, menée sous anesthésie générale, dure de 70 à 130 minutes, donc un peu plus longtemps qu’une chirurgie par voie classique (réalisée en une heure environ), car il faut créer un tunnel pour rejoindre la thyroïde.
D’après une étude parue en avril 2021 dans le Journal de chirurgie viscérale, cette technique innovante s’avérerait la plus intéressante en termes de risques chirurgicaux, permettant notamment une meilleure protection des nerfs des cordes vocales lors de l’intervention. Les auteurs de l’étude soulignent néanmoins l’importance d’avoir bien sélectionné au préalable les patientes éligibles à cette opération pour sa réussite. « Une réussite qui nécessite aussi d’avoir recours à un chirurgien spécialisé, rompu à cette pratique complexe », tempère le Dr Ghanassia.
La chirurgie rétro-auriculaire ou axillaire est une technique chirurgicale assistée par robot où l’on pratique une incision non plus à la base du cou, mais derrière l’oreille (comme une cicatrice de lifting) ou sous l’aisselle. Un opérateur, assis derrière un écran, dirige les bras du robot.
L’Institut Gustave-Roussy, à Paris, est le seul centre en France à pratiquer la technique dite « de lifting » pour la chirurgie de la thyroïde chez l’adulte. Et l’hôpital Necker Enfants Malades, à Paris, la propose pour les grands enfants et les adolescents. La voie axillaire y est également pratiquée. Mais elle est proposée aussi dans d’autres centres experts en France, comme l’hôpital de la Timone à Marseille ou encore les CHU de Nancy et Toulouse, ainsi qu’à l’hôpital américain de Paris.
Développée en Corée du Sud, la thermoablation a été importée par les docteurs Hervé Monpeyssen et Édouard Ghanassia à l’Hôpital américain de Paris et à la polyclinique Sainte-Thérèse à Sète. Il s’agit d’une alternative intéressante qui n’entraîne ni opération, ni cicatrice, ni traitement à vie. Selon une étude autrichienne, les patients y auraient essentiellement recours pour éviter l’ablation, souvent mal vécue, d’un organe fonctionnel, indépendamment d’une appréhension quelconque liée à la chirurgie.
Pratiquée sous anesthésie locale, la thermoablation consiste à introduire une sonde thermique pour chauffer le nodule, le brûler, le faire rétrécir et, dans certains cas, parvenir à le faire totalement disparaître. Un bémol : bien que des recommandations soient parues en 2020, la procédure, contrairement aux autres techniques précitées, n’est pas encore prise en charge par l’Assurance maladie.
* Une maladie auto-immune est une maladie due à un dérèglement du système immunitaire qui se met à « attaquer » l’organisme qu’il doit normalement protéger.
** Une cytoponction est un examen permettant d’affiner le diagnostic. Il consiste à insérer une aiguille très fine dans le nodule afin d’effectuer un prélèvement de cellules qui seront ensuite analysées.